Pour la deuxième année, les crédits du programme 164, « Cour des comptes et autres juridictions financières », de la mission « Conseil et contrôle de l'État » font l'objet d'un rapport pour avis de la commission des lois.
Cette année, je tiens à relever la nouvelle structuration du programme en sept actions (contre quatre précédemment) et la refonte importante des objectifs et indicateurs de performance, qui permettront, pour l'avenir, de mieux refléter la réalité de l'activité des juridictions financières. Cette modification tient compte des observations que j'avais formulées à destination de la Cour des comptes dans mon rapport de l'an dernier.
Ce budget est marqué par une continuité et une stabilité puisqu'il n'affiche qu'une progression limitée de 2,6 % en autorisations d'engagement et 2,1 % en crédits de paiement. Il s'inscrit, en effet, dans le cadre de la programmation triennale 2011-2013, qui impose aux juridictions financières d'assumer leurs missions avec une enveloppe budgétaire globale constante.
Les crédits du programme 164 présentent la particularité d'une forte concentration en dépenses de personnel. Elles représentent 87 % du total des dépenses, ce qui ne laisse que peu de marges de manoeuvre pour le reste...
Quant au plafond d'emplois, il reste stable, à 1 840 ETPT.
J'ai pu constater en rencontrant les représentants de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes que le montant de ces crédits permet aux juridictions financières d'assumer leurs missions actuelles dans des conditions globalement satisfaisantes.
J'avais eu l'occasion de le dire l'an dernier, je le redis cette année, cette situation est fragile, et pourrait se trouver altérée par la multiplication des missions confiées aux juridictions financières.
C'est pourquoi, des gains d'efficience ont d'ores et déjà été recherchés, pour leur permettre de faire face à ces évolutions.
Après l'échec de la réforme globale portée par l'ancien premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, en 2009, un certain nombre de dispositions touchant aux juridictions financières ont été introduites dans différents textes, en particulier dans la récente loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles, qui était en discussion l'an dernier à la même époque.
Cette loi a notamment prévu le regroupement des chambres régionales des comptes. Leur nombre, que nous ne connaissions pas l'an dernier, a été fixé à vingt pour la métropole et les régions d'outre-mer (contre vingt-sept par le passé).
Selon M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, entendu par la commission des lois le 17 octobre 2012, ces regroupements étaient rendus nécessaires pour permettre à chaque chambre régionale des comptes (CRC) d'atteindre une taille critique, en magistrats et en personnel de contrôle, pour être le plus efficace et le plus opérationnel possible dans l'exercice de ses missions.
Comme cela avait été prévu, les regroupements ont été réalisés à moyens constants en personnels et en crédits. Ils s'achèveront dans le courant de l'année 2013 et ont été évalués par la Cour des comptes à 12 millions d'euros au total (6 millions pour les dépenses de personnel et 6 millions pour les autres dépenses, principalement immobilières).
Il convient de relever, voire de regretter, le choix par décret des implantations des chambres régionales des comptes regroupées. Il soulève parfois quelques interrogations...
Que penser par exemple du choix d'Épinal, ville excentrée dans le ressort, comme siège de la chambre régionale des comptes de Champagne-Ardenne, Lorraine ?
Quant aux nouveaux ressorts définis, ils sont parfois très étendus. Par exemple, pour la chambre régionale des comptes Auvergne, Rhône-Alpes, la distance à parcourir en partant de Lyon pour rejoindre Aurillac (à l'ouest) représente 288 km (soit 4 h de trajet) et pour aller à Thonon-les-Bains (à l'est), 194 km (2 h 22) de trajet.
Cet éloignement des chambres régionales est aussi le fait du relèvement du seuil de l'apurement administratif, qui les décharge de 67 % des comptes qu'elles avaient à contrôler sur les services de la DGFiP, même si elles resteront compétentes, comme auparavant, pour contrôler 80 % de la masse financière.
Lors de l'audition de M. Didier Migaud, le 17 octobre dernier, vous aviez d'ailleurs été nombreux à vous inquiéter de cet éloignement des chambres régionales des comptes, qui risquait de faire disparaitre « le dialogue vertueux » qui s'était mis en place, au fil des années, entre les collectivités territoriales et les juridictions financières.
M. Didier Migaud, a tenté de dissiper ces craintes. Cette réforme permet aux CRC de se recentrer sur les enjeux les plus lourds. Il a rappelé qu'elles garderont la possibilité d'appeler le compte d'une petite commune soumise à l'apurement administratif, pour qu'aucune collectivité locale, ni aucun établissement public ne puisse se sentir hors du champ de contrôle des juridictions.
Quant au contrôle de gestion, il demeurera assuré par les CRC, quelle que soit la taille de la collectivité, puisque les comptes seront toujours transmis à la CRC, seule compétente pour décider la mise en débet.
Pour les années à venir, il conviendra d'étudier avec attention les effets de cette réforme sur les plus petites collectivités, qui ne seront plus contrôlées par les CRC, mais aussi l'impact de ces transferts importants sur l'activité des CRC et sur l'activité des directions régionales des finances publiques (DRFiP), alors même qu'elles font l'objet de profondes restructurations.
Enfin, toujours dans le cadre du renforcement de l'efficacité des juridictions financières, la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011 a modifié le régime de responsabilité du comptable public.
Désormais, lorsque la méconnaissance des obligations du comptable n'aura causé aucun préjudice à l'organisme public, le juge des comptes pourra le condamner au versement d'une somme dont le ministre ne pourra plus faire remise. En cas de préjudice causé, le comptable sera, comme précédemment, constitué en débet et le ministre ne pourra plus consentir une remise gracieuse intégrale. La remise devra se traduire par un « laissé à charge » qui ne pourra être inférieur à un montant plancher, déterminé par décret.
Or, un an après l'entrée en vigueur de la loi, aucun bilan de l'efficacité de cette réforme ne peut être dressé, car les textes d'application n'ont pas été pris. Votre rapporteur souhaiterait avoir l'explication de ce retard de calendrier.
Quant à la responsabilité des ordonnateurs, la réforme est en suspens. Je m'interroge concernant l'avancement de ce chantier, tout aussi important que la réforme de la responsabilité des comptables publics.
Pour l'avenir, il faut craindre que l'extension continue des compétences des juridictions financières pose la question de l'insuffisance de leurs moyens.
Dans le discours qu'il a prononcé le 7 septembre 2012, à l'occasion d'une séance solennelle à la Cour des comptes, le Président de la République a fait part de son intérêt pour une démarche d'expérimentation, sur la base du volontariat, de la certification des comptes des collectivités territoriales.
La Cour des comptes s'est dite prête à expérimenter un tel dispositif, pour les collectivités faisant appel à la souscription publique. Elle ne voit pas l'intérêt de le généraliser à l'ensemble des collectivités territoriales.
Les personnes que j'ai rencontrées sur le terrain, comme M. Pierre Rocca, président de la CRC d'Orléans, ont attiré mon attention sur le fait que la certification est « gourmande » en ressources humaines.
Si elle était confiée aux CRC, elles craignent que les personnels n'aient pas les moyens suffisants pour assurer cette nouvelle mission et qu'elle soit réalisée au détriment des autres compétences des juridictions.
Je souhaiterais demander au Premier ministre de bien vouloir dresser un état des lieux de ce projet d'expérimentation, et de procéder à une évaluation des effectifs nécessaires à sa mise en oeuvre, pour s'assurer qu'elle n'empiétera pas sur les missions « traditionnelles » des juridictions.
À cela s'ajoute le renforcement des missions d'assistance de la Cour des comptes au Parlement et au Gouvernement, extrêmement chronophages...
En conclusion, au bénéfice de l'ensemble de ces observations, et après les quelques réserves que je viens d'exprimer, je vous propose, comme l'an dernier, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du présent programme.