Nous avions proposé de revenir à l’impôt de solidarité sur la fortune d’origine, en fixant le seuil de déclenchement de la taxation à 800 000 euros de patrimoine, au lieu de 1 300 000 euros. En retenant ce dernier seuil, vous renoncez à 900 millions d’euros de recettes. Une telle mesure correspondrait pourtant bien à l’objectif de justice fiscale affiché.
Vous auriez pu aussi accepter la suppression de la niche « Dutreil » pour les pactes d’actionnaires. Elle aurait rapporté 340 millions d’euros. La situation des comptes publics n’aurait-elle pas justifié une telle mesure ?
Vous avez proposé une série de dispositions portant sur l’imposition des sociétés dont le produit attendu est de 8 milliards d’euros. Mais souvenons-nous que la majorité de gauche du Sénat avait élaboré, l’an dernier, une réforme de l’impôt sur les sociétés rapportant plus de 20 milliards d’euros ! Comme il fallait bien équilibrer les comptes, vous sollicitez les opérateurs de l’État, avec des prélèvements sur les fonds de roulement, et les collectivités locales, avec le gel des dotations, notamment de la dotation globale de fonctionnement.
En 2011, notre assemblée avait effectué des choix différents, sur l’initiative de Nicole Bricq, alors rapporteur général de la commission des finances, et de l’ensemble des groupes de la majorité de gauche, tous associés à la construction d’autres propositions pour le budget de la nation, manifestant le changement politique que nous pouvions, par le choix des électeurs, incarner dès cet automne-là. Malheureusement, cette co-élaboration n’a pas pu véritablement s’instaurer cette année, dans le cadre du débat budgétaire.
Je ne reviens pas sur le fait que de nombreux amendements qui avaient été votés l’année passée ont été rejetés cette année par le Gouvernement, même lorsque leur premier auteur avait changé de place dans l’hémicycle depuis mai dernier !
Le nombre d’amendements finalement adoptés est plus que modeste. J’en veux pour preuve le débat sur l’action de la France en matière de développement des pays du Sud ou l’adoption d’une mesure en faveur des victimes de plans sociaux massifs privées de ressources dans l’attente de la liquidation de leurs droits à retraite.
Nous avons défendu pendant des années la taxe « Tobin », parvenant peu à peu à emporter la conviction de l’ensemble des forces politiques sur le sujet. La raison d’être que nous lui avions assignée – le financement des actions de développement dans ce que l’on appelle encore le Tiers Monde – ne pouvait être oubliée dès la première année de son application pleine et entière !
Avec les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen, je regrette que, à toutes nos sollicitations ou presque, ou même à celles d’autres composantes de la gauche, vous ayez régulièrement répondu que vous étiez parvenu, à l’Assemblée nationale, à un équilibre budgétaire que vous ne pouviez défaire.
Pourtant, pour financer l’augmentation de 25 millions d’euros de la dotation de développement urbain, vous avez transféré le financement de celle-ci de la ligne budgétaire consacrée aux provisions vers un financement de péréquation, pris en charge par les collectivités territoriales. Là aussi, votre argument était le maintien en valeur des dotations de l’État aux collectivités territoriales.
Nous voulons, pour notre part, que la justice soit effectivement remise au cœur de notre système fiscal ; c’est un gage d’efficacité économique et sociale. De fait, les pas réalisés dans cette direction au travers de ce projet de loi de finances pour 2013 sont trop timides. Quant à la seconde délibération demandée par le Gouvernement, elle ne préserve même pas l’amendement relatif à l’allocation temporaire de solidarité ; elle ne peut donc nous amener à modifier notre appréciation.
Ces décisions vont de pair avec un gel des dépenses que nous n’approuvons pas, le règlement de la dette primant sur bien d’autres considérations. Si nous voulons sortir de la crise, si nous voulons redresser le pays après les dix années où la droite au pouvoir n’a eu de cesse d’alléger la participation des plus fortunés au financement de la dépense publique, nous ne devons pas nous arrêter au milieu du gué. Thierry Foucaud l’a souligné tout à l’heure.
C’est dans un véritable esprit de responsabilité que nous prenons la décision de nous abstenir : nous souhaitons que le budget donne à l’État les moyens de mener une politique de progrès social et humain.