Là encore, il ne s’agit que de supprimer quelques petits alinéas, mais des alinéas loin d’être anodins, comme le remarquait, à l’instant, notre collègue Vincent Delahaye !
Cet amendement vise à supprimer la prise en compte d’une catégorie de prétendus « revenus » que l’article 9 prévoit d’intégrer dans le calcul du plafonnement de l’ISF.
Il est déjà anormal de prendre en compte des revenus virtuels, comme les revenus capitalisés des contrats d’assurance-vie, dans le calcul du plafonnement, alors même que la valeur de rachat des bons ou des contrats de capitalisation est susceptible de baisser et que racheter ses parts signifie, dans les premières années, subir une fiscalité alourdie.
Mais il est profondément choquant d’intégrer, dans ce calcul, des « revenus » que, dans d’assez nombreux cas, le contribuable n’aura pas la liberté de décider de percevoir ou non ! Tel est, par exemple, le cas du « bénéfice distribuable » d’une société holding. De fait, les critères proposés pour bénéficier de ce dernier – avoir détenu, avec son cercle familial élargi, plus de 25 % des droits dans les bénéfices à un moment quelconque des cinq dernières années – ne sont pas des critères de contrôle de la société.
En pratique, la mesure introduite par le Gouvernement concernera de très nombreux actionnaires minoritaires ne maîtrisant pas la décision de percevoir ou non le « bénéfice distribuable » !
Dès lors, on pourrait à bon droit s’interroger, rue de Montpensier...
À cet égard, on peut rappeler que, dans le commentaire de sa décision n° 2012-654 DC du 9 août dernier, le Conseil constitutionnel, évoquant l’ancien plafonnement dit « Rocard », a souligné que ce mécanisme « permettait de s’assurer que l’acquittement de l’ISF, ajouté à celui de l’impôt sur le revenu ainsi que des prélèvements sociaux, n’excédait pas une fraction du revenu disponible du contribuable ». « Disponible », monsieur le ministre… Or, dans de nombreux cas, le revenu distribuable des sociétés visées dans le mécanisme proposé ne sera précisément pas « disponible » pour le redevable. Le « nouveau plafonnement » n’offrira donc pas les mêmes garanties que l’ancien.
De plus, cette mesure est mauvaise sur le plan économique, puisqu’elle constituera une incitation très forte à se faire verser la quasi-totalité du revenu distribuable afin de pouvoir acquitter son impôt. Ainsi, tandis qu’aujourd’hui les holdings de tête servent souvent à financer les sociétés les moins rentables d’un groupe familial, grâce aux bénéfices des sociétés les plus performantes, elles risquent de perdre ce rôle à l’avenir, au détriment de l’activité, et sans doute aussi de l’emploi.
Monsieur le ministre, il serait plus sage de supprimer ce dispositif, la notion d’abus de droit devant permettre à l’administration fiscale de surmonter les montages réalisés pour se soustraire à l’impôt.
J’espère que vous serez sensible à ces arguments techniques et de bon sens !