Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques. Ce projet de loi de finances pour 2013 s’intéresse aux trois catégories de revenus du capital qui existent : plus-values, intérêts, dividendes. Nous avons examiné les dividendes avant la suspension de séance ; nous discutons maintenant la nouvelle fiscalité relative aux plus-values.
Entre le moment où le projet de loi de finances a été adopté et cette séance au cours de laquelle nous examinons les dispositions votées par l'Assemblée nationale, des discussions intéressantes ont eu lieu. Elles ont permis d'aboutir à un résultat que l'on peut objectivement qualifier d'équilibré.
D'abord, la question de la rétroactivité pouvait se poser ; ensuite, nous avons considéré que, dans l’ensemble, au-delà de quelques exemples caricaturaux, les chefs d’entreprise qui investissent, qui prennent des risques, qui consacrent beaucoup de temps à leur travail sans toujours se rémunérer de manière très satisfaisante car ils en espèrent une récompense plus tard sous la forme d’une plus-value, devaient se voir réserver un sort particulier, la qualification de revenu du capital ou revenu du travail étant largement discutable, dans un sens comme dans l’autre.
Le Gouvernement propose donc que, pour les cessions intervenues en 2012, le prélèvement forfaitaire libératoire reste ce qu’il était jusqu’alors. De ce point de vue au moins, il me semble délicat de qualifier ce projet de dangereux pour l’économie.
Pour les autres cessions, il est prévu pour 2012 une majoration du prélèvement forfaitaire libératoire. Je crois qu’il est assez légitime de demander à ces cédants, en dépit de l’aspect potentiellement rétroactif de la mesure, dont nous avons vu tout à l'heure que le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel l’admettaient parfaitement, d’accepter une majoration de 5 points. Une telle majoration ne constitue pas une quelconque manœuvre déloyale, encore moins un prélèvement confiscatoire, mais simplement l’effort supplémentaire que l’on est en droit de demander à ceux qui ont réalisé une plus-value. En 2013, ils contribueront donc davantage qu’ils ne l’ont fait les années précédentes au redressement du pays.
Ensuite, le barème de l’impôt sur le revenu s’appliquera à ces cédants, avec un certain nombre d’abattements qui inciteront à la détention longue, car le but est bien de laisser des capitaux investis dans les entreprises. Nous le savons, l’un des problèmes de notre économie est le niveau et la pérennité des fonds propres des entreprises. Pour que les capitaux restent durablement investis dans les entreprises, il faut prévoir des mécanismes incitatifs. C’est pourquoi, dans le dispositif que nous proposons, l’abattement est de 20 %, 30 % ou 40 % selon que les plus-values sont réalisées deux, quatre ou six ans après l’investissement, ce qui me semble acceptable. Une fois l’abattement opéré, c’est le barème de l’impôt sur le revenu qui s’applique à ces plus-values.
Telle est l’économie générale du dispositif, dont des recettes supplémentaires sont effectivement attendues. Monsieur Doligé, vous avez vous-même indiqué le montant de ces recettes. Il est certes important, mais il ne me paraît pas hors de portée pour ceux qui seront ainsi sollicités. Je ne pense pas que le dispositif suscitera chez ces derniers découragement, amertume, dépression ou envie d’exil.
Nous estimons qu’il existe une forme de patriotisme économique de bon aloi, à laquelle nous pouvons les uns et les autres faire référence. Au demeurant, si les chefs d’entreprise concernés par le dispositif ne font pas l’effort qui leur est demandé, qui le fera ? Faut-il le demander aux salariés modestes, à ceux qui ne paient pas d’impôt sur le revenu ? Faut-il diminuer les prestations sociales, et pour qui ? Il serait d'ailleurs intéressant de connaître les propositions de ceux qui estiment que la contribution que nous souhaitons instaurer est excessive.
Je connais l’argument selon lequel il faudrait plutôt faire des économies supplémentaires. Si je peux comprendre cette demande, je réponds tout de même à ceux qui seraient enclins à la formuler ou à la répéter que nous ne faisons pas moins d’économies qu’eux en ont fait, et que nous nous apprêtons même, selon toute vraisemblance, à en réaliser bien davantage.
Voilà dans quel contexte économique nous conduisons notre action. Voilà à quels ressorts – une forme de patriotisme économique – nous tentons de faire appel. Il n’est certes jamais très agréable de payer davantage d’impôts – je ne prétends pas le contraire –, mais il me semble que la situation actuelle rend notre demande légitime. Je crois sincèrement que l’ensemble de nos concitoyens sont convaincus que ces efforts sont justes, et que ceux à qui nous les demandons peuvent les consentir sans que leur esprit d’entreprise, leur ardeur au travail ou leurs espoirs de récompense s’en trouvent compromis ou amenuisés pour autant.