Les crédits des programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » font l'objet d'une progression (+ 2,72 %) d'autant plus inattendue qu'elle intervient dans un contexte budgétaire contraint qui avait initialement conduit le Premier ministre, dans sa lettre de cadrage, à solliciter une réduction de 3,5 %. L'augmentation du budget s'inscrit dans le cadre des priorités affirmées par le Président de la République pour la jeunesse, et favorisera l'innovation, levier d'une économie compétitive.
Premier motif de satisfaction, la création à partir de la rentrée 2013 de 1 000 postes supplémentaires dans l'enseignement supérieur, ce qui coûtera 28 millions d'euros en 2013 et 61 millions en année pleine. L'objectif est de répondre au sous-encadrement des étudiants en premier cycle, souligné par les indicateurs de performance sensiblement dégradés malgré le plan « Réussite en licence » brandi par le précédent gouvernement. Afin que ces emplois soient bien affectés à la réussite des étudiants en premier cycle, ce ciblage sera intégré par voie d'amendements dans les contrats quinquennaux entre l'État et les établissements. Responsabilisées dans le cadre d'un contrat pédagogique établi avec la direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP) et les recteurs, les universités bénéficiaires pourront utiliser ces postes en fonction de leurs besoins spécifiques pour l'appui à la réussite des étudiants : élargissement de l'amplitude horaire des bibliothèques, tutorat ou travail en petits groupes, renforcement de l'enseignement des langues vivantes, y compris le français.
Vingt-trois universités sont déficitaires pour la deuxième année consécutive, et le fonds de roulement de vingt autres est inférieur au seuil prudentiel de 30 jours de fonctionnement. Le précédent gouvernement n'avait créé aucun outil de suivi et de support pour accompagner les établissements. Or la gestion de leur masse salariale représente parfois jusqu'à 80 % du total des moyens récurrents attribués, ce qui a contribué à rigidifier les budgets des universités. Face à cette situation anxiogène et potentiellement explosive, la ministre a décidé d'accompagner les universités exposées à de lourdes difficultés budgétaires.
Le ministère a déployé, dès l'été, un système très fin de diagnostic et d'accompagnement. Un tableau de bord de la situation financière des établissements a été mis en place pour analyser l'origine des déficits, qu'elle soit comptable, conjoncturelle ou structurelle. Des diagnostics-flash sont établis pour proposer des mesures d'urgence afin de revenir à l'équilibre dès l'exercice suivant. C'est la première fois qu'un gouvernement analyse et anticipe les coûts et les risques du passage à l'autonomie. Que de temps perdu et d'universités fragilisées depuis 2009, pendant que les services centraux observaient, passivement, l'accession à l'autonomie ! Il était temps de redonner confiance aux universités, de reconnaître qu'elles ne pouvaient pas relever seules les défis de l'autonomie. La rhétorique stigmatisante qui pointait du doigt les mauvais élèves de l'autonomie en les plaçant sous tutelle a été abandonnée : on est enfin passé au dialogue et à l'analyse partagée.
Je souhaite que ce travail d'accompagnement débouche sur une méthodologie d'analyse prospective, de nature à clarifier les modalités de gestion des établissements, à renforcer la lisibilité et la sincérité des dotations budgétaires et à responsabiliser les choix de gestion des universités. Celles-ci devront mieux encadrer leur masse salariale tout en procédant à une affectation raisonnée de leurs moyens aux ouvertures de postes. Elles devront tenir compte des contraintes qui pèsent sur les finances publiques, comme des possibilités qui s'offrent à elles pour élargir leurs sources de financement ou promouvoir des méthodes de formation moins consommatrices de postes, en s'appuyant sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (TICE). Notre pays mise encore trop peu sur la formation à distance et sur le développement d'outils numériques d'apprentissage.
En contrepartie, les universités souhaitent avoir des relations de confiance avec la tutelle de l'État et des moyens récurrents sincères, alloués sur la base de critères transparents et d'équité. Cela suppose que les deux parties s'entendent sur un cadre de responsabilités partagées en matière de financement, notamment du fameux glissement vieillesse-technicité (GVT), qui ne représente que 35 à 40 millions d'euros sur un budget global de 12,5 milliards. Que n'avons-nous entendu sur le GVT ! Lorsque l'État avait la maîtrise des ressources humaines des universités, il pouvait neutraliser à l'échelle nationale le GVT solde des universités, en jouant sur l'impact des entrées-sorties sur tout le territoire. Cela n'est plus possible avec une masse salariale fractionnée entre plus de 80 universités autonomes : neutraliser le GVT au Havre, ce n'est pas la même chose que de le neutraliser à Montpellier, car la pyramide des âges et les enjeux stratégiques diffèrent. Reste que l'État doit assumer sa part de responsabilité dans l'évolution de la masse salariale en raison de l'augmentation de la valeur du point d'indice, du taux du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », des mesures catégorielles, des titularisations par la loi Sauvadet, des conditions de déroulement des carrières affectant le GVT...
Au titre du financement du GVT solde positif des universités, la ministre dégèlera 30 millions en fin d'année. Toutefois, faute d'un mécanisme de financement par anticipation de l'évolution du GVT solde des universités, le problème se reposera l'année prochaine. L'État et les universités doivent travailler ensemble pour actualiser la masse salariale. La ministre nous a assurés hier qu'à la suite à un arbitrage ministériel récent, la couverture de l'évolution du taux du CAS « Pensions » serait prise en charge à 100 %.
Je m'inquiète de voir la dotation par élève des établissements d'enseignement supérieur privés non lucratifs diminuer de 15 %. Depuis plusieurs années, ces établissements se sont rapprochés des universités afin de développer et de mutualiser leurs outils de recherche. La proximité qu'ils entretiennent avec les milieux économiques et industriels constitue un atout pour nos universités, à l'heure où, selon le rapport Gallois, l'insuffisante articulation de notre système de formation avec l'industrie handicape notre économie.
À ceux qui réclament la suppression de l'AERES, faut-il rappeler que sa création répond à une exigence européenne ? Un espace européen de l'enseignement supérieur suppose la confiance réciproque des États membres vis-à-vis des systèmes d'enseignement supérieur de leurs voisins, sur la base d'une évaluation indépendante. L'AERES offre une garantie d'évaluation collégiale, indépendante et impartiale des activités et des performances de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'évaluation a pu provoquer, notamment en 2007, lors de sa création, une lourdeur bureaucratique à laquelle il convenait de remédier. Le président de l'AERES a ainsi renforcé l'autoévaluation et allégé les procédures. Les rapports d'évaluation de l'AERES sont précieux dans le processus de négociation contractuelle qui est le pendant de l'autonomie, notamment pour l'attribution des financements par le ministère comme par les régions et les partenaires associatifs ou industriels. En outre, ces rapports aident les établissements à améliorer leur propre allocation interne des moyens.
Les crédits du programme 231 « Vie étudiante » progressent de 7,3 %. Le Gouvernement met ainsi un terme à l'impéritie de ses prédécesseurs. Le dixième mois de bourse est enfin budgétisé et les prévisions tiennent compte du nombre de boursiers. Une dotation de 20 millions est prévue pour le centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) afin de participer à la construction de 8 000 logements étudiants par an. Le CNOUS, discrédité et malmené ces dernières années au profit d'une « agenciarisation » de ses activités, est véritablement plébiscité par ses partenaires.
Une réflexion sur l'évolution de l'accueil des étudiants étrangers en France est indispensable. Campus France, grand vainqueur de tous les arbitrages interministériels du précédent gouvernement, s'est vu attribuer des financements supérieurs à la masse salariale qui lui a été transférée. Le transfert des activités internationales du CNOUS vers cet établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) a été particulièrement coûteux pour le réseau des oeuvres puisque sa subvention est amputée de 2,4 millions tandis que ses ressources propres diminuaient de 1,5 million d'euros qui provenaient de la gestion des bourses des gouvernements étrangers.
Pour quels résultats ? Seulement 52 conventions de bourses ont été reprises, plusieurs gouvernements étrangers préférant ne pas renouveler leur coopération. Des étudiants risquent de ne pas percevoir de bourse en l'absence de reprise de leur convention, et l'accueil sur le sol français est assez froid, voire inexistant, l'objectif étant une dématérialisation maximale. Nombreux sont ceux qui s'émeuvent du peu d'égards manifestés par Campus France aux étudiants étrangers, qui substitue une gestion commerciale à l'esprit de mission de service public qui présidait à nos relations avec nos partenaires étrangers. Un article de l'édition en ligne du Monde titrait : « Campus France fait fuir les étudiants étrangers qu'elle est censée attirer », et dénonçait la perte de la dimension humaine de l'accueil assuré autrefois par le CNOUS. Hier, le président de l'établissement a démissionné, dénonçant de façon très précise des dysfonctionnements. Les ministères de tutelle doivent demander des comptes à Campus France.
Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la MIRES et de soutenir la ministre qui souhaite accompagner l'évolution des universités et favoriser la réussite de tous les étudiants.