Intervention de Laurence Rossignol

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 27 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « écologie développement et aménagement durables » crédits « développement durable énergie climat » - examen du rapport pour avis

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol, rapporteure pour avis :

Vous m'avez confié la responsabilité de l'avis portant sur les crédits pour 2013 du développement durable, de l'énergie et du climat au sein de la mission « Écologie », je vous en remercie et vais maintenant vous présenter mes conclusions.

Ce budget, comme cela a été rappelé par notre collègue Philippe Esnol dans le cadre de son avis sur la protection de l'environnement, mais aussi par la ministre lors de son audition devant notre commission, est marqué par l'effort de maîtrise des dépenses publiques du gouvernement. Mais comme, l'a rappelé la ministre, le budget 2013 en matière d'énergie et de climat préserve l'essentiel des capacités d'intervention du ministère, ce dont je me félicite compte tenu des enjeux, notamment en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Seconde observation : en matière d'énergie, la question principale pour 2013 est bien entendu le débat sur la transition énergétique, conformément aux engagements pris par le gouvernement, mais aussi par l'Europe et du fait de nos engagements internationaux.

Ce débat devrait se tenir tout au long du premier semestre, pour aboutir à un projet de loi de programmation sur l'énergie courant juin. Le « conseil national du débat », qui rassemble l'ensemble des parties prenantes, se réunira pour la première fois ce jeudi 29 novembre.

Quatre grandes questions seront à l'ordre du jour : les économies d'énergie, les énergies renouvelables, le financement de la transition et enfin la part des différentes sources d'énergie dans le mix énergétique.

La première phase du débat aura pour but d'établir des scenarii de trajectoires d'évolution possibles. Elle sera suivie par une phase de participation du public, avant la synthèse des observations en mai prochain.

Les orientations qui seront retenues dans le projet de loi de programmation auront très certainement un impact pour le budget 2014. Nous y porterons ensemble une attention soutenue.

L'avis que je vous présente porte sur les crédits de trois programmes : le programme 174 « énergie, climat et après-mines », le programme 170 « météorologie », enfin le programme 217 sur les crédits alloués au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Le programme 174, consacré à l'énergie, au climat et à l'après-mines, disposera en 2013 de 682 millions d'euros en AE et de 687 millions en CP.

Il recouvre trois priorités : amorcer la transition énergétique, assurer la garantie des droits collectifs des mineurs et la gestion économique et sociale de l'après-mines, approfondir la politique en matière de qualité de l'air.

Les crédits sont globalement stables entre 2012 et 2013, mais cet équilibre cache une disparité importante entre les actions.

L'action 1, consacrée à la politique de l'énergie, représente 6,4 millions d'euros, soit seulement 1 % des crédits du programme. Cette action est centrée sur la gestion durable des matières et déchets radioactifs, l'essentiel des crédits étant versés à l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (l'ANDRA) dont la priorité est l'avancement du projet de création d'un stockage géologique réversible pour les déchets radioactifs de haute et moyenne activité à Bure : le projet Cigéo (centre industriel de stockage géologique).

La Commission nationale du débat public a été saisie de ce projet le 10 octobre dernier. Cela devrait permettre d'organiser un débat public au premier semestre 2013, notamment en ce qui concerne la conception industrielle du site, les mesures prises en matière de sûreté, ou encore la réversibilité du stockage.

Comme vous le savez, l'essentiel de la politique énergétique est largement financé hors budget, ou tout au moins hors du champ budgétaire de cet avis. J'ai souhaité, à l'occasion de cet avis, faire le point sur un dispositif en particulier : le fonds chaleur. J'ai auditionné à ce titre le Syndicat des énergies renouvelables.

Le fonds chaleur a été créé en 2008 à la suite du Grenelle, avec pour objectif de soutenir la production de chaleur à partir de sources renouvelables : biomasse, géothermie, solaire thermique, énergies de récupération.

L'objectif de production supplémentaire de chaleur renouvelable d'ici 2020 s'élève à 5,5 millions de tonnes équivalent pétrole, soit plus du quart de l'objectif global fixé à l'horizon 2020 au niveau européen dans le cadre du paquet climat-énergie.

Le fonds chaleur est un des instruments les plus efficaces issus du Grenelle. Il permet de couvrir une large part des objectifs en termes d'énergies renouvelables.

Il a un impact tout à fait positif sur la balance commerciale. Lors de ses trois premières années d'activité, à partir d'un investissement de base de 600 millions d'euros, la substitution d'énergies importées s'est élevée à 240 millions d'euros par an. Le différentiel est positif. Si l'on part du principe que ces premiers 600 millions investis permettront chaque année, sur les vingt ans à venir, de réaliser 240 millions d'euros d'économies, on saisit bien le formidable effet de levier que permettent les investissements du fonds chaleur.

Il est également un atout considérable pour le développement de l'économie de la forêt, avec tous les débouchés que cette industrie représente au niveau local.

Ce fonds est géré hors budget par l'ADEME, sur la base de ses ressources fiscales en provenance de la TGAP (498 millions d'euros pour 2013). Cependant, la stagnation voire la diminution des crédits accordés au fonds chaleur depuis 2010 est un point sur lequel je souhaite attirer votre attention. Car, selon le syndicat des énergies renouvelables, pour remplir les objectifs de développement de la chaleur renouvelable d'ici 2020, il faudrait atteindre une dotation annuelle de 500 millions d'euros.

Il me semble donc important de pérenniser les financements de ce dispositif, qui a fait les preuves de son efficacité, et dont le renforcement est aujourd'hui essentiel si l'on compte atteindre l'engagement de 23 % d'énergies renouvelables à échéance 2020.

Les actions 2, 3 et 4 du programme 174 couvrent les dépenses de gestion économique et sociale de l'après-mines. Ces dépenses représentent au total 86 % des crédits du programme, soit 589 millions d'euros en AE et 594 millions en CP. La dotation comprend les moyens alloués à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, et la Caisse nationale de retraite des industries électriques et gazières.

Ces crédits sont en baisse de 7 %. Cependant, il s'agit là d'une diminution structurelle d'origine démographique, directement liée à la baisse du nombre des ayants droits.

L'année 2013 verra la réforme du code minier. Les grandes lignes en ont d'ores et déjà été annoncées : il s'agira de mettre le code minier en conformité avec la Charte de l'environnement. L'ensemble des procédures relatives au régime de l'exploration et de l'exploitation des ressources seront revues, ainsi que la fiscalité minière et la responsabilité environnementale des entreprises exerçant des activités minières. Le projet doit également assurer une meilleure prise en compte des particularités des collectivités d'outre-mer, directement concernées par le sujet.

La dernière action du programme 174, consacrée à la lutte contre le changement climatique, est une des dotations du programme qui connaît la plus importante variation positive entre 2012 et 2013 : 35 millions d'euros de crédits de paiement y seront consacrés, soit une hausse de 5 millions d'euros, essentiellement fléchés vers la lutte contre la pollution de l'air.

Les crédits prévus viendront soutenir les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l'Air (AASQA), et assurer une subvention au Centre interprofessionnel technique d'étude de la pollution atmosphérique (CITEPA), pour la réalisation des inventaires annuels de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre en France. De manière générale, l'objectif est de mettre en oeuvre des mesures de prévention et de réduction de la pollution atmosphérique et de renforcement de la surveillance de la qualité de l'air.

Cet effort budgétaire supplémentaire est on ne peut plus nécessaire compte tenu de la situation actuelle : la pollution de l'air est aujourd'hui responsable de près de 40 000 décès prématurés par an en France, selon les données fournies par le Conseil national de l'air. Le dépassement systématique des normes autorisées pour les différents polluants atmosphériques aura probablement des conséquences graves et coûteuses sur la santé publique et sur l'environnement à long terme.

La France ne respecte pas les objectifs imposés par les directives européennes en matière de qualité de l'air. Ce manquement l'expose à des contentieux, avec risque de sanction financière. La Cour de justice de l'Union européenne l'a d'ores et déjà assignée l'année dernière pour non-respect des valeurs limites relatives aux particules fines dans quinze zones ; un nouveau contentieux se profile du fait du non respect des valeurs limites de dioxyde d'azote.

La lutte contre le réchauffement climatique constitue plus que jamais un enjeu majeur des politiques publiques. Dans ce contexte, le budget 2013 va dans le bon sens, en accroissant les crédits alloués à cette priorité. Mais les efforts réalisés sont encore largement insuffisants au regard des enjeux du réchauffement.

Dans un rapport publié le 18 novembre, la Banque mondiale a annoncé redouter une hausse de la température de la planète de 4°C d'ici 2100, voire dès 2060 en cas d'inertie des pouvoirs publics. Ce scénario est donc bien plus sérieux que les projections de hausse de 2°C généralement admises par la communauté internationale.

Ce rapport confirme ce que l'on sait depuis qu'on est en mesure d'évaluer correctement les projections climatiques et les températures réalisées. Jusqu'à présent, le réalisé a toujours été dans la fourchette haute voire supérieure des projections. Ce rapport est extrêmement préoccupant dans la mesure où il raccourcit le calendrier : nous étions sur un horizon 2100 avec un objectif de maintien du réchauffement en dessous de 2°C. Le rapport évoque maintenant 2060, c'est-à-dire demain. Les enfants d'aujourd'hui seront alors au milieu de leur vie d'adulte. Le rapport estime le réchauffement à 4°C, c'est-à-dire au-dessus des prévisions habituelles, avec des implications à peine imaginables : des sécheresses et des épisodes climatiques extrêmement violents. Entre 1950 et aujourd'hui, les catastrophes naturelles ont augmenté de 35% en fréquence. La décennie la plus chaude est la dernière décennie. Ces éléments sont très préoccupants.

Le rapport souligne la forte imprévisibilité des conséquences de cette hausse de 4°C, mais prévoit qu'il faudra probablement compter avec des vagues de chaleur extrême, une chute des stocks alimentaires et une montée du niveau de la mer frappant des centaines de millions de personnes. Les pays en voie de développement seraient les plus fortement touchés, mais l'Europe l'est aussi déjà de manière claire.

Aussi, dans ce contexte global très alarmant, il faut se féliciter que des crédits supplémentaires soient accordés dans le budget 2013 au titre de la lutte contre le réchauffement climatique et en faveur de la qualité de l'air. On peut toutefois noter qu'il y a toujours un écart fort entre l'enjeu et le volume des crédits.

Dans une période de maîtrise des dépenses publiques, il faut néanmoins rappeler que les mesures permettant de limiter le réchauffement climatique sont avant tout des mesures de développement économique.

Le programme 170 « Météorologie » comprend le financement des attributions de l'État en matière de prévision et de recherche météorologiques et climatiques. Il s'agit de la dotation à Météo-France. Les crédits inscrits pour 2013 s'élèvent à 215 millions d'euros, en CP comme en AE, soit une augmentation de près de 9 millions d'euros par rapport à 2012, ou encore une hausse de 4,3 %.

L'enjeu pour Météo-France est avant tout d'anticiper l'arrivée des phénomènes météorologiques dangereux afin d'être en mesure d'alerter les populations et de prendre les mesures de sécurité indispensables. Pour mener à bien cette mission, plusieurs objectifs prioritaires sont définis pour 2013 : améliorer la qualité de la prévision météorologique, la mettre au service du grand public et des différents secteurs d'activité économique, poursuivre les travaux sur le changement climatique et ses conséquences. La qualité et la fiabilité de l'information météorologique disponible sont cruciales dans l'anticipation des conséquences du changement climatique pour les populations.

Même si les sommes sont relativement raisonnables, il est frappant de constater à quel point les économies de court terme, qui consistent à ignorer les mesures à prendre pour le réchauffement climatique, impactent déjà les dépenses publiques que nous devons effectuer pour anticiper et prévenir les conséquences du dérèglement climatique. On est dans une relation économique et budgétaire au réchauffement climatique. Il n'est plus possible de reporter à plus tard les investissements pour en limiter l'effet puisque le réchauffement climatique impacte d'ores et déjà les budgets publics.

Le programme 217, consacré aux crédits de la conduite et du pilotage des politiques du développement durable, regroupe l'essentiel des moyens dévolus aux fonctions stratégiques de définition et de pilotage de la politique du ministère, à la gestion des ressources humaines et aux moyens transversaux.

Comme l'a précisé Delphine Batho lors de son audition devant la commission, le budget 2013 tient compte des difficultés financières du pays et de la nécessité d'atteindre l'objectif de réduction du déficit. Le ministère de l'écologie participe donc à l'effort de stabilisation des effectifs de la fonction publique.

Au total, le budget permettra néanmoins de financer les priorités du ministère, dont la mise en oeuvre de la feuille de route pour la transition écologique. Il préservera ses capacités d'intervention, ainsi que celles de ses opérateurs, et permettra d'engager la lutte contre le changement climatique, pour laquelle il faudra certainement mobiliser de nouveaux crédits dans les années à venir.

Je vous propose de donner un avis favorable à ces crédits, tout en soulignant que les enjeux économiques de la préservation de l'environnement, et en particulier du climat, sont probablement d'une toute autre mesure que celle des outils budgétaires que nous avons entre les mains en ce moment.

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