Je vais bien évidemment répondre et à M. Marini et à M. Longuet.
Lorsque M. Marini a évoqué des travaux préparatoires, il pensait sans doute non pas tant aux travaux du Sénat qu’à ceux d’une instance qui lui est bien supérieure en droit. Je m’en voudrais donc de ne pas lui répondre, car cette instance bien supérieure doit être parfaitement éclairée sur les intentions du Gouvernement : si cette instance n’a pas à se faire expliquer la lettre, elle a très certainement à se faire préciser l’esprit.
Vous vous êtes beaucoup exprimés sur les passifs. Le texte que nous proposons consolide les exonérations des biens professionnels, mais veille à ce qu’elles ne soient pas détournées de leur objet. Il nous semble donc que nous faisons là œuvre tout à fait utile. Toutefois, je vous rassure : nous estimons – au moins sur ce point sommes-nous d’accord – que les biens professionnels, dès lors qu’il s’agit réellement de biens professionnels, n’ont pas à être intégrés dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune.
De la même manière, vous conviendrez avec moi que les passifs afférents à des biens exonérés n’ont pas à venir en déduction des actifs qui, eux, sont taxés. Seuls viennent en déduction des actifs taxés les passifs de ces sociétés ou de ces biens qui sont éligibles à l’ISF. Vous suggéreriez – mais peut-être ai-je mal compris, monsieur Marini – que viendraient en déduction des actifs taxés le passif de biens non taxés. Cela n’est pas cohérent. Je vous précise donc, monsieur le sénateur, que, pour le Gouvernement, les passifs afférents à des biens n’étant pas eux-mêmes éligibles à l’ISF ne peuvent venir en déduction de l’assiette.
Cette confusion entre biens éligibles et biens non éligibles et entre les passifs afférents aux uns et aux autres ne nous paraît pas raisonnable.
Je tenais donc à vous indiquer quelle était clairement l’intention du Gouvernement. Je doute que le Conseil constitutionnel, puisque c’est à cette instance que vous avez discrètement fait allusion tout à l’heure, monsieur Marini, trouve quoi que ce soit à redire à ce raisonnement.
De la même manière, un bien personnel ne doit pas être assimilé à un bien professionnel au seul motif qu’il est détenu par la société. Cette sortie des biens non professionnels a d’ailleurs toujours été prévue. Elle n’a jamais été censurée ni même contestée. Simplement, elle est aujourd'hui considérée de manière différente.
Jusqu’à présent, la valeur d’une société était calculée déduction faite de la valeur des biens professionnels. Ainsi, la valeur d’une société possédant un avion privé ou un yacht – tant mieux pour ceux qui en bénéficient – était jusqu’alors calculée déduction faite de la valeur de ce yacht ou de cet avion. Désormais, nous demandons que cette valeur soit identifiée. Il nous paraît en effet plus facile de déclarer la valeur d’un bien de cette nature plutôt que de la déduire de la valeur de la société. Nous ne proposons pas de changement fondamental. Ce n’est là qu’une mesure de simplification.
Enfin, vous avez largement abordé la question des holdings patrimoniales. Les exemples sont nombreux, certains très célèbres. On sait que ces holdings ont de facto permis de ne pas intégrer dans l’assiette de l’ISF des biens qui, logiquement, étaient éligibles à cet impôt.
Que les choses soient claires : une société opérationnelle qui réinvestit n’est pas concernée par la disposition que le Gouvernement propose au Parlement. En revanche, parce que nous avons constaté des optimisations massives, nous estimons que le revenu capitalisé doit être pris en compte, non pas une deuxième fois, mais une fois, et au début. Dès lors que des titres sont versés ou donnés à une société patrimoniale - c’est à ce moment-là que l’on doit considérer la plus-value - l’ISF doit s’appliquer, et non plus au moment où ladite société verse à celles ou à ceux qui la possèdent les ressources nécessaires à leur train de vie. Vous voyez très bien à quoi je fais référence.
Cantonner les plus-values dans une société patrimoniale et, au motif que cette société patrimoniale serait assimilée à un bien professionnel, exonérer d’ISF les titres et les plus-values ainsi cantonnés a abouti à des excès tout à fait déloyaux à l’égard du fisc, donc du pays.
C’est pour revenir sur ces excès que nous proposons cette disposition.
Il n’y a nulle spoliation, nulle déloyauté à l’égard des contribuables concernés ; il y a simplement une clarification qui permet à ces sociétés patrimoniales de jouer pleinement leur rôle, mais pas au-delà, et certainement pas un rôle d’optimisation fiscale. Le pays ne peut plus se permettre ce type de procédé !
Voilà, monsieur le président de la commission, les explications que vous aviez sollicitées, en espérant vous avoir convaincu.