Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 26 novembre 2012 à 14h45
Loi de finances pour 2013 — Article 16

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Bien que le groupe CRC n’ait pas déposé d’amendement sur ce sujet, je formulerai quelques remarques sur l’article 16 et l’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés par nos collègues.

En matière de convergence fiscale, peut-on faire son marché chez nos voisins allemands en ne gardant que ce qui nous séduit et en rejetant ce qui ne nous plaît guère ? C’est un peu ce que font nos collègues de l’opposition sénatoriale, et notamment M. le président de la commission des finances, qui vient de s’exprimer, en rechignant devant l’application de nouvelles règles relatives au report en avant comme en arrière des déficits, ce que les comptables nourris au lait de l’anglomanie appellent le carry back.

Voilà tout de même, mes chers collègues, l’un des instruments principaux de l’optimisation fiscale en matière d’impôt sur les sociétés, un jouet assez coûteux qui prive l’État de plusieurs milliards d’euros de ressources par an, et fait d’ailleurs du Trésor public une sorte de guichet de banque des entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés.

On peut aller jusqu’à considérer que l’essentiel du décalage entre impôt brut et impôt net perçu provient de l’application de ces dispositifs. Je le souligne ici même, l’État, dans le fascicule Évaluation des voies et moyens estime à 15, 6 milliards d’euros, soit plus que le budget du travail et de l’emploi ou le budget de la justice, ce décalage, dont 13, 9 milliards au seul titre des restitutions d’acomptes en trop-perçus.

La disposition introduite par l’article 16 est une pure mesure de trésorerie, qui ne change pas véritablement la nature de l’impôt sur les sociétés. On continue de fait d’accepter la prise en compte de ce qui peut parfois – ne l’oublions jamais ! – procéder de la plus parfaite optimisation fiscale.

Le débat sur l’article 15 l’a suffisamment montré, il existe moult manières de placer une entreprise dans une situation financière incertaine, notamment en transformant sa marge d’exploitation en intérêts financiers versés à un créancier d’autant plus gourmand qu’il s’agit parfois de la société chapeautant l’entreprise. Dans cette affaire, l’État fait donc face à ses difficultés de trésorerie en les faisant porter par les entreprises, dont il ne met pas en cause les choix de gestion générateurs de ces déficits reportables.

Je me demande bien ce que nos collègues de l’opposition peuvent trouver là de répréhensible, à moins qu’ils ne préfèrent que nous émettions encore un peu plus de dette publique en n’adoptant pas le dispositif prévu à l’article 16.

Pour notre part, nous voterons cet article, dans l’attente, toutefois, d’une véritable expertise de l’absolue pertinence du dispositif des reports en arrière comme en avant des déficits, dont le coût, important pour les finances publiques – plus de 20 % du déficit budgétaire de cette année et 0, 7 point de PIB environ –, est cependant très réduit au regard des marges brutes d’exploitation. Qu’est-ce donc, en effet, que nos 13, 9 milliards d’euros de déficits reportables par rapport aux 550 milliards d’euros de profits bruts ?

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