Intervention de Nicolas About

Réunion du 25 février 2010 à 9h30
Installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Nicolas AboutNicolas About :

Au même titre que l’opinion publique, nombre d’entre nous ont été affectés par ces événements. Comme maire, j’ai hélas eu moi-même à prendre en charge des familles à la suite d’incendies et de décès de ce genre : je connais donc l’aspect dramatique de ces événements. Cependant, je me méfie de la tentation d’y apporter une réponse dans l’urgence.

Je crois qu’il faut raison garder et ne pas s’engouffrer dans le piège de la « jurisprudence des ascenseurs ». Souvenez-vous : après un dramatique accident dans un ascenseur, une réforme avait été engagée, faisant peser plusieurs milliards d’euros de charges supplémentaires sur les propriétaires et les locataires par l’intermédiaire des syndics Et pourquoi tout cela ? Parce que des dealers avaient verrouillé volontairement le système de sécurité de l’ascenseur. Il n’était pas question d’un défaut d’entretien général du parc français d’ascenseurs – encore que ce défaut aurait pu exister – mais il s’agissait d’un acte délictueux, malveillant et isolé.

Mes chers collègues, les centristes ont majoritairement une position prudente sur l’opportunité d’une loi comme réponse à ce fait divers de 2005. Par souci de lisibilité et d’applicabilité de nos nombreuses normes, la loi ne me semble pas être le meilleur moyen pour mener la lutte contre les décès liés aux incendies domestiques.

Il est certainement plus adapté de cultiver la responsabilité de chacun que de contraindre tous les locataires par une loi dont l’applicabilité me semble très incertaine et les modalités d’application d’une adéquation critiquable par rapport au dessein poursuivi.

En outre, d’autres sénateurs regrettent la charge exceptionnellement lourde que fait peser cette réglementation sur les locataires et propriétaires occupants – en somme, sur tous les Français –, au regard des bénéfices sécuritaires que l’on peut en attendre. En effet, nous pensons qu’il est possible d’arriver au même résultat par d’autres voies.

D’abord, cette obligation fait peser sur chaque occupant une contrainte financière non négligeable, entre l’achat du détecteur – un seul détecteur me paraît déjà très insuffisant -, l’installation et l’entretien annuel.

Mon collègue Daniel Dubois rappelait, en commission mixte paritaire, qu’au moins 10 % des locataires d’HLM ne sont pas assurés, malgré l’obligation imposée lors de l’entrée dans les murs, parce qu’ils n’en ont pas les moyens. Le logement n’est pas assuré et il faudrait désormais contraindre ces mêmes locataires à installer un détecteur, avec tous les risques que cela comporte s’ils ne le font pas ?

Notre rapporteur craignait aussi que les détecteurs ne disparaissent hélas rapidement du monde des HLM, pourtant particulièrement exposé à ces sinistres.

L’obligation d’installer un détecteur crée aussi une préoccupation « pratique » supplémentaire pour chacun, puisqu’il faut s’assurer régulièrement de son bon fonctionnement – en déclenchant l’alarme, forcément ! –, et le notifier annuellement à son assurance.

Si certains locataires peuvent le faire eux-mêmes, d’autres devront faire venir un électricien. Je vois mal toutes les personnes âgées de France aller tester leurs détecteurs de fumée et les entretenir ! Or cela représente un coût non négligeable : à Paris, je vous le rappelle, le tarif d’un électricien qui se déplace pour une demi-heure est de quatre-vingts euros.

La sanction prévue pour ceux qui négligeraient l’achat ou l’entretien du détecteur est, elle aussi, très contraignante. En cas d’incendie, et quand bien même vous seriez intervenu pour tenter de l’étouffer, si votre détecteur ne fonctionnait pas ou si vous aviez oublié cette année-là de notifier son bon fonctionnement à votre assureur, ou encore si vous aviez placé le détecteur dans la chambre et que l’incendie s’est déclaré dans la cuisine, l’assurance pourra vous retenir 5 000 euros de franchise. Il ne faudra pas se plaindre : encore heureux qu’un amendement permette d’empêcher l’assureur de s’exonérer totalement en cas de défaut d’entretien !

La troisième contrainte sérieuse dans l’utilisation de ce système concerne les déclenchements intempestifs du détecteur. Assurément, il faut s’attendre à ce que des locataires enlèvent la pile pour éviter le retentissement de l’alarme, lorsqu’ils font un peu trop cuire un bifteck sur le gril ou quand la pièce munie d’un détecteur abrite de nombreux fumeurs.

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