Je soutiendrai ces amendements avec conviction, et cela sous deux angles extrêmement différents.
Premier argument : la France est un grand pays par sa géographie, couvrant plus de 550 000 kilomètres carrés, où la densité de population est relativement faible ; de ce fait, de très nombreux professionnels ont fait de leur voiture leur véritable bureau principal, contraints qu’ils sont de se déplacer pour aller à la rencontre de leur clientèle, assurer des services et accomplir des démarches.
Manifestement, pour beaucoup de voyageurs, représentants, placiers, d’ingénieurs, de consultants et de démarcheurs, le chiffre de 100 000 kilomètres par an est facilement atteint. Imposer à ces travailleurs de vivre dans un petit gabarit, qui ne leur apporte ni le confort, ni la sécurité, ni un environnement propice – à 80 kilomètres/heure de moyenne, 100 000 kilomètres représentent 1 200 heures, soit près des deux tiers de la durée officielle de travail par an –, c’est leur infliger une punition que rien ne justifie.
Mon second argument, de nature tout à fait différente, concerne la situation de notre industrie automobile. La France s’étonne que ce secteur dépérisse et nous recevons des leçons de personnes soi-disant autorisées qui nous expliquent que les constructeurs automobiles ont fait les mauvais choix stratégiques, qu’ils n’ont pas accepté le haut de gamme, qu’ils n’ont pas opté en faveur de la valeur ajoutée et qu’ils n’ont pas de produit susceptible de se vendre dans le monde entier parce que leurs ambitions sont trop modestes.
Il est vrai que, dans notre pays, dès la IVe République, de façon constante, les cylindrées de plus de 13 chevaux ont été pénalisées. En gros, la frontière entre les grosses cylindrées et les autres s’est longtemps située à 2 500 centimètres cubes ; elle a été repoussée depuis.
Or la nouvelle clientèle mondiale, notamment celle des marchés émergents, et tout particulièrement en Chine – ce n’est pas moi qui le dis, ce n’est pas un choix politique : c’est un fait de société global –, se porte sur des véhicules haut de gamme, qui peuvent être fabriqués en Europe aux coûts salariaux européens parce qu’ils dégagent une valeur ajoutée plus importante.
Il se trouve que c’est exactement ce type de véhicules que cet article, s’il était adopté, découragerait de construire.
Bientôt, en France, nous n’aurons plus d’industriels capables de présenter à des responsables professionnels publics, privés ou exerçant en libéral, ou simplement à des clients qui ont des usages spécifiques, ces modèles à forte valeur ajoutée, dont la construction est facilement localisable dans notre pays parce qu’elle permet de dégager des marges.
Cessons donc de nous plaindre de voir des usines fermer alors que toute notre fiscalité s’organise pour nous limiter à des modèles que nous n’avons pas la capacité de fabriquer de façon compétitive. Votre article « 6 chevaux », c’est un appel d’offres pour la Roumanie ! Tant mieux pour eux, puisque nous sommes des Européens, mais ne nous plaignons pas ensuite de voir des usines fermer dans notre pays ! (