Monsieur Mézard, comme vous-même et M. le rapporteur général venez de l’indiquer, la logique de l’abattement supplémentaire de 20 % est clairement de créer un choc d’offre. Une telle disposition vient s’ajouter à la suppression temporaire du régime d’abattement actuel, créé d’ailleurs par la majorité précédente pour financer en partie la réforme de l’ISF et qui reportait à un délai de trente ans l’exonération totale des plus-values.
Le choc d’offre attendu a deux finalités.
Il s’agit, d'une part, de libérer du foncier, car c’est l’un des principaux écueils auxquels se heurtent les communes et les agglomérations en vue de la construction de logements, notamment sociaux. Le problème est réel.
Il s’agit, d'autre part, d’obtenir évidemment, par un accroissement du volume des cessions, une majoration des droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, lesquels représentent l’une des principales ressources de certaines collectivités locales.
Le Gouvernement est persuadé, à tort ou à raison, mais je vous remercie par avance de bien vouloir lui accorder le crédit de la plus parfaite des bonnes fois, que la suppression temporaire du régime actuel, couplée à l’instauration d’un abattement supplémentaire de 20 %, aura bien pour effet de créer un choc d’offre, avec les deux conséquences que je viens d’indiquer.
Certes, je comprends la finalité de votre amendement, monsieur le sénateur. Incontestablement, en effet, un certain nombre d’opérateurs, qui auraient de toute façon décidé de vendre, vont bénéficier d’un effet d’aubaine. Mais c’est le propre de toute mesure incitative : outre qu’elle modifie les comportements des uns, elle profite à d’autres, qui, en toute hypothèse, n’auraient pas agi différemment. Cet inconvénient existe et je comprends que vous ayez souhaité le limiter le cas échéant.
En réalité, il faut choisir entre deux inconvénients : d’un côté, l’effet d’aubaine ; de l’autre, les très grandes difficultés des opérateurs à dégeler du foncier, et celles des collectivités à percevoir un montant suffisant de DMTO. Le Gouvernement a fait le choix de l’effet d’aubaine, et il l’assume.
À cet égard, si l’amendement n° I-5 présenté par M. le rapporteur général était adopté, l’abattement serait abaissé de 20 % à 15 %, mais le choc d’offre maintenu. Autrement dit, le volume supplémentaire de cessions constaté permettrait de libérer du foncier tout en augmentant le produit des DMTO ; toutefois il amoindrirait, certes faiblement, mais incontestablement, l’effet d’aubaine.
Cette solution est peut-être plus équilibrée. Il m’est cependant difficile d’émettre un avis favorable sur cet amendement, monsieur le rapporteur général, mais je peux prendre sur moi la responsabilité d’inviter le Sénat, au nom du Gouvernement, à faire preuve de sagesse en la circonstance.
L’essentiel, à mes yeux, est de préserver le choc d’offre et les ressources tirées des DMTO tout en diminuant, monsieur Mézard, l’inconvénient que vous avez judicieusement souligné, à savoir l’effet d’aubaine.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° I-104, ainsi qu’à l’amendement de repli n° I-105, et s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° I-5.