Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 23 novembre 2012 à 9h30
Juridictions de proximité — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, notre excellent président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, nous accorde un sursis, sans mise à l’épreuve, pour rétablir la justice. (Sourires.) Il va sans dire que le groupe socialiste approuve totalement sa démarche et remercie la rapporteur, Virginie Klès, pour son travail.

Vous le savez, madame la garde des sceaux, la réforme de la carte judiciaire a été faite à la hache, sans grande concertation. Pour ma part, alors même que j’avais quelques contacts dans les milieux judiciaires, je n’ai été consulté ni par les chefs de cour ni par qui que ce soit d’autre dans ma région. J’avais pourtant des propositions à faire...

Cette réforme de la carte judiciaire a été faite dans le seul souci de supprimer un certain nombre de tribunaux, y compris pour des raisons politiciennes. Pourquoi conserver Brive et supprimer Tulle, par exemple, pour parler du cas le plus emblématique ? Aucune considération n’a été portée aux compétences des tribunaux ou à l’éloignement des justiciables.

À ce propos, à l’instar de ma collègue Nathalie Goulet, je citerai à titre d’illustration mon propre département, la Haute-Saône. Le contentieux qui relevait du tribunal d’instance de Gray, qui a été supprimé, est maintenant traité à Vesoul alors que les deux villes sont distantes d’environ soixante kilomètres et qu’il n’y a aucun moyen de locomotion entre l’une et l’autre, sinon la voiture personnelle. Je peux témoigner ici que les audiences du tribunal de Vesoul consacrées aux affaires de la région de Gray se déroulent sans justiciables, ce qui, vous l’avouerez, est tout de même quelque peu gênant, notamment en matière de tutelle.

Il faut donc d’abord revoir la question des compétences. Mon point de vue, qui n’est peut-être pas partagé par tout le monde, est qu’il ne faut prévoir qu’une seule juridiction de premier ressort, ce qui veut dire qu’il n’y aurait plus de juridiction d’instance et de grande instance, tout cela ne signifiant d’ailleurs pas grand-chose.

Il faut revoir aussi, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, le rôle du juge. Le juge, ce n’est pas celui qui médiatise, qui concilie, qui remplit le rôle d’une association de défense des droits des victimes ; le juge, c’est celui qui tranche au nom du droit et de la loi.

J’estime que la dévolution des compétences doit se faire sur un territoire donné – le département ou la région –, par pôles de contentieux attribués à diverses juridictions ou « antennes » – appelons-les comme on voudra – de juridiction.

Il existe, et Virginie Klès y a fait allusion, un pôle du droit de la famille, droit dont, avec la question du mariage, on parle beaucoup en ce moment. Pour quelle raison est-ce le tribunal de grande instance qui traite le divorce et ses conséquences, et le tribunal d’instance les tutelles ? Toutes ces affaires devraient, à mon avis, être rassemblées dans un pôle du droit de la famille.

Les contentieux relevant du droit des contrats, du logement, de la consommation devraient, de même, être rassemblés dans un pôle unique.

À partir du tribunal de grande instance pourraient ensuite être organisées sur l’ensemble d’un territoire des audiences foraines, des antennes, afin que, dans les situations que Nathalie Goulet et moi-même avons évoquées, les justiciables retrouvent la proximité avec la juridiction du juge qui traite de ce qu’on appelle la « justice quotidienne », bien plus importante pour nos concitoyens – en particulier pour nos concitoyens les plus défavorisés, ce qui est une raison de plus pour que l’accès au juge soit le plus facile possible – que les grandes affaires criminelles que l’on voit à la télévision et qui n’ont pas au fond un grand intérêt social, si ce n’est la condamnation d’un criminel.

Puis il y a le droit pénal, notamment le droit pénal des mineurs. J’ai cru comprendre, madame la garde des sceaux, que, dans ce domaine aussi, vous vouliez remettre les choses à plat. Il faut en effet le faire.

Le droit pénal, c’est aussi, bien entendu, la procédure pénale.

Une grande polémique est née lorsqu’il a été annoncé que les juges d’instruction allaient être supprimés du jour au lendemain et leurs compétences pratiquement transférées aux procureurs de la République, alors que ces derniers sont – il faut quand même le dire – dépendants, du fait non seulement de leur nomination et de leur régime disciplinaire, mais aussi du lien de subordination qui les lie à vous, madame la garde des sceaux, et au Gouvernement. Tout cela n’était pas réaliste et ne s’est d’ailleurs pas fait, le gouvernement d’alors ayant dû reculer en rase campagne. Il n’empêche que nous pensons que la procédure pénale peut être réformée.

Sur ce sujet, comme d’ailleurs sur beaucoup d’autres, la commission des lois, sous la présidence à l’époque de Jean-Jacques Hyest, avait commandé un rapport qu’avec mon collègue Jean-René Lecerf j’ai produit. Nous nous sommes déplacés à Berlin et à Rome, où les statuts des magistrats du parquet et du siège sont très différents des nôtres. Nous avons vu comment la procédure pénale fonctionnait en Allemagne, pays fédéral, et en Italie. Nous avons procédé à de nombreuses auditions et, dans notre rapport, nous avons fait des propositions pour une procédure pénale équilibrée.

Ces propositions, qui avaient recueilli l’assentiment unanime de la commission des lois, ne doivent peut-être pas toutes être reprises, mais sans doute pourraient-elles contribuer à tracer les lignes d’une nouvelle réforme de la procédure pénale.

Il y a, par ailleurs, le problème des citoyens assesseurs, auxquels vous avez fait allusion lorsque vous êtes venue présenter votre budget devant la commission des lois. Les résultats des expériences conduites sont très inégaux.

En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas contre la participation des citoyens à l’œuvre de justice et j’en ai moi-même été partisan dans des années antérieures, alors que j’étais peut-être un peu plus virulent

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