Le Gouvernement a fait le choix de placer l'aménagement du territoire sous le signe de l'égalité, comme en fait foi le nouvel intitulé du ministère chargé de cette politique. La ministre Cécile Duflot, dès sa première audition devant notre commission, le 10 juillet dernier, nous a fait part de grandes ambitions en la matière. Mais je constate que, plus de quatre mois après, le Gouvernement se donne encore le temps de la réflexion.
Une commission a été installée par la ministre au début du mois de septembre 2012, présidée par Thierry Wahl, inspecteur des finances, afin de définir les contours d'un futur « Commissariat général à l'égalité des territoires ». Cette commission a déjà produit un rapport d'étape, encore très succinct, et ne rendra son rapport définitif qu'au début de l'année 2013. Nous auditionnerons Monsieur Wahl prochainement, cela nous permettra, je l'espère, d'en savoir un peu plus.
Parallèlement, la ministre a confié à Eloi Laurent, économiste à l'OFCE, la responsabilité de conduire une mission de réflexion sur l'égalité des territoires en France aujourd'hui. Cette mission, à laquelle participent trente-deux experts, doit tenter de cerner ce que signifie une politique publique d'égalité des territoires à l'âge de la transition écologique et énergétique, et s'interroger sur la politique d'aménagement à mettre en oeuvre à travers la notion de « justice territoriale ». Dans l'attente du résultat de cette double réflexion, les crédits de la mission « Politique des territoires » ont été présentés par la ministre lors de sa deuxième audition par notre commission, le 13 novembre dernier, comme un budget « de transition ». Ces crédits s'inscrivent en effet dans la continuité des politiques conduites par le Gouvernement précédent, qui ont fait la preuve de leur pertinence et de leur efficacité, même si tout n'était pas parfait.
Alors que la mission « Politique des territoires » évoluait de manière contrastée entre 2011 et 2012, puisqu'elle diminuait de 4,6 % en autorisations d'engagement, mais augmentait de 5,9 % en crédits de paiement, son évolution apparaît plus fortement orientée à la baisse pour 2013 par rapport à 2012. En effet, elle devrait diminuer de 8 % en autorisations d'engagement, pour s'établir à 336,4 millions d'euros, et de 4 % en crédits de paiement, pour s'établir à 321,9 millions d'euros.
Ces mouvements de crédits s'expliquent principalement par l'évolution de la dotation du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », qui représente plus de 87 % des autorisations d'engagement de la mission, et qui diminue de 7 % ; et de la dotation du programme 162 « Interventions territoriales de l'État » qui diminue de 13 % en autorisations d'engagement, mais ne représentant qu'à peine 13 % du total de la mission.
Les évolutions sont plus contrastées en crédits de paiement, puisque la dotation du programme 112 diminue de 20 % pour 2013, tandis que celle du programme 162 augmente de 14 %, en raison d'une montée en charge des paiements au titre du programme exceptionnel d'investissements pour la Corse.
Les dépenses fiscales rattachées à la mission « Politique des territoires » représentent, comme les années précédentes, un montant supérieur aux crédits budgétaires, avec un total estimé à 440 millions d'euros pour 2013. Elles progressent de 5 millions d'euros par rapport à l'exercice 2012. De même, le document de politique transversale sur l'effort budgétaire en faveur de l'aménagement du territoire montre que les crédits mobilisés vont bien au-delà de ceux de la seule mission « Politique des territoires ». En tout, c'est un montant de plus de 5 milliards d'euros en autorisations d'engagement qui est inscrit pour 2013 et réparti dans 31 programmes relevant de 16 missions budgétaires différentes. Il y a un éparpillement de ces moyens budgétaires.
Bien que présentés en réduction, les crédits de la mission « Politique des territoires » permettent néanmoins la poursuite des politiques engagées.
Ainsi, le dispositif de la prime d'aménagement du territoire (PAT) est reconduit. Sur la période 2009-2011, un total de 108,4 millions d'euros a été attribué à des entreprises au titre de la PAT, permettant de créer ou de sauvegarder 31 840 emplois, soit un montant moyen d'aide de 3 400 euros par emploi. Pour 2013, la dotation consacrée à la PAT s'élève à 40 millions d'euros en autorisations d'engagement, et à 34 millions d'euros en crédits de paiement.
Dans son rapport public annuel 2012, la Cour des Comptes a émis des critiques sévères à l'encontre de la PAT, qu'elle considère comme « une prime devenue marginale, peu efficace et mal gérée ». Pour ma part, j'estime que la PAT peut quand-même faire la différence dans la négociation finale pour l'implantation d'un investissement, et qu'il serait dommageable de se priver d'un instrument auquel recourent les autres pays européens. La Cour des comptes préconise notamment de raccourcir les délais de versement de la prime.
Une autre politique qui ne devrait pas être remise en cause est celle des pôles de compétitivité. Depuis leur lancement en 2005, 71 pôles ont été labellisés. Une évaluation de la deuxième phase des pôles de compétitivité a été réalisée entre décembre 2011 et juin 2012 par un consortium de cabinets d'audit, sous le pilotage conjoint de la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) et de la DATAR. Les recommandations de ce rapport d'évaluation sont les suivantes : il convient de reconduire la politique des pôles de compétitivité ; de réaffirmer la compétitivité comme objectif principal ; de consolider le rôle du fonds unique interministériel (FUI) et d'assurer une plus grande robustesse financière des pôles. Sur la base de ces conclusions, le Gouvernement a ouvert une phase de concertation avec les principaux acteurs publics et privés concernés. J'estime nécessaire d'engager une nouvelle phase de la politique des pôles de compétitivité, qui impliquerait davantage les collectivités concernées, régions, départements et communautés de communes, mais également les sous-traitants, qui se sentent mis à l'écart par les grands groupes. Une autre amélioration consisterait à mieux accompagner la mise sur le marché des produits élaborés au sein des pôles de compétitivité.
La politique des pôles de compétitivité est articulée avec celle des grappes d'entreprises. Alors que les pôles ont un positionnement axé sur la recherche-développement et l'innovation technologique, les grappes d'entreprises se positionnent sur des actions plus proches du marché. Un total de 126 grappes d'entreprises a été sélectionné à l'issue de deux appels à projets. Pour 2013, un montant de 4 millions d'euros est prévu afin de solder les engagements pris au titre des grappes d'entreprises. La DATAR et la Caisse des Dépôts et Consignations ont lancé en avril 2012 un appel d'offres pour l'animation nationale du dispositif, au terme duquel a été retenue la candidature de France Clusters. Je souligne l'importance d'une animation bien conduite au niveau national, pour faire prospérer un dispositif tel que celui des grappes d'entreprises.
Une enveloppe de 235 millions d'euros a par ailleurs été reconduite pour le financement des pôles d'excellence rurale (PER) de deuxième génération, dont 159 millions d'euros intégrés dans un fonds ministériel mutualisé (FMM). Le niveau global des aides apportées par l'État et l'Union européenne a été augmenté, avec un montant moyen de 890 000 euros par PER pour la deuxième génération, au lieu de 620 000 euros pour la première. Ce qui créé un effet levier très important. Le cahier des charges de l'appel à projets précise les modalités d'évaluation de la deuxième génération de PER, avec la mise en place d'indicateurs de suivi et de réalisation, le solde des subventions n'étant versé que lorsque les indicateurs sont renseignés dans l'application de gestion PRESAGE. Les rapports d'évaluation seront élaborés et mis en ligne par chaque porteur de projet PER à l'horizon 2015, ce qui permettra à la DATAR de produire une synthèse qualitative de ces évaluations. Sans préjuger des résultats de cette évaluation, je me déclare tout à fait confiant dans l'efficacité des PER pour la dynamisation des espaces ruraux.
Je me suis également intéressé à l'exécution des contrats de plan État-régions (CPER), qui abordent la dernière année de leur période de programmation 2007-2013. La programmation globale comporte 37 contrats : 26 contrats régionaux et 11 contrats interrégionaux, dont 5 pour les massifs montagneux et 6 pour les bassins fluviaux. Le montant total des crédits contractualisés s'élève à 29,5 milliards d'euros, financé à hauteur de 15,4 milliards par les régions et 1,3 milliard par les autres collectivités signataires. La part de l'État s'élève à 12,7 milliards. A la fin 2012, le taux d'avancement des CPER devrait atteindre 75,4 % pour les crédits de l'État, soit un taux inférieur à l'objectif théorique de 85,7 % pour six années d'exécution. Mais ce taux demeure nettement meilleur que celui de 66,5 % qui avait été observé à la fin de 2005 pour la génération des CPER 2000-2006.
Les crédits de la mission continuent de financer certaines politiques indispensables à l'attractivité des territoires ruraux. En ce qui concerne l'offre de soins en milieu rural, un programme national de financement porte sur 250 maisons de santé pluriprofessionnelles pour la période 2010-2013. En 2011, 80 projets ont été financés, 110 devraient l'être en 2012 et l'objectif total devrait être atteint en 2013. Ces établissements sont très majoritairement implantés en milieu rural, pour 82 % d'entre eux. En 2011, le montant total d'investissement s'est élevé à 106,2 millions d'euros, répartis de la manière suivante : État 26 %, fonds européens 8 %, collectivités territoriales 20 %, autofinancement - c'est-à-dire emprunt et loyers des professionnels - 46 %.
En tant que membre du groupe de travail relatif à la présence médicale sur l'ensemble du territoire mis en place par notre commission, je considère que ces maisons de santé pluriprofessionnelles ne sont qu'une solution partielle au problème du déclin de la démographie médicale en zone rurale. Des mesures plus directives pour l'installation des médecins en milieu rural seront sans doute nécessaires. Nous en discuterons dans les prochaines semaines.
La deuxième composante de la mission « Politique des territoires » est le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE). Créé en 2006, il s'agit de la mise en oeuvre d'actions caractérisées par un enjeu territorial majeur, par l'intervention d'une pluralité de programmes et par la nécessité d'une rapidité d'action de l'État. La gestion du PITE est confiée au ministère de l'intérieur, la supervision de chaque action inscrite dans le programme relevant d'un ministère référent. La fongibilité des crédits au sein de cette enveloppe unique permet aux préfets de régions de disposer d'une réelle souplesse, et de s'adapter rapidement aux priorités et à l'évolution de chaque projet.
La première action du PITE est consacrée à la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne, à laquelle seront affectés en 2013 11,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 9,9 millions d'euros en crédits de paiement.
Le Programme Exceptionnel d'Investissement (PEI) en Corse est l'action qui bénéficie de la majeure partie des financements du PITE, avec 22,2 millions d'euros en autorisations d'engagement pour 2013. Je constate toutefois qu'alors que la loi de 2002 relative à la Corse prévoit que le PEI est financé à 70 % par l'État et à 30 % par les collectivités, les plus petites d'entre elles ont souvent des difficultés à apporter leur quote-part du financement des projets et manquent d'ingénierie.
La troisième action du PITE est consacrée au plan de sauvegarde du Marais Poitevin, auquel sont affectés 4,8 millions d'euros. La quatrième et dernière action du PITE est constituée par le plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, auquel sont alloués 2,9 millions d'euros.
J'estime qu'il serait opportun que le PITE accueille de nouvelles actions dans les prochaines années, parmi lesquelles les crédits d'intervention du Grand Paris, pour lesquels la fongibilité serait souhaitable, ainsi que le plan de dynamisation de la filière bois en Auvergne, Limousin et Bourgogne, qui présente une dimension interrégionale.
Dans un contexte où la persistance de la crise économique soumet nombre de territoires à rude épreuve, ce n'est pas tant le montant global des crédits qui importe, que la qualité des actions menées et l'effet levier qu'elles procurent pour un aménagement du territoire fondé sur une logique de projets plutôt que sur une logique de « guichet ». Tout en donnant acte au Gouvernement de sa volonté de repenser l'aménagement du territoire, je considère que tout n'est certainement pas à réinventer en la matière. Des outils comme la prime d'aménagement du territoire, les pôles de compétitivité, les grappes d'entreprises, les pôles d'excellence rurale, ont fait la preuve de leur efficacité. C'est pourquoi j'estime opportun, dans le futur, une certaine stabilité des dispositifs existants. La volonté de tout « détricoter » ne doit pas primer sur la prise en compte réaliste et pragmatique de ce qui fonctionne bien.
Je m'en remets à la sagesse de notre commission sur les crédits de la mission « Politique des territoires » mais, personnellement, je m'abstiendrai de les voter.