Il est urgent que vous puissiez le compléter par les mesures en faveur de la compétitivité que vous avez annoncées. Ce serait la meilleure leçon à retenir de la décision de Moody’s, cela vaudrait mieux que de chercher à rendre vos prédécesseurs responsables de celle-ci.
Il est, en effet, indispensable que la représentation nationale et les entreprises elles-mêmes puissent connaître dans les plus brefs délais la manière dont vous allez décliner les dispositions envisagées.
En particulier, nous nous interrogeons sur le recours à un crédit d’impôt dont la formule de calcul n’est toujours pas connue et dont la montée en charge serait progressive sur trois ans. Cela signifie qu’au total il n’y aura ni baisse claire des charges sociales ni choc de compétitivité, mais seulement une très légère secousse – de 10 milliards d’euros, tout de même – l’an prochain…
Vos propositions sont-elles à la hauteur des enjeux ? À ce stade, nous en doutons, mais nous espérons pouvoir en débattre très prochainement.
Je voudrais terminer mon intervention en abordant un autre sujet, très sensible pour certaines entreprises et pour les collectivités locales.
Il s’agit des dispositions prévues à l’article 15 du projet de loi de finances pour 2013, qui vise, notamment pour les grandes entreprises, à limiter la déductibilité des charges financières, essentiellement constituées des intérêts d’emprunt.
La logique de ce dispositif est de pur rendement pour les finances publiques et relève d’une conception que l’on pourrait qualifier de « morale » du financement des entreprises : réduire le financement par endettement au profit du financement en fonds propres. Il faudra cependant nous expliquer comment les entreprises françaises, qui se caractérisent, malheureusement, par des marges faibles, peuvent s’autofinancer. Nous nous demandons d’ailleurs si les différentes mesures du projet de loi de finances en matière d’épargne financière ne vont pas finalement engager nos entreprises dans une impasse s’agissant du financement de leurs investissements, à un moment où la récession qui se profile pour la zone euro ne les encourage pas à la prise de risque.
Plus particulièrement, j’insisterai sur le fait que le dispositif de l’article 15 déséquilibre complètement le financement de la construction d’infrastructures pour le compte de personnes publiques, au premier chef les collectivités locales, qui assurent, je le rappelle, 70 % de l’investissement public, notamment par le biais de contrats de partenariat.
La première conséquence de cette décision est évidemment une réduction des bénéfices des entreprises concernées ; dans le pire des cas, cela pourrait entraîner des défauts.
Ensuite, pour les contrats à venir, on peut s’attendre à une augmentation des tarifs ou à une réduction des travaux à la charge de l’entreprise portant le projet, en tout état de cause à une augmentation du coût global pour le cocontractant public. Permettez-moi de souligner, mes chers collègues, que des opérations énormes, comme la réalisation de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, sont concernées.
Quant aux contrats en cours, l’équilibre de tout projet prenant en compte la possibilité de déduire les intérêts sur toute la durée d’un contrat de partenariat, il est évident que la mesure envisagée les met en péril, au-delà d’éventuelles dispositions contractuelles permettant une hausse de la rémunération compensant l’augmentation du coût du crédit.
La mise en œuvre de ce dispositif entraîne donc tout à la fois un grave déséquilibre microéconomique à l’échelon des entreprises et un déséquilibre macroéconomique à celui des finances publiques, locales et nationales. Nous pouvons donc raisonnablement anticiper qu’elle impliquera une dégradation des finances publiques, pour un gain fiscal presque nul.
Dans ces conditions, il est indispensable de revenir sur les dispositions de l’article 15, à tout le moins pour les partenariats public-privé, les PPP. J’ai déposé un amendement en ce sens ; nous aurons donc l’occasion d’en reparler.
Enfin, je souhaiterais ajouter que, encore une fois, une vision par trop idéologique s’accorde mal avec la réalité économique. Il ne faut pas rejeter par principe le recours aux PPP, sous prétexte que ce dispositif serait d’inspiration anglo-saxonne, comme je l’entends dire ces derniers temps. Au contraire, il faut les considérer comme un instrument d’investissement de long terme, avec partage des risques, comme un vrai contrat de partenariat pour une meilleure qualité des infrastructures publiques, intégrant la maintenance et l’entretien.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous aurez compris que, comme les autres membres de mon groupe, je ne voterai pas le projet de budget tel qu’il nous est présenté. Il ne correspond pas à la réalité et ne traduit pas la politique que vous voulez mener.