Intervention de Christian Favier

Réunion du 20 novembre 2012 à 14h30
Représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Christian FavierChristian Favier :

… tant son orientation recentralisatrice et son contenu étaient rejetés, et restent contestés par une majorité d’élus locaux.

Pour notre part, nous n’avons jamais cessé de demander l’abrogation de ce texte et avons même déposé une proposition de loi à cette fin, en parfait accord avec les propos du président Jean-Pierre Bel qui, vous vous en souvenez, déclarait dans son allocution du 11 octobre 2011 : « La réforme territoriale doit être abrogée et entièrement repensée. Une réforme est à l’évidence nécessaire, comme je l’ai entendu dire en bien des endroits. Mais celle-ci est allée, je le crois, dans le mauvais sens. »

En cohérence avec cette déclaration, il convient, selon nous, de ne pas poursuivre dans cette mauvaise direction ni même de simplement corriger à la marge un mauvais texte. Or force est de constater que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est loin de répondre aux objectifs définis par le président de notre assemblée.

Les dispositions de ce texte pourraient même apparaître comme autant de mesures permettant d’atteindre plus aisément un des objectifs majeurs de cette réforme de 2010 : je veux parler de l’achèvement à marche forcée de la carte intercommunale, dans le but non avoué, mais bien réel, de réduire massivement le nombre des communes que compte notre pays.

En effet, chacun sait que trente-trois départements ne sont toujours pas parvenus à un accord sur le schéma départemental de coopération intercommunale et que, dans les départements qui en ont adopté un, de nombreux points de blocage subsistent, pour diverses raisons. Il semble même qu’en certains endroits les tribunaux administratifs aient été saisis.

Je profite d’ailleurs de ce débat pour adresser au Gouvernement une demande que nous avions déjà transmise à son prédécesseur : nous souhaitons qu’un état précis de l’avancement de ces schémas nous soit remis, ainsi qu’une note synthétique répertoriant les principaux points qui bloquent leur adoption et leur mise en œuvre.

Un tel document nous semble absolument nécessaire pour éclairer notre assemblée dans la perspective des réformes annoncées par le Gouvernement. En effet, comme le note notre rapporteur, « l’application de cette loi a été génératrice de blocages et de réticences ».

Dans son rapport, notre collègue dresse également la liste des grandes difficultés que soulève l’intercommunalité : le calendrier de mise en œuvre, les incertitudes liées à l’exercice de certaines compétences de proximité, ainsi que celles qui tiennent aux principes régissant la composition des conseils communautaires et le nombre de vice-présidents.

C’est pour tenter de remédier à ces problèmes que notre collègue Alain Richard a déposé ce texte. Il s’agit donc, non pas de modifier véritablement la loi de 2010, mais de lever les blocages qui font obstacle à son application.

Dans ces conditions, comment pourrions-nous soutenir ces dispositions, alors que nous sommes favorables à l’abrogation même de cette loi que nous avons combattue et dont nous contestons toujours l’esprit et la lettre ?

Permettez que nous nous rappelions, ici, les débats sur cette loi dite « de réforme des collectivités territoriales ».

L’article dont vous modifiez quelques alinéas, et qui est devenu l’article 9 de cette loi, fut sans doute l’un des plus discutés. Des opinions divergentes se sont exprimées à son endroit au sein même des groupes. Il a d’ailleurs fallu que l’Association des maires de France mette tout son poids dans la balance en inspirant un amendement, lequel fit lui-même débat.

Cette modification permettrait aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération de définir, par accord majoritaire, le nombre de sièges de leur assemblée délibérative en relevant le plafond de la dérogation de 10 % à 25 %.

Pour notre part, nous nous étions opposés aux règles de plafonnement. Deux principes dictaient alors notre position ; ils demeurent pour nous intangibles.

D’une part, les intercommunalités devant être considérées comme des outils de gestion et de coopération mis en place par les communes, le principe de libre administration que leur garantit la Constitution les laisse libres des moyens à déployer pour mettre en œuvre les compétences qui leur sont dévolues.

D’autre part, le principe de confiance envers à la fois les élus locaux et les électeurs doit prévaloir. Les uns n’ont pas l’habitude de faire n’importe quoi et les autres de laisser faire n’importe quoi.

Aussi, le peu de souplesse supplémentaire qui est apporté par ce texte, faisant passer le droit à dérogation du nombre de conseillers communautaires de 10 % à 25 % du nombre défini dans le tableau figurant au III de l’article 9, ne change pas vraiment les choses. Sans doute répond-il simplement à des demandes locales et permet-il de trouver un accord ici ou là.

Toutefois, la libre administration et la confiance ne sont toujours pas au rendez-vous. Nous le regrettons d’autant plus que, parmi les multiples déclarations, parfois contradictoires, que l’on entend dans les rangs de la majorité gouvernementale, il semble que ne soit plus envisagée l’abrogation de cette réforme de 2010, pourtant emblématique de l’ancien pouvoir, mais surtout contraire à une vraie décentralisation en ce qu’elle vise à mettre au pas l’ensemble des élus locaux et à créer les conditions d’une disparition programmée des communes et des départements.

Nous savons pourtant que, sur les travées de notre assemblée, à gauche et parfois même au-delà, cette exigence demeure.

L’incompréhension, l’inquiétude et la colère de l’immense majorité des élus locaux face à cette réforme – les états généraux de la démocratie territoriale en ont donné une nouvelle preuve – et à la fragilité financière de leurs collectivités doivent, à notre avis, nous conduire à trouver aujourd’hui un autre débouché politique. Celui-ci doit porter le souffle de la réforme, du progrès social et démocratique, en plaçant la réponse aux besoins et aux attentes de la population au centre de ses objectifs, comme avaient su le faire, voilà trente ans, les lois Defferre, qui tendaient à renforcer les droits et libertés des communes, départements et régions.

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