Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 27 novembre 2012 à 14h30
Loi de finances pour 2013 — Article 19, amendements 2012 8 1 164

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est évident que le choix opéré par le Gouvernement de geler le montant des dotations versées aux collectivités locales en 2013 ne peut pas rencontrer notre accord.

Cela fait quelques années que le mariage de raison entre l’État et les collectivités territoriales devient quelque peu compliqué. Sans aller jusqu’au divorce, au moins devons-nous constater un certain ressentiment ; les élus locaux l’expriment régulièrement.

Les principes défendus lors de l’examen de la règle d’or et de la loi de programmation sont ceux dont nous voyons l’illustration dans l’article 19, comme dans l’article 25, qui récapitule l’ensemble des concours budgétaires pour 2013.

Il s’agit de faire participer les collectivités territoriales au redressement financier du pays, sans leur avoir demandé véritablement leur avis, en attendant de réduire ces concours financiers d’une somme équivalente à celle qui viendra ensuite abonder le prélèvement européen. Comme la contribution de la France au budget de l’Union européenne est appelée à augmenter, les concours budgétaires aux collectivités, on peut l’imaginer, se réduiront d’autant.

Cela dit, comme le procédé dure depuis un certain temps déjà, notamment depuis la réforme de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, en 1993, je me contenterai de rappeler quelques chiffres.

En 2006, la dotation constituait 23 % des recettes de fonctionnement des communes de France. En 2010, avant que la dotation ne soit gonflée par l’intégration de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, elle représentait 22 % des recettes de fonctionnement. C’est la démonstration de la lente mais sûre perte de substance d’une DGF constituant, pour nombre de petites communes de notre pays, la principale recette de fonctionnement.

La situation n’est pas nouvelle, et la part relative de la DGF n’est donc pas plus importante, toutes choses égales par ailleurs, aujourd’hui qu’hier.

Chacun le sait, le mouvement a commencé avec la réforme de 1990 et fut largement accentué par celle de 1993. Il a ensuite été confirmé par le pacte de stabilité de 1995 et n’a eu de cesse de se prolonger depuis, malgré l’extension des missions confiées aux collectivités locales, notamment depuis la décentralisation « délestage » version Raffarin.

Je crois me rappeler que le Sénat avait rejeté l’an dernier le principe d’une ponction de 200 millions d’euros dans les caisses des collectivités locales. Je ne peux donc que m’étonner que ce qui nous est proposé aujourd’hui ne soit pas davantage rejeté.

Posons la question : qu’est-ce que les collectivités locales auraient fait de répréhensible pour justifier une telle position dans le projet de loi de finances ? Elles se sont d’ailleurs habituées de longue date à faire des efforts sans être particulièrement soutenues, et leur rôle dans la vie publique, économique et sociale du pays est suffisamment évident pour que nous sachions à quoi nous en tenir.

Les gestionnaires publics n’ont pas vocation à flamber l’argent et leurs choix de gestion sont, de manière générale, adaptés aux situations, même si l’on peut regretter l’usage des financements dits « innovants », comme les partenariats public-privé, qui ne sont que la reproduction des procédures de marché d’entreprise de travaux publics, connues pour avoir alimenté les caisses des groupes du bâtiment et, dans certains cas, la rubrique judiciaire des journaux...

On nous parle d’efforts à accomplir alors même qu’un large champ d’activités économiques a été favorisé par l’intervention des administrations publiques locales. Nul doute que, sans l’intervention des collectivités locales depuis une trentaine d’années, nous compterions dans notre pays un nombre de chômeurs sans doute plus élevé et nous souffririons de récession. Et cela ne concerne pas que le secteur du bâtiment, même s’il s’agit de celui auquel on pense immédiatement !

La dépense publique d’investissement est largement portée par les collectivités locales. Celles-ci réalisent encore 70 % à 75 % de la dépense, donc bien plus que le pauvre État central, qui, en outre, doit se contenter de percevoir la TVA qui va avec la réalisation de ces chantiers !

Notre position sur l’article est claire. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement n° I-164, qui vise au moins à permettre le maintien de leur pouvoir d’achat en relevant la quotité de la dotation globale de fonctionnement de 1, 8 % par rapport au montant de 2012. Une telle décision permettrait d’absorber les évolutions des dotations spécifiques prévues et de ne priver personne des moyens déjà disponibles l’an dernier. Elle permettrait également d’accroître les moyens d’intervention des collectivités locales, leur capacité de financement et donc de participation à la relance de l’activité. Car, de notre point de vue, l’enjeu est là !

Les collectivités territoriales doivent-elles être rançonnées a priori pour équilibrer les comptes publics ou peuvent-elles participer à la croissance, source d’activité et de recettes fiscales nouvelles ? Pour notre part, nous militons pour la seconde option.

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