Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 26 novembre 2012 à 14h45
Loi de finances pour 2013 — Articles additionnels après l'article 18 quinquies

Jérôme Cahuzac, ministre délégué :

Monsieur Marini, sur ce sujet très complexe et important, je salue votre intérêt, votre imagination et votre constance.

La mesure que vous proposez consiste à instaurer une taxe sur la publicité en ligne et une taxe sur les services de commerce électronique due par tous les opérateurs établis en France et à l’étranger.

Voilà qui prouve que l'on peut condamner à longueur d’opposition les taxes en vigueur, l’imagination à taxer du pouvoir en place et contribuer, le cas échéant, à enrichir le code général des impôts ! §

L'idée que vous poursuivez me semble bonne. Pour autant, bien qu’il soit sensible à l’intérêt de taxer les opérations réalisées sur Internet, le Gouvernement n’est pas favorable à votre proposition.

En effet, votre proposition de taxer la publicité en ligne ne peut être appliquée en l’état. Nous devons notamment définir préalablement le concept d’audience en France qui serait dans le champ de la taxe et voir selon quelles modalités techniques et juridiques on peut obliger les régies établies dans un autre État membre ou dans un pays tiers à déclarer en France le chiffre d’affaires correspondant à la part des prestations se rapportant aux audiences en France.

Par ailleurs, votre proposition de taxer le commerce électronique soulève une grande difficulté liée au recouvrement et au contrôle de la taxe, dans la mesure où il existe plus de 11 000 sites marchands actifs en France, dont un certain nombre, et parmi eux les plus importants, sont établis à l’étranger.

Par conséquent, ces difficultés risqueront de pénaliser les sites marchands français dont le chiffre d’affaires en France est plus facilement identifiable et contrôlable que celui des sites étrangers, ce qui serait totalement contraire à l’objectif de la mesure.

Le Gouvernement a confié une mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique à deux personnalités reconnues – MM. Collin et Colin ; c’est ainsi – afin de dégager des pistes visant à appréhender l’adaptation de la fiscalité au développement de l’économie numérique, de manière globale.

Monsieur Marini, par cet amendement, vous avez avec raison voulu ouvrir le débat. Le Gouvernement y est sensible. Nous avons bien conscience que la situation doit changer. Des informations parues dans la presse ont pu mettre en évidence le volume des activités que certains acteurs de cette économie numérique réalisaient en France, tout en voulant donner l'impression que l’essentiel de cette activité se faisait à l'étranger et, ainsi, échapper à l’impôt sur les sociétés. Il a fallu toute la vigilance et l'âpreté à bien accomplir leur travail de quelques agents de mon administration pour que des preuves très fortes soient apportées, qui autorisent un redressement fiscal important pour l’une de ces grandes entreprises.

Nous savons que la situation actuelle ne convient pas. Des changements devront avoir lieu. Faut-il le faire à l'occasion de cet amendement ? Je ne le crois pas : à tout le moins faut-il attendre que le rapport qui a été commandé soit remis et que ses conclusions aient fait l’objet d’une expertise pour émettre des propositions.

Pour autant, je ne doute pas que, sinon en cette fin d'année, en tout cas l'année prochaine, les autorités françaises proposeront au Parlement ou celui-ci proposera au pouvoir exécutif – nous verrons les modalités – des dispositions – pourquoi pas un projet ou une proposition de loi ? – qui permettraient de modifier une situation qui, à bien des égards, est totalement insatisfaisante.

Monsieur Marini, je vous remercie d'avoir déposé cet amendement, qui me permet d’indiquer clairement la position du Gouvernement sur ce sujet.

Cet hommage étant rendu, il serait sage que vous acceptiez de retirer cet amendement ; à défaut, je devrai demander à la Haute Assemblée de voter contre. Je ne doute pas que nous aurons l'occasion non seulement de débattre, mais aussi de conclure ensemble pour instaurer des dispositions beaucoup plus satisfaisantes que celles qui prévalent aujourd'hui et qui font la part belle à certaines de ces entreprises bénéficiant de facto du marché français sans jamais s’acquitter en France des contributions qu’elles devraient verser au titre des richesses et de la valeur ajoutée créées dans notre pays.

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