Intervention de Philippe Marini

Réunion du 26 novembre 2012 à 14h45
Loi de finances pour 2013 — Articles additionnels après l'article 18 quinquies

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s’agit d’un amendement jalon, si je puis m'exprimer ainsi.

Depuis plusieurs années en effet, la commission des finances travaille sur le thème de la fiscalité de l'économie numérique. Elle s'est en particulier efforcée, organisant à cette fin plusieurs tables rondes, de percer les montages d'optimisation fiscale qui permettent à de grandes sociétés multinationales, très dominantes sur les marchés de l'économie numérique, d'exercer une activité croissante sur notre territoire et de payer à l'État à peu près aucun impôt, sinon des montants dérisoires et totalement disproportionnés.

Je n’en doute pas : ce sujet ne peut laisser indifférent un ministre du budget. La commission des finances du Sénat y accorde pour sa part beaucoup d'importance ; j’en veux pour preuve les travaux qu’elle a conduits.

Au début de l'été dernier, j'ai proposé à la commission des finances quelques orientations et, le 19 juillet dernier, j’ai déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable. Celle-ci devrait être examinée à la fin du mois de janvier prochain, dans le cadre de l'ordre du jour réservé à mon groupe.

Dans cet amendement, j’ai repris les principales dispositions issues de ce que nous avons appelé la « feuille de route », c'est-à-dire l'essentiel des mesures qui se trouvent dans ma proposition de loi.

Ce mécanisme comporte deux volets.

Le premier est procédural. Il prévoit une obligation de déclaration d’activité par les acteurs de services en ligne basés à l’étranger à partir de certains seuils d’activités et selon deux variantes. L’entreprise assujettie opte soit pour la désignation d’un représentant fiscal sur le modèle procédural de l’agrément accordé aux sites de jeux en ligne, soit pour le régime spécial de déclaration des services fournis par voie électronique, procédure simplifiée et dématérialisée permettant de respecter les principes du droit européen de non discrimination et de proportionnalité.

Les entreprises et acteurs de services en ligne auxquels je fais ici allusion sont notamment les régies de publicité sur Internet, fréquemment établies à l'extérieur de nos frontières, dans des pays où le taux de l'impôt sur les sociétés est sensiblement plus bas qu'en France.

Le second volet est fiscal. Il est destiné à assurer la neutralité fiscale en matière de taxation sur la publicité en ligne et sur les services de commerce électronique au-dessus de certains seuils d’activité. En d’autres termes, il s’agit de prévoir un traitement similaire à celui qui est prévu pour la publicité dans la presse ou sur des vecteurs audiovisuels.

En ce qui concerne les services électroniques, il s'agit de rechercher une symétrie avec le commerce physique qui est frappé par la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM.

Si l'on envisage de créer une telle taxe se posera la question de son affectation. Ma proposition de loi prévoit une affectation au bloc communal et au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, car je crois que nous aurons besoin de doter un tel mécanisme. D'autres collègues préféreraient une affectation au profit d'un Fonds d’aménagement numérique des territoires. Il nous faudra débattre de ces sujets dans un second temps.

Monsieur le ministre, je n'ignore pas que des rapports ont été demandés par le Gouvernement ; nous les attendons. Je n'ignore pas non plus que l'administration fiscale n'est pas restée inactive, puisque la presse, notamment la presse satirique du mercredi, s'est attardée sur le montant vraisemblable des redressements notifiés à quelques grandes sociétés exerçant des positions très importantes sur ces marchés. Pour autant, sans doute pourrez-vous nous apporter des précisions en la matière, même si je comprends qu'il vous soit difficile d'aborder publiquement des dossiers individuels.

Compte tenu de la situation de nos finances publiques, perdre chaque année 500 millions d'euros d'impôt sur les sociétés et 1 milliard d'euros de taxe sur la valeur ajoutée, si l'on considère l'écart de taux entre la France et le Luxembourg, tant que nous ne sommes pas parvenus au terme de la période de transition où la TVA sera exigible au taux de l’État de consommation, est tout à fait inacceptable.

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