Intervention de Jean Bizet

Réunion du 28 novembre 2012 à 9h30
Loi de finances pour 2013 — Participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat de ce jour est un débat rituel. Il clôt la première partie du projet de loi de finances et marque l’interpénétration budgétaire entre la France et l’Union européenne. Je me dois de le rappeler, il s’agit d’une initiative prise par le président Poncelet en 1989.

Ce débat intervient cette année dans un contexte de grande négociation budgétaire. Je soulignerai quelques données avant d’évoquer mes espoirs et mes appréhensions.

Le premier élément de contexte est bien sûr la crise économique et budgétaire des États membres. L’Europe peut-elle se dispenser des efforts réalisés par les États eux-mêmes en matière budgétaire ? Deux logiques s’affrontent. Il est clair que la relance sera européenne ou ne sera pas. Par conséquent, il faut des moyens budgétaires à l’Union. Mais il est tout aussi évident que cet argent, si nécessaire, est prélevé pour l’essentiel sur les recettes fiscales des États membres.

Ainsi, 85 % de la participation française est issue de ces prélèvements nationaux, qui atteignent cette année 19 milliards d’euros, soit 300 euros par habitant et par an. Il s’agit de l’une des plus fortes participations par habitant de l’Union. Une part importante du financement d’autres États provient en effet des droits de douane aux frontières de l’Union, ce qui fausse un peu les comparaisons.

Une telle situation résulte d’une décision sur les ressources propres datant de 2007. À cette époque, nous avions sauvé la PAC dans le cadre financier pluriannuel 2007-2013, mais cette victoire avait été payée par une décision qui augmentait grandement notre contribution, laquelle est passée de 15, 4 milliards d’euros en 2007 à 19, 5 milliards d’euros cette année.

L’évolution est plus spectaculaire encore si l’on considère notre contribution nette, puisque notre solde est passé de moins 3 milliards d’euros en 2007 à moins 6, 4 milliards d’euros en 2011. Je connais et partage les arguments opposables à ce décompte, mais lorsqu’il s’agit de débattre du budget européen, il n’est pas déplacé de rappeler ces chiffres.

Le contexte budgétaire est donc celui d’une participation accrue, en brut et en net, au budget européen. Une telle situation explique que se soit exprimée une demande de rigueur dans les affaires de l’Union. Dans une négociation budgétaire, les États comptent, trop, sans doute, mais c’est la règle du jeu suivie par tous.

D’ailleurs, la négociation, qui peut être très dure – on l’a vu la semaine dernière –, s’accompagne de quelques lueurs d’espoir.

L’avancée à mon sens la plus prometteuse concerne le financement du budget. En 2005, le Conseil européen s’était engagé à évoquer ce sujet. En 2011, le Parlement européen avait fait monter la pression pour débattre du financement. La Commission a fait ses propositions. Toutes ne seront pas retenues, mais ce qui restera me paraît fondamental. Je veux parler, bien sûr, de la taxe sur les transactions financières défendue par la France depuis longtemps. En effet quelques États s’engagent dans une coopération renforcée, c’est-à-dire autour d’un noyau dur d’États membres qui veulent aller plus loin dans l’intégration européenne. C’est un pas considérable, qui ouvre la voie à d’autres coopérations en matière fiscale, voire budgétaire, puisque le président Van Rompuy a même évoqué un budget spécifique pour la zone euro. Si cette coopération renforcée avance – je souhaite que tel soit le cas –, ce sera sans nul doute une étape importante pour la construction européenne.

Mais tout ne prête pas à satisfaction. Je pense même que la France ne s’engage pas dans la négociation budgétaire européenne avec les meilleurs atouts.

Pour notre pays, tout commence en décembre 2010, lorsque le Président de la République cosigne une sorte de lettre de cadrage demandant à la Commission une stabilisation du budget sans indexation sur l’inflation. La procédure suit son cours avec la présentation, en juin 2011, de la proposition de la Commission, révisée en juillet 2012. Une première proposition de conciliation de la présidence chypriote intervient en octobre 2012, et une seconde, du président Van Rompuy, en novembre 2012.

Parallèlement, les États se sont positionnés. Deux camps s’opposent : celui des amis du better spending, ou « dépenser mieux », mené par l’Allemagne, et celui des amis de la cohésion, mené cette fois par la Pologne, qui veulent surtout garder les fonds structurels. La paix budgétaire issue du cadre financier qui sera adopté est préparée par une série de crispations, voire une quasi-guerre budgétaire, que se livrent entre eux les États membres. C’est assez classique : chaque État défend ses positions et, en réalité, défend surtout ce qu’il a. Tous les États sont d’accord pour couper dans les crédits, mais surtout dans les crédits des autres. Il s’agit d’une procédure habituelle, toutes les négociations se déroulant de la même façon.

Je suis globalement confiant dans l’avenir, puisque j’ai la quasi-certitude que le Conseil parviendra à un accord à l’unanimité, soit dans les semaines qui viennent, c’est-à-dire en décembre, soit début 2013, vraisemblablement en janvier. Il est très probable que, comme à l’accoutumée, l’accord final se fera sur une base très proche de la position initiale des contributeurs nets. Il comprendra, hélas ! quelques dérogations, qui permettront aux États les plus réticents de signer l’accord.

Si je suis confiant sur l’accord global, je suis en revanche plus inquiet en ce qui concerne la position française. Dans une négociation budgétaire, l’avantage est toujours à celui qui a une stratégie, un objectif. Les Anglais veulent garder leur rabais, ils l’auront. Les Allemands veulent un budget correspondant à 1 % du revenu national brut, leur position est claire. Il faut admettre que la France a toujours eu une position plus ambiguë.

Voilà un an, notre pays s’était fixé deux objectifs : ne pas augmenter le budget global et maintenir le budget de la PAC. La nouvelle majorité a fixé des objectifs légèrement différents puisque l’on continue à privilégier un budget restrictif, tandis que les déclarations officielles clament aussi la nécessité de maintenir la part de la PAC dans le budget, de soutenir les fonds structurels – en particulier en France, bien sûr –, et de renforcer les politiques de compétitivité.

Nous avions hier deux objectifs, ce qui n’était déjà pas simple. Maintenant, nous en avons quatre, ce qui complique singulièrement les choses. C’est même la quadrature du cercle ! La lisibilité des revendications de la France en est très lourdement entachée.

On ne peut pas demander plus d’argent pour la PAC, la cohésion et la compétitivité, et, en sous-main, se ranger derrière l’Allemagne pour obtenir une baisse du budget. C’est la première faiblesse. Nous faisons preuve d’une sorte d’hypocrisie budgétaire, qui n’est pas à notre honneur.

Notre seconde faiblesse concerne le budget de la PAC. L’ancien Président de la République s’était prononcé pour le maintien du budget « à l’euro près » ; le nouveau Président s’est engagé à maintenir la part de la PAC dans le budget, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, car lorsque le budget d’ensemble diminue, le montant qui revient à la PAC diminue également. C’est très probablement ce qui va se passer. La Commission avait fait une proposition sérieuse prévoyant 386 milliards d’euros sur sept ans sur la rubrique 2, ce qui revenait à reconduire le budget de la PAC à son niveau de 2013 sans l’indexer sur l’inflation. Ainsi, l’engagement de l’ancienne majorité était satisfait. Mais, dans la proposition de conciliation du président Van Rompuy, le budget de la PAC perd 22 milliards d’euros. Ce serait autant de moins pour nos agriculteurs. L’engagement de maintenir la part de la PAC dans le budget global sera respecté, mais – l’artifice est là – le volume diminuera. C’est une vérité que l’on doit aux Français.

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