Intervention de Philippe Marini

Réunion du 24 novembre 2012 à 10h00
Loi de finances pour 2013 — Article 9

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini :

Mais ce n’est pas une question d’amour, c’est une question de droit parlementaire ! Le Parlement doit faire son travail, quelles que soient, cher collègue, nos opinions.

La nouvelle définition du passif figurant à l’article 9 amplifie encore le phénomène que j’ai dénoncé.

Désormais, seules les dettes se rapportant à des actifs taxables seraient admises en déduction du patrimoine taxable, à l’exclusion de celles se rapportant à des actifs hors du champ de l’ISF ou exonérés.

Ainsi, un contribuable qui s’est endetté pour financer son outil professionnel pour un montant supérieur à celui de son patrimoine privé pourrait très facilement être imposé pour un montant supérieur au rendement de ses actifs.

Par ailleurs, lorsque l’outil professionnel du contribuable est constitué de titres d’une société, les éléments du patrimoine social non nécessaires à l’activité de la société ne seraient plus considérés comme des biens professionnels, quel que soit le nombre de niveaux d’interposition entre la société et les biens non nécessaires à son activité.

Ces mesures élargiraient considérablement l’assiette de l’ISF, puisqu’elles pourraient conduire à soumettre à l’impôt toutes les liquidités et disponibilités de la société, ainsi que tous ses actifs rentables, mais non directement nécessaires à son activité principale.

Je fais ce commentaire, qui porte sur une matière connexe à celle de l’amendement, parce que tout cela constitue un ensemble.

Mes chers collègues, que penser d’un dispositif aux termes duquel les contribuables seront imposés en considération de revenus dont ils n’ont pas la disposition, seront susceptibles de payer des impôts supérieurs à leurs revenus et, en définitive, seront chaque année appauvris par l’impôt, obligés d’amputer leur patrimoine pour faire face à leurs obligations fiscales ?

Faire rentrer des revenus de capitalisation déjà assujettis à la CSG chaque année revient à dénaturer l’esprit de l’épargne longue, qui sera taxée de toutes les façons à sa sortie et dont le Gouvernement a le projet, semble-t-il – M. le ministre pourrait d’ailleurs nous en parler – d’allonger la durée de détention.

Ce que l’on fait, par ces dispositions très techniques apparemment anodines au sein de l’article 9 du projet de loi de finances, est en réalité très significatif, et en tout cas en totale contradiction avec le rapport, dont je ne citerai pas l’auteur, sur lequel vous vous fondez pour alimenter votre pacte de compétitivité, monsieur le ministre.

Désormais, certains contribuables seront de fait taxés trois fois : une fois annuellement à la CSG, une fois en faisant apparaître un revenu non liquide, et une troisième fois à la sortie de l’épargne longue.

Un dispositif de cette nature n’est pas acceptable dans notre État de droit.

Sous l’apparence de taux nominaux acceptables – à cet égard, je salue l’habileté technique et la qualité de la communication du Gouvernement – et d’un plafonnement de principe avantageux, le législateur adopterait des mesures de taxation dont le taux réel serait en définitive bien plus élevé que celui qui est annoncé, du fait de l’élargissement de l’assiette de l’impôt. Surtout, ces mesures reviendraient, pour la première fois en matière de fiscalité des particuliers, à taxer, qui plus est de façon dissimulée, des revenus virtuels.

Vous comprendrez donc que nous dénoncions, de ce côté-ci de l’hémicycle, une démarche aussi insidieuse.

Chacun peut appliquer les conceptions qui sont les siennes, mais au moins, monsieur le ministre, qu’on le fasse franchement et avec courage, qu’on dise la vérité ! Cela vous épargnera bien des mécomptes dans les mois qui viennent.

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