Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2013 s’inscrit résolument en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l’innovation : il est au cœur du redressement productif.
À cet égard, l’élargissement proposé du crédit d’impôt recherche à certaines dépenses d’innovation des PME est une mesure tout à fait opportune. C’était un engagement du Président de la République, c’est une recommandation du rapport Gallois, et j’avais moi-même évoqué cette question dans le rapport d’information sur le crédit d’impôt recherche que j’ai présenté devant la commission des finances en juillet dernier.
Il est en effet nécessaire de renforcer la compétitivité des PME innovantes, parce qu’elles sont plus fragiles que les grandes entreprises et disposent de moyens financiers moindres.
En outre, notre retard sur l’Allemagne doit être comblé au plus vite. Alors que cette dernière se place au quatrième rang des pays innovants au sein de l’Union européenne, la France ne se situe qu’en onzième position dans ce classement : 54 % des PME allemandes ont mis en place une innovation en matière de produits ou de procédés, contre moins d’un tiers des PME françaises.
Alors qu’existe manifestement un continuum entre recherche, développement et innovation, le maillon faible de la France réside dans l’innovation. Il est donc logique d’étendre le crédit d’impôt recherche aux dépenses d’innovation, mais la frontière entre recherche et innovation peut se révéler parfois délicate à tracer.
Aussi le projet de loi de finances limite-t-il, à juste titre, le champ du crédit d’impôt recherche innovation à certaines dépenses en aval de la recherche et du développement, portant sur les activités de conception de prototypes, de nouveaux produits, ainsi que sur la réalisation d’installations pilotes. Le taux appliqué à ces dépenses d’innovation s’élèverait à 20 %, soit un taux inférieur à celui du crédit d’impôt recherche, qui s’établit à 30 %.
Cette différenciation de taux peut se concevoir, dans la mesure où les dépenses d’innovation sont plus proches du marché que les dépenses de recherche, et donc plus rapidement rentables. Toutefois, il ne faudrait pas qu’elle soit source d’insécurité fiscale pour les entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt recherche innovation. Aussi l’administration fiscale devra-t-elle recevoir des instructions strictes, pour qu’elle ne soit pas tentée de rattacher trop facilement les dépenses de recherche et développement au crédit d'impôt recherche innovation plutôt qu’au crédit d'impôt recherche stricto sensu, le premier étant moins coûteux que le second pour l’État.
Dans le même ordre d’idées, je souhaite revenir sur une préoccupation des entreprises et l’une des préconisations qui figuraient dans mon rapport d’information : les entreprises contrôlées doivent être sécurisées par des garanties qui, aujourd'hui, n’existent pas.
Les entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt recherche sont soumises à un double contrôle – une vérification de l’administration fiscale et une expertise scientifique du ministère de la recherche –, mais sans débat contradictoire. Il conviendrait qu’un décret instaure un tel débat, et même que les entreprises puissent demander une contre-expertise en cas de désaccord.
La création du crédit d'impôt recherche innovation est donc une mesure opportune, mais le mode de financement prévu dans le présent projet de loi de finances ne me paraît ni juste ni efficace.
En effet, cette mesure nouvelle, qui coûtera 300 millions d’euros, sera partiellement financée – à hauteur de 100 millions d’euros – par la suppression des taux majorés du crédit d'impôt recherche, s’élevant à 40 % et à 35 %, dont bénéficient les entreprises les deux premières années suivant leur entrée dans le dispositif fiscal.
Or, l’Inspection générale des finances a démontré que les taux majorés profitent, à concurrence de 90 %, aux PME. Les PME innovantes, les start-up ont besoin de trésorerie dès la conception de leur produit innovant, d'autant que les banques françaises leur font souvent défaut. Ces taux majorés doivent donc être compris moins comme des taux incitatifs que comme des aides financières. Par conséquent, leur suppression serait dommageable aux PME, notamment celles nouvellement créées.
Au demeurant, il serait paradoxal de faire financer une mesure profitant aux PME par une mesure d’économie supportée par ces mêmes PME ! Il n’est jamais bon de reprendre d’une main ce que l’on a donné de l’autre…
Prévoir un autre mode de financement me paraît souhaitable. Par exemple, il serait tout à fait possible de remplacer la suppression des taux majorés par une légère réduction de la prise en compte des dépenses de fonctionnement dans le calcul de l’assiette du crédit d'impôt recherche. Cette réduction s’appliquerait à toutes les entreprises, et non pas aux seules PME.
Ainsi, les dépenses de fonctionnement prises en compte, dont je rappelle qu’elles sont évaluées forfaitairement, pourraient s’établir non plus à 50 % des dépenses de personnel et à 75 % des amortissements, mais à 50 % des premières et à 50 % des seconds. L’économie réalisée serait précisément égale, voire supérieure, aux 100 millions d’euros que rapporterait la suppression des taux bonifiés. Une telle mesure serait indolore pour le budget de l’État, et presque indolore pour les entreprises, dès lors que la totalité d’entre elles, et non les seules PME, seraient concernées.
La stabilité juridique du crédit d'impôt recherche demandée par les entreprises et préconisée dans le rapport Gallois serait ainsi tout à fait respectée.
Monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement soit attentif à ces remarques et à cette proposition constructive, au service des PME et de l’innovation. §