Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 26 novembre 2012 à 14h45
Loi de finances pour 2013 — Articles additionnels après l'article 18 quinquies

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Le marché mondial du numérique est de toute évidence en pleine expansion. Avec une profondeur supérieure à 700 milliards de dollars, animé d’une croissance de plus de 5 % par an, le numérique est devenu un secteur économique incontournable, qui concerne tous les domaines. Il est également le sujet d’importantes questions en matière de fiscalité. Il fait d’ailleurs l’objet de l’une des sept initiatives stratégiques pour l’Union européenne à l’horizon 2020.

Ce marché est incontournable parce qu’il n’est pas une frange annexe dont le développement ne concernerait pas les autres. Nous assistons à une transformation en profondeur des vecteurs de l’échange et de toute notre économie, qui pose la nécessaire mais complexe question de la fiscalité adéquate à cette économie du XXIe siècle.

À cet égard, je voulais saluer la démarche de notre collègue Philippe Marini. Il mène depuis 2009 une réflexion intense sur le sujet, qui a donné lieu à différentes tables rondes. Le groupe « Médias et nouvelles technologies », que j’ai l’honneur de présider, a été associé à la réflexion de la commission des finances, et je vous en remercie. Une proposition de loi a ainsi vu le jour sur votre initiative, monsieur Marini, et a provoqué un débat très intense ici et là, dans les colloques, notamment à Paris.

Pour autant, aujourd’hui, je m’interroge à titre personnel sur le caractère parfaitement opératoire des nouvelles dispositions qui nous sont proposées ici. Nous savons que l’économie numérique remet profondément en cause le principe de territorialité de l’impôt. De nombreux pays, à l’instar des États-Unis, ont opté pour des modèles fiscaux privilégiant la négociation avec les groupes mondiaux, Google, Amazon, Facebook, Apple ― ceux que l’on appelle les GAFA ―, plutôt que pour le modèle classique, continental, d’une fiscalité plus inquisitoriale.

Le président Marini nous a expliqué à de nombreuses reprises, et avec raison, que son projet s’inscrivait dans une feuille de route générale qui impliquait une réflexion aussi bien à l’échelon européen qu’à l’échelon mondial, notamment dans le cadre de l’OCDE.

D’importants progrès ont été faits jusqu’à présent, mais nous en sommes encore au stade de la réflexion. Notre commission des affaires européennes conduit également aujourd’hui un travail sur la gouvernance européenne du numérique, qui inclut nécessairement la question fiscale.

Pour l’heure, le sujet est abordé sur le plan technique au sein des différents ministères des finances en Europe mais il ne fait pas encore l’objet d’un consensus politique. J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte encore la semaine dernière en me rendant à Bruxelles. Ainsi, au niveau mondial, échelon de dialogue incontournable – vous l’avez rappelé, monsieur Marini –, notamment au sujet de l’imposition sur le bénéfice des entreprises du numérique, si un petit groupe de travail existe au sein de l’OCDE depuis 1999, il ne se remet que petit à petit à la tâche.

Dans un tel contexte, nous devons vivement remercier le président Marini de faire vivre le débat en France, car, en définitive, cela a également permis de le faire vivre à un échelon beaucoup plus large, européen et international. La France peut s’honorer, à travers le Sénat, d’avoir mis cette question à l’ordre du jour.

Il serait cependant sage de différer un peu la prise de décision. Dans le cadre de la discussion de la proposition de loi, que vous annoncez pour la fin du mois de janvier, nous disposerons de plus d’éléments, en particulier des comptes rendus des différentes missions, celle du Sénat et celle que le Gouvernement a commandée.

Je crois que nous manquons encore d’un peu de recul, notamment par rapport à nos partenaires européens, pour nous lancer dans une telle initiative, qui, à la différence de la taxe sur les transactions financières, semble plus difficilement opérante. Je pense en particulier au volet de cet amendement relatif au recouvrement des deux taxes que vous avez proposées.

Par ailleurs, vous avez rappelé les chiffres afférents à l’évasion fiscale des grands du numérique. Que représentent les 20 millions d’euros qu’est supposée permettre de recouvrer la taxe au regard de tout ce que ces géants américains devraient au fisc français ? Ce n’est pas la même échelle de sommes, et cela montre que nous avons encore à progresser sur ce sujet, qui reste extrêmement difficile.

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