Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, Jean Arthuis et moi-même rapportons devant le Sénat la contribution française au budget communautaire dans le projet de loi de finances, contribution qui prend la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État.Cette année présente cependant une particularité : au terme du rapport, nous ne parvenons pas, Jean Arthuis et moi, à la même conclusion.
L’article 44 du projet de loi de finances pour 2013 évalue ainsi ce prélèvement, voté chaque année en loi de finances, à 19, 6 milliards d’euros, soit une augmentation assez marquée par rapport au montant voté pour 2012 : la hausse est en effet de 720 millions d’euros, soit 3, 8 %. L’année dernière, déjà, la hausse était de 646 millions d’euros, soit 3, 5 %.
Je commencerai mon exposé en évoquant la négociation budgétaire communautaire pour l’année 2013, qui a échoué récemment à la suite de l’incapacité du comité de conciliation à trouver un compromis.
L’échec de cette réunion, le vendredi 9 novembre, reflète les tensions importantes qui existent entre les États membres, y compris au sujet du budget modificatif pour 2012. La rallonge de 9 milliards d’euros demandée par la Commission européenne au titre de 2012 pose problème. Or il n’y aura pas de vote sur 2013 tant qu’il n’y aura pas d’accord sur le budget 2012 en cours d’exécution.
Malgré l’échec des négociations, je vais tout de même vous rappeler, mes chers collègues, le contenu de la négociation budgétaire communautaire pour 2013, qui s’est déroulée tout au long de l’année 2012.
Ainsi, et comme à l’accoutumée, l’avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne le 25 avril dernier. La Commission a proposé une augmentation de 2 % des crédits d’engagement par rapport à 2012, soit 150, 9 milliards d’euros. Les hausses concernent surtout la rubrique 1a « compétitivité ». Les crédits de paiement affichent quant à eux une hausse de 6, 8 % pour atteindre 137, 9 milliards d’euros.
Le projet de budget adopté par le Conseil en juillet 2012 se veut plus rigoureux, ce qui est habituel. Cependant, pour la deuxième année consécutive, cette pratique prend un sens encore plus significatif dans le contexte des efforts exigés en matière d’assainissement des finances publiques nationales et de stratégies de retour à l’équilibre budgétaire.
Ainsi, des coupes importantes sont réalisées en crédits d’engagement, avec une baisse de 1, 2 milliard d’euros, ce qui conduirait tout de même à une augmentation de 2, 8 % par rapport à 2012, et, surtout, en crédits de paiement, qui sont diminués de 5, 2 milliards d’euros, ramenant la hausse pour 2013 à 2, 8 % par rapport à 2012.
Ces coupes ont principalement pour origine la préoccupation exprimée par de nombreux États membres, dont la France, d’une discipline budgétaire renforcée. Le Conseil européen de juillet dernier a en effet été l’occasion pour huit États membres, dont la France, de rendre publique une déclaration demandant l’absence de toute hausse supplémentaire dans le budget 2013.
Enfin, je souligne que le Parlement européen a voté en séance plénière, le 23 octobre 2012, un budget assez éloigné du projet du Conseil mais très proche des propositions initiales de la Commission. Il propose ainsi, pour 2013, une hausse de 2, 2 % des crédits d’engagement et de 6, 8 % des crédits de paiement.
Il va sans dire que la proposition d’augmentation des crédits formulée par nos collègues députés européens rend plus difficiles encore les négociations entre les deux branches de l’autorité budgétaire.
La phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne n’ayant pas pu aboutir, la Commission a établi un nouveau projet de budget le 26 novembre, quasi-identique à celui qu’elle avait formulé en avril dernier.
Un trilogue rassemblant la Commission, le Conseil et le Parlement doit se tenir aujourd’hui même, mercredi 28 novembre, pour examiner ce projet.
Une telle procédure avait également été nécessaire pour le budget 2011 puisque le comité de conciliation n’était pas parvenu à obtenir un accord. En cas de conflit persistant conduisant à l’absence de budget voté d’ici à la fin décembre – et c’est un scénario que l’on ne peut exclure à l’heure actuelle –, les premiers mois de l’exercice budgétaire seront assurés par le système des douzièmes provisoires.
Les difficultés rencontrées dans ces négociations sur le budget 2013 sont aggravées par les désaccords sur le budget rectificatif 2012 mais aussi par les négociations qui se poursuivent depuis plus d’un an sur la future programmation 2014-2020. C’est à ce sujet que les tensions entre les États membres, la Commission et le Parlement européen sont les plus grandes et que des compromis devront rapidement être trouvés. À défaut, une grave crise politique pourrait paralyser l’Union européenne.
Je m’inquiète à cet égard de l’absence de résultats de la réunion du Conseil européen des 22 et 23 novembre 2012. L’Allemagne a estimé que la discussion pourrait être relancée au début de l’année 2013. Monsieur le ministre, pourrez-vous nous dire à quelles conditions la France peut-elle reprendre l’initiative ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, je déplore que les crédits du programme européen d’aide aux plus démunis, le PEAD, reconduits mais en diminution en 2012 et en 2013, ne disposent pas de base juridique dans la future programmation 2014-2020. Je souhaite ici relayer la préoccupation de nombreux élus et d’associations : l’enveloppe allouée au titre du PEAD doit être conservée.
Avant d’en arriver à ma conclusion, je voudrais formuler quelques remarques sur le montant du prélèvement qui est l’objet de notre débat aujourd’hui ainsi que sur l’évolution de notre solde net.
Le projet de loi de finances pour 2013 évalue le prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne à 19, 6 milliards d’euros, soit une hausse de 3, 8 % en un an. Je souligne que ce montant a été multiplié par cinq en vingt ans.
Nous savons d’expérience que, au terme de l’exécution 2013, des ouvertures nouvelles en crédits de paiement seront intervenues et que, entre le montant du prélèvement affiché dans le projet de loi de finances et le montant réel final, il y aura des écarts, favorables ou défavorables au demeurant.
J’appelle en effet votre attention sur les écarts considérables constatés entre la prévision et l’exécution du prélèvement : en 2007, le prélèvement inscrit en loi de finances initiale avait ainsi été surestimé de plus de 1, 5 milliard d’euros ; en 2008, est apparue une sous-estimation de 300 millions d’euros ; pour 2009, la sous-estimation a été nettement plus importante, s’élevant à plus de un milliard d’euros : 20 milliards d’euros en exécution alors que le vote du Parlement portait sur 18, 9 milliards ; en 2010, le prélèvement a été à l’inverse surestimé de 556 millions d’euros ; en 2011, l’exécution a été plus conforme aux prévisions, avec une légère surestimation de l’ordre de 5 millions d’euros.
En 2012, la sous-estimation du prélèvement devrait être assez élevée. L’annexe jaune « Relations financières avec l’Union européenne » au PLF 2013 contient une estimation à 170 millions d’euros, mais Jean Arthuis et moi-même avons appris du directeur du budget de la Commission européenne, lors d’un récent déplacement à Bruxelles, que le budget rectificatif pour 2012 devait demander l’ouverture de près de 9 milliards d’euros de crédits de paiement supplémentaires.
Ce montant a effectivement été demandé, monsieur le ministre, et cela rend plus complexe encore le débat en cours sur le budget 2013. Une telle hausse sur l’exercice 2012 pourrait conduire pour la France à un écart en exécution de 1, 5 milliard d’euros par rapport à la prévision votée en loi de finances pour 2012 !
Monsieur le ministre, quel serait l’impact précis de ce projet de budget rectificatif pour 2012, s’il est voté conformément à ce que propose la Commission européenne ?
Mes chers collègues, je vous ai rappelé ces données sur les exécutions constatées pour vous dire que l’estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable. Je fais part de cette exigence au Gouvernement et je compte sur lui pour faire valoir cette demande auprès de la Commission européenne et pour la traduire dans les documents transmis au Parlement.
L’annexe jaune « Relations financières avec l’Union européenne » au projet de loi de finances doit être plus complète, plus fidèle à la réalité et plus rigoureuse. Il n’est pas de bonne prévision et de bonne gestion qu’un besoin de couverture en paiement de près de 9 milliards d’euros de crédits de paiement soit révélé en fin d’exercice !
J’en viens à quelques remarques sur l’évolution de notre solde net.
La France devrait demeurer en 2013 le deuxième contributeur au budget communautaire derrière l’Allemagne et devant l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne, la part de sa contribution représentant 16, 7 % du total des ressources de l’Union européenne, part qui semble se stabiliser enfin.
La France reste le premier pays bénéficiaire en recevant un peu moins de 12 % des dépenses de l’Union européenne, mais cette situation qui se dégrade est très fragile puisqu’elle ne résulte que du poids de la politique agricole commune. En effet, 75 % des crédits européens consommés en France sont des dépenses agricoles. Si l’on rapporte notre contribution aux dépenses, l’évolution de la situation est préoccupante.
Notre solde net se dégrade et a été multiplié par seize en dix ans. Il dépasse ainsi la barre des 6 milliards d’euros par an, faisant de notre pays le vingtième bénéficiaire des dépenses de l’Union européenne en retours par habitant !
En conclusion, et sous réserve de ces différentes observations, je vous recommande, mes chers collègues, au nom de la majorité de la commission des finances, d’adopter sans modification l’article 44 du projet de loi de finances pour 2013. Le refus de notre contribution serait un manquement à la parole de la France. §