Mme Fioraso nous l'a dit hier, les crédits consacrés à la recherche progresseront de 1,2 % en crédits de paiement, afin de faire face aux dépenses des pensions. Cette évolution stabilisera, hors pensions et en euros courants, des crédits en baisse de 0,79 % l'année précédente. Un effort plus soutenu eût certes été souhaitable - nos dépenses intérieures de recherche-développement stagnaient à 2,24 % du PIB en 2010. Il convient toutefois de prendre en compte d'autres mesures comme les investissements d'avenir et le crédit d'impôt recherche.
Inscrit dans le cadre des priorités du Président de la République pour une politique de l'innovation, levier d'une économie compétitive, ce budget amorce un rééquilibrage des crédits entre subventions directes aux organismes et allocation de moyens sur projet - nous en avons parlé longuement hier. De nombreux laboratoires connaissent des difficultés : tous n'ont pas pu compenser la baisse de leurs crédits récurrents par des crédits sur projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou de l'Europe. Ils ont été fragilisés par la multiplication des guichets, la complexité administrative et le faible taux de sélection de l'ANR.
Il faut néanmoins parvenir à un équilibre, car le renforcement de la politique de recherche sur projet engagé depuis 2006 était indispensable : elle oriente une partie de la recherche vers des questions sociétales prioritaires comme l'environnement, l'énergie ou la santé, favorise la pluridisciplinarité et promeut de jeunes chercheurs talentueux. Elle a un effet levier sur les financements et le fait que la moitié des programmes de l'ANR soit blancs, c'est-à-dire non fléchés, profite à la recherche fondamentale. Mais le balancier risque d'être renvoyé trop loin, les crédits de l'ANR devant baisser de 9,6 % en 2013 et de 26,3 % entre 2013 et 2015. En outre, seulement 76 % des crédits enlevés à l'ANR en 2013 seront reversés aux organismes, la ministre ayant précisé hier que le solde serait supprimé pour contribuer à la maîtrise des finances publiques. Je propose de conjuguer, sur cette période de trois ans, baisse des crédits de l'ANR et hausse du taux de préciput, en portant à 20 % la part des subventions sur projet revenant à l'organisme de rattachement de l'équipe de chercheurs concernée.
Je me réjouis de l'inflexion donnée aux grandes orientations de l'ANR : stabilisation des taux de sélection, simplification des procédures, réduction de la précarité au titre des critères. Interrogée sur le préciput, Mme la ministre ne m'a pas répondu hier mais elle s'est engagée à le faire par écrit et n'a pas semblé hostile aux 20 %.
La politique menée préserve l'emploi, ce qui marque une inflexion par rapport aux années passées où l'emploi scientifique était précarisé et les contrats à durée déterminée (CDD) de courte durée la règle. Il convient de prendre garde à d'éventuelles dérives et de mieux accompagner les chercheurs en fin de contrat. L'application de la loi Sauvadet du 12 mars 2012 devrait limiter les problèmes. D'ailleurs, le 21 novembre, le ministère a obtenu les moyens de titulariser 2 000 personnes en 2013. L'objectif est de conduire le plan de titularisation en quatre ans et la ministre nous a dit hier que tous les départs à la retraite seraient compensés.
La hausse des crédits récurrents aux organismes de recherche variera selon les programmes, les subventions pour charge de service public augmentant d'environ 2 %. Les crédits du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) enregistrent une hausse de 2,9 %, pour s'établir à 2,6 milliards d'euros ; avec 72,8 millions de moyens supplémentaires, il est le principal bénéficiaire de la diminution des crédits de l'ANR. Le budget de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) bénéficie d'une hausse de 22 millions d'euros. Les dotations du Centre national d'études spatiales (CNES), au titre du programme de recherche civile, progressent d'environ 1 % soit 14,5 millions de plus ; cette hausse est cependant inférieure au budget prévu dans le contrat État-CNES 2011-2015, alors que la France doit à la fois satisfaire à ses engagements à l'égard de l'Agence spatiale européenne et lancer le programme Ariane 6. Ce dernier est essentiel pour assurer l'indépendance et la souveraineté européenne. Mme la ministre nous a apporté quelques motifs d'apaisement hier. Je l'ai également interrogée sur le montant de la réserve de précaution et je me félicite que le taux de mise en réserve sur les crédits de la recherche reste de la moitié du droit commun, soit 0,25 % de la masse salariale et 3 % des crédits de fonctionnement.
Quid des investissements d'avenir ? Avec 21,9 milliards d'euros sur 35 milliards, la MIRES est la principale bénéficiaire du programme des investissements d'avenir (PIA), dont 70,3 % sont non consomptibles, c'est-à-dire que les organismes ne pourront utiliser que les revenus issus du dépôt de ces sommes au Trésor. Enfin, 7,5 milliards, non encore affectés, iront au Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi présenté le 6 novembre par le Premier ministre qui a fixé deux priorités : le meilleur accès des petites et moyennes entreprises (PME) à ces ressources grâce à la Banque publique d'investissement (BPI) et l'accompagnement de filières existantes, dont la filière agronomique, et de filières d'avenir, comme les technologies génériques, la santé et l'économie du vivant, la transition énergétique ou la sécurisation des informations et des transactions.
Le coût du crédit d'impôt recherche (CIR) s'élève à 3,35 milliards d'euros et devrait s'établir de 5 à 6 milliards dès 2014. Son efficacité a été reconnue par de nombreux rapports. Si la stabilité juridique et fiscale est primordiale pour les acteurs économiques, le CIR appelle néanmoins certains correctifs, en particulier pour renforcer l'accès des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il conviendrait d'encadrer son utilisation par de grandes entreprises comme Sanofi - les chiffres sur le laboratoire qu'elle a liquidé à Toulouse sont impressionnants. L'article 55 du projet de loi de finances prévoit d'ailleurs d'élargir le bénéfice du CIR à certaines dépenses d'innovation des PME pour un montant de 300 millions d'euros.
Mon rapport écrit évoque l'évolution de la politique européenne de recherche, présente le bilan du septième programme-cadre de recherche et développement (PCRD) et les perspectives du nouveau programme Horizon 2020, auquel la Commission européenne propose de consacrer 80 milliards et qui a fait l'objet d'un excellent rapport d'information de la commission des affaires européennes, présenté par André Gattolin. Je traite aussi des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont la ministre nous a parlé hier.
Le bouleversement de notre système de recherche a parfois favorisé une meilleure coordination et un partenariat plus soutenu entre les différents acteurs. Tel est notamment le cas des Alliances et des pôles de compétitivité. Reste qu'un tel millefeuille manque de lisibilité et d'efficacité. La concertation engagée préparera la réforme. Je me réjouis de l'implication de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dans ce processus.
Comme nous l'avons dit hier, Dominique Gillot et moi-même partageons le même avis sur l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). J'ai été à la fois surpris et préoccupé par la prise de position brutale de l'Académie des sciences sur cette agence, dont elle avait initialement proposé la suppression. Or, l'Agence a su s'imposer comme une autorité suffisamment indépendante, suivant les standards européens et internationaux d'évaluation et elle a été capable de s'auto-réformer. Les dernières propositions d'amélioration émises par l'AERES devraient renforcer la confiance des chercheurs. La suppression de l'AERES, que demandent les contrôlés, marquerait un retour au mandarinat. Le conservatisme des chercheurs m'inquiète. Une lutte d'influence se développe auprès de la ministre même si l'Académie des sciences semble avoir fait un peu marche arrière - après tout, n'avait-elle pas décrété que le nuage de Tchernobyl s'était arrêté à nos frontières, en 1986 ? Il ne faut pas que Mme la ministre lâche du lest en matière d'évaluation.
Mme Fioraso a évoqué la politique en matière de transfert de la recherche publique dont je fais état dans mon rapport. Je m'inquiète aussi de l'évolution de la politique de valorisation et de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle.
Le programme 186 de la MIRES, intitulé « Recherche culturelle et culture scientifique », voit ses crédits diminuer de 6,2 % en autorisations d'engagement et de 4,2 % en crédits de paiement. L'essentiel des économies porte sur la subvention pour charges de service public d'Universcience. Des acteurs locaux de la valorisation et de la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle s'interrogent sur sa réforme, notamment en raison du manque de financement des acteurs institutionnels dans les régions Bretagne, Languedoc-Roussillon, Aquitaine. En outre, les associations et les réseaux d'éducation populaire sont largement ignorés alors que leurs actions sont essentielles. La ministre nous a rassurés sur ce point hier, estimant que la définition claire des compétences dans l'acte III de la décentralisation règlerait cette question en toute transparence.
Enfin, mon rapport écrit revient sur la proposition de loi de Mme Marie-Christine Blandin, que le Sénat a adoptée la semaine dernière, pour renforcer l'indépendance de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement.
Compte tenu de la sanctuarisation des crédits en faveur de la recherche et d'une politique encourageant l'emploi et la croissance par l'innovation, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la recherche.