Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’acharnement fiscal sur les forces productives de notre pays qui caractérise pour l’essentiel ce projet de budget nous conduit directement à la récession et à votre condamnation, par l’annonce même de l’inscription de 45 000 nouveaux chômeurs pour le seul mois d’octobre.
Avec une balance commerciale présentant un déficit de près de 70 milliards d’euros, non seulement ce projet de loi de finances insincère ne contribuera en rien à l’amélioration de la compétitivité de notre économie, mais, au contraire, il aggravera les maux diagnostiqués par le rapport Gallois.
Ce rapport déplore notamment un effondrement des investissements des entreprises et, à travers lui, la mise en péril des emplois de demain.
Or que relève-t-on, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances ? La remise en cause de la déductibilité des intérêts d’emprunt de l’impôt sur les sociétés : il est assez aisé de trouver mieux comme incitation à investir !
Par ailleurs, avec la surtaxation des dividendes et l’alignement de l’imposition des revenus du capital sur celle des revenus du travail, c’est l’accélération assurée des délocalisations, car aucun pays dans le monde ne taxe aussi lourdement à la fois les flux et les stocks.
En 1995, notre pays comptait 7 millions de petits porteurs d’actions ; ils ne sont plus que 4 millions aujourd'hui. Avec ces mesures, vous allez diviser encore par deux ce chiffre, et détourner une épargne importante vers la rente plutôt que vers l’économie productive, contrairement à vos intentions affichées. Monsieur le ministre, avez-vous dans vos cartons un modèle d’entreprise performante fonctionnant sans fonds propres, sans capitaux et, naturellement, sans capitalistes ?
Le rapport Gallois évoque aussi l’insuffisance chronique de fonds propres de nos entreprises moyennes. Or on sabote le dispositif de l’épargne salariale investie à moyen et long terme dans ces entreprises en doublant le forfait social, alors même que le rapport Gallois préconise une meilleure association des salariés à la gestion des entreprises. Je me permets de vous rappeler que l’épargne salariale, même en ne représentant que 3 % ou 4 % du capital, a permis à Eiffage et à la Société Générale d’échapper aux prédateurs.
Vous avez de plus altéré sournoisement le principe qui prévalait depuis vingt ans, consistant à écarter de l’assiette de l’ISF les biens professionnels, en inventant le concept de biens mobiliers ou immobiliers non utiles à 100 % à l’exploitation de l’entreprise. C’est pourtant, mes chers collègues, grâce à ce type de biens apportés en garantie que les banques acceptent souvent d’accorder des crédits à long et moyen terme aux PME et aux PMI. Là encore, vous tarissez une source de financement des investissements de nos petites entreprises.
Le rapport Gallois, toujours, indique l’urgence d’une réforme structurelle de la formation professionnelle, afin que celle-ci soit mieux en adéquation avec les besoins de l’entreprise. Elle est renvoyée naturellement à un énième sommet social, tandis que l’on prévoit en outre de réduire les crédits alloués aux chambres de commerce et d’industrie et aux chambres de métiers et de l’artisanat, qui assurent pourtant, au plus près des besoins, des pans entiers de la formation professionnelle.
Quant à l’orientation vers l’industrie des crédits publics de soutien à la recherche et développement préconisée par le rapport Gallois, rien n’est prévu dans ce projet de budget pour remédier à la situation actuelle : 5, 4 % des entreprises industrielles allemandes en bénéficient, contre 1, 4 % des entreprises françaises.
Notre avenir est renvoyé soit en commission, soit aux calendes grecques ! Pas de cap, pas de réformes structurelles : il s’agit en réalité d’un projet de budget conservateur, qui privilégie le secteur protégé, ceux qui ont un statut, et handicape les producteurs, c’est-à-dire les entreprises et les salariés du secteur privé, totalement exposés aux défis et aux risques de la mondialisation.
Le débat d’hier soir sur les carrières longues fut intéressant. À juste titre, le groupe socialiste a dénoncé l’injustice que constitue, pour 20 000 de nos compatriotes chômeurs âgés, le fait de ne pouvoir accéder à l’allocation équivalent retraite. Pour financer une telle mesure, il a proposé d’instaurer une taxe supplémentaire sur l’hôtellerie : c’est là manquer un peu d’imagination, mes chers collègues !
Dans le même temps, vous avez adopté une subvention de 3, 48 milliards d’euros afin d’équilibrer le régime de retraite des agents de la SNCF, qui, pour beaucoup d’entre eux, partent à la retraite à 52 ans, et ne paieront les cotisations salariales au taux simple de la fonction publique qu’à partir de 2022… Où est la justice dont vous nous rebattez les oreilles ?
La justice, mes chers collègues, exige du courage. Pour une fois, les chantres des statuts protecteurs que vous êtes auraient pu, simplement en lissant certains avantages des titulaires de ces statuts, aider à financer le dispositif des retraites pour carrière longue des ouvriers.
Par ailleurs, je regrette, monsieur le ministre, que vous vous dispensiez de remercier l’opposition au sujet de la fiscalité dite « verte ». C’est presque de l’ingratitude ! Nous nous sommes en effet opposés, avec la fraction raisonnable du groupe socialiste, à l’alliance hétéroclite des Verts et des ultras de votre majorité