Intervention de Nicolas About

Réunion du 25 février 2010 à 9h30
Installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Nicolas AboutNicolas About :

… risque 5 000 euros, puisque son assurance lui retiendra ce montant au titre de la franchise. Le contentieux avec les assurances a, en tout cas, de beaux jours devant lui !

Une fois encore, j’entends la sincérité de la démarche, mais n’y a-t-il pas là un déséquilibre entre les précautions imposées et la sévérité de la peine, sans compter les désagréments que les détecteurs peuvent provoquer au quotidien ?

La contrainte quotidienne est une chose, mais il semble qu’il faille aussi apprécier l’opportunité de la loi au regard de l’efficacité des détecteurs.

La question de l’efficacité du détecteur, le jour où un incendie se déclare chez vous, et que vous ne vous en apercevez pas parce que vous dormez, est à double tranchant.

Certains d’entre nous voient la bouteille à moitié pleine et voteront la proposition de loi, parce qu’une alarme est le seul moyen de vous prévenir dans votre sommeil. Encore faut-il que chaque chambre en soit équipée ! Le détecteur « peut » en effet réduire le nombre de décès de moitié et on ne peut qu’y être favorable. Les statistiques montrent aussi que le nombre de décès liés à un incendie pour 100 000 habitants est inférieur en France, où les logements ne sont pas équipés, et supérieur aux États-Unis, où les détecteurs sont obligatoires.

D’autres considèrent que le détecteur ne fait pas tout et qu’il peut même être contre-productif quand les victimes n’ont pas appris le comportement à adopter en cas d’incendie. Mme Dini, présidente de la commission des affaires sociales, avait d’ailleurs souligné le nécessaire effort d’information et de communication à ce sujet.

Je rappelle – parce qu’on ne le dit pas –, que, lors du dramatique incendie de L’Haÿ-les-Roses, l’immeuble était équipé de détecteurs de fumée. Les alarmes ont retenti, comme dans 70 % des cas. En revanche, la présence de détecteurs n’a pas empêché l’effet meurtrier de l’incendie. Les pompiers ont reconnu que les décès ont été provoqués par la panique liée à l’alarme, les habitants se précipitant dans la cage d’escalier enfumée, alors qu’ils auraient dû rester calfeutrés dans leur appartement en attendant les secours.

La première réaction, après l’incendie de L’Haÿ-les-Roses, aurait dû être de mettre en place, avant même de réfléchir à un texte sur les détecteurs de fumée, des actions pour une bonne éducation.

Telle est la raison pour laquelle, même si la généralisation des détecteurs devait doubler les chances de survie, cette mesure légale très contraignante sera peu opérante en réalité, à défaut de la nécessaire éducation, des jeunes notamment, sur les comportements à adopter face à un incendie.

L’éducation, renforcée par une campagne d’information, a montré toute son efficacité dans le domaine de la sécurité routière. Procédons de même pour la prévention des incendies !

Il est vrai que ce type de campagne est coûteux et ne peut être initié qu’à partir du moment où la sécurité – sécurité routière, sécurité incendie - a été érigée en priorité nationale et a donc la chance de bénéficier de moyens importants.

Mais il existe une alternative moins coûteuse : chaque année, dans toutes les écoles, les collèges et les lycées, un test d’évacuation incendie est obligatoire. Pourquoi ne pas le faire suivre d’un cours sur les mesures à prendre en cas d’incendie ?

De même, une politique du logement soucieuse de la salubrité des logements permettrait de réduire structurellement les risques d’incendies, cela a déjà été évoqué.

Pour clore cette discussion, je souhaiterais reprendre une dernière remarque tirée du rapport du Médiateur de la République pour 2009, paru ces jours derniers.

Le Médiateur de la République estime que 15 millions de Français en sont à cinquante euros près pour « boucler » leur budget mensuel. Dans ces conditions, 15 millions de Français peuvent avoir des difficultés à acheter un ou plusieurs détecteurs nécessaires à leur protection.

Ne serait-il pas plus judicieux, outre les mesures éducatives, de proposer librement les détecteurs, quitte à ce que les assureurs soient tenus de favoriser, en termes de franchise, ceux qui en sont dotés ?

Mes chers collègues, l’appréciation des sénateurs du groupe de l’Union centriste étant différenciée sur le point d’équilibre entre la finalité sécuritaire et les modalités de la présente proposition de loi, notre vote sera panaché.

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