Intervention de André Vairetto

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 5 décembre 2012 : 1ère réunion
Création de la banque publique d'investissement — Examen du rapport pour avis

Photo de André VairettoAndré Vairetto, rapporteur pour avis :

La création de la banque publique d'investissement, la BPI, était le premier des soixante engagements du Président de la République lors de la campagne pour l'élection présidentielle. L'objectif annoncé était de pallier les carences des banques privées dans le financement des projets portés par les petites et moyennes entreprises.

Aujourd'hui, la BPI est au coeur du dispositif de reconquête de la compétitivité française. Il s'agit d'apporter un soutien aux entreprises - TPE, très petites entreprises, comme PME et ETI, établissements de taille intermédiaire - et de créer un levier pour les financements privés.

Ce faisant, il s'agit d'abord de remédier aux faiblesses du financement de notre tissu productif. Celles-ci sont bien connues : difficultés d'accès des entreprises au crédit bancaire, à des fonds propres, au financement à l'export, recul du capital-investissement, empilement des outils de financement et des interlocuteurs, éparpillement des dispositifs existants.

Mais il s'agit aussi de créer un mécanisme destiné à s'intégrer dans une politique industrielle, définie par l'État et portée par les territoires, afin d'encourager les créations d'emplois, de favoriser la croissance et de lancer la transition écologique.

Ce dernier objectif a été clairement affirmé en septembre dernier, lors de la Conférence environnementale, par le Président de la République qui avait alors indiqué que la BPI allait, « concentrer une bonne part de ses interventions sur la conversion écologique de notre système productif, qu'il s'agisse de l'isolation thermique, des énergies renouvelables ou des écotechnologies ».

Cet engagement est essentiel, et je me réjouis qu'il trouve aujourd'hui sa traduction législative dans ce projet de loi, dont notre commission a décidé de se saisir pour avis.

Le programme d'investissement à réaliser pour financer la transition écologique est estimé par les spécialistes à un montant de l'ordre de 2 % à 3 % du PIB par an pendant au moins dix ans, soit pour la France un total de 600 milliards d'euros environ. Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement recommande, de son côté, d'investir 2 % du PIB mondial dans les investissements de transition écologique.

Tous les spécialistes insistent sur le fait que ces investissements et cette transition écologique ne doivent pas être perçus comme un coût mais compris comme une chance pour l'emploi et la croissance. Certes, les sommes nécessaires apparaissent considérables, mais ce sont généralement des investissements territorialisés, donc peu délocalisables et riches en emplois de proximité.

En outre, l'économie verte est particulièrement dynamique : 263 milliards de dollars ont été investis dans les énergies renouvelables à l'échelle mondiale en 2011, somme en croissance de 6,5 %, soit 4 points de plus que la croissance mondiale. Toujours en 2011, les énergies vertes ont contribué à 2 % du PIB français. Le potentiel de création d'emplois est réel, ne serait-ce que dans le secteur de la rénovation thermique des bâtiments.

Le véritable enjeu est donc celui du financement de cette transition écologique. Une réflexion sur la fiscalité verte sera lancée à partir du printemps 2013. Comme cela a été dit dans le cadre de la table ronde « financement de la transition et fiscalité écologique » de la Conférence environnementale, l'objectif est de taxer les comportements polluants ou coûteux en termes de ressources, pour les orienter vers des comportements plus vertueux.

D'autres instruments de financement existent d'ores et déjà. Le premier acteur est OSEO, né en 2005 du rapprochement de trois organismes : l'agence nationale de la valorisation de la recherche chargée des aides à l'innovation (l'ANVAR), la banque de développement des PME (la BDPME) et la société française de garantie des financements des PME (la SOFARIS). OSEO est aujourd'hui un acteur unanimement reconnu, qui dispose d'un capital de 2,5 milliards d'euros pour intervenir dans trois domaines : l'innovation, la garantie et le cofinancement, tout au long du cycle de vie des entreprises. Le deuxième acteur important du secteur est le Fonds stratégique d'investissement (le FSI). Sa mission est d'apporter des fonds propres aux entreprises pour soutenir leur développement, accompagner leur transformation ou encore stabiliser leur actionnariat. Le FSI oriente son action vers une quinzaine de filières contribuant à la compétitivité, la croissance, et l'emploi national. Enfin, dans le cadre des missions d'intérêt général de la Caisse des Dépôts et Consignations, CDC Entreprises exerce un rôle de capital-investissement dans les PME.

Fédérer ces organismes et leurs actions, dans le contexte général actuel de crise économique et financière, apportera une vraie valeur ajoutée et est une priorité.

La BPI aura ainsi pour mission de répondre aux risques d'assèchement de crédit et aux insuffisances de fonds propres qui handicapent le développement des entreprises, à commencer par les PME et les ETI. Elle rassemblera dans une structure unique les activités d'OSEO, du FSI et de CDC Entreprises. Elle disposera d'une capacité d'intervention conséquente, environ 42 milliards d'euros, soit 20 milliards en prêts, 12 milliards en garanties et 10 milliards en capacités d'investissements en fonds propres. Ces 42 milliards devraient permettre de générer, par effet de levier, plus de 100 milliards de financements.

Le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale était très succinct sur les objectifs assignés à la BPI ; il se contentait de modifier à la marge l'ordonnance portant création d'OSEO. Nos collègues députés ont jugé nécessaire de compléter ces objectifs, en particulier de rappeler, dès l'article premier, la vocation de la BPI à mettre en oeuvre la transition écologique. Cet ajout était nécessaire, je m'en félicite.

Cette ambition est ensuite déclinée dans les missions des différentes instances de gouvernance de la banque. Plusieurs amendements, portés notamment par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, ont permis d'inclure, dans les comités d'orientation national et régionaux de la banque, des personnalités qualifiées en matière de développement durable, c'est, là encore, une bonne chose. Cela devrait garantir que l'objectif de la transition écologique ne soit pas marginalisé dans les options de financement retenues par l'établissement.

Le second aspect du projet de loi est sa contribution au développement économique régional. Si les dispositifs publics actuels d'aide au financement des entreprises ont déjà une forte dimension régionale, celle-ci sera notoirement renforcée par l'organisation de la BPI.

Les établissements financiers qui doivent être regroupés au sein de la BPI interviennent déjà au plus près du terrain. OSEO est organisé en 22 directions régionales et 12 délégations territoriales. Les décisions de prêt y sont largement déconcentrées. Le FSI a un fonctionnement plus centralisé, mais son comité d'orientation comporte des élus. CDC Entreprises dispose de 14 implantations interrégionales, via sa filiale FSI Régions, et participe à 84 fonds régionaux.

De leur côté, les régions se sont pour la plupart engagées dans le soutien aux PME, en association ou en complément de l'action des opérateurs de l'Etat. Dans le cadre de leurs stratégies régionales de développement économique (les SRDE), elles se sont dotées de plusieurs instruments : prêts sur l'honneur, fonds de garantie et fonds d'innovation, qui peuvent être confiés en gestion à OSEO, fonds régionaux d'investissement, aides à l'exportation. Le Président de l'ARF Alain Rousset a indiqué lors de son audition devant le Sénat qu'il existait plus de 800 dispositifs régionaux. L'implication des régions dans le financement des entreprises est donc un phénomène général, même si les modalités et l'importance de l'effort consenti varient d'une région à l'autre. Le projet de loi en tire les conséquences, en réservant une place particulière aux régions dans la gouvernance de la BPI.

L'article premier dispose que la BPI agit « en appui des politiques publiques conduites par l'Etat et conduites par les régions ». En ce qui concerne son conseil d'orientation, l'article 3 prévoit que, sur quinze membres, deux seront des représentants des régions, nommés par décret sur proposition d'une association représentative de l'ensemble des régions.

La BPI est également dotée d'un comité national d'orientation chargé d'exprimer un avis sur ses orientations stratégiques, sa doctrine d'intervention et les modalités d'exercice de sa mission d'intérêt général. L'article 4 du projet de loi initial prévoyait que ce comité de vingt-trois membres comporterait deux représentants des régions, désignés par une association représentative de l'ensemble des régions. L'Assemblée nationale a porté ce chiffre à trois. Il est par ailleurs prévu que le président du comité national d'orientation sera choisi parmi ces trois représentants des régions. Leur présence au comité national d'orientation sera l'occasion pour les régions d'expliquer et de promouvoir leurs politiques économiques auprès des parlementaires, des partenaires sociaux et des personnalités qualifiées qui le composent par ailleurs.

L'article 4 prévoit également la mise en place, dans chaque région, d'un comité régional d'orientation « chargé de formuler un avis sur les modalités d'exercice par la BPI de ses missions au niveau régional et sur la cohérence de ses orientations stratégiques avec la stratégie régionale de développement économique ». Ce comité de vingt-cinq membres comporte deux représentants de la région. Le projet de loi initial prévoyait qu'il soit présidé par le président du conseil régional, mais cette disposition a été supprimée par la commission des finances de l'Assemblée nationale, il me semble par erreur. Je vous proposerai, si vous en êtes d'accord, de rétablir cette présidence qui me parait plus conforme aux souhaits exprimés par les régions et aux engagements pris par le Gouvernement à leur égard.

Au total, vous l'aurez compris, c'est un avis positif que je vous propose sur ce projet de loi qui poursuit trois objectifs : créer juridiquement la Banque publique d'investissement ; préciser ses missions ; organiser sa gouvernance, tant au niveau national que régional. L'Assemblée nationale l'a complété de façon utile, en rendant notamment prioritaire sa mission en faveur du financement de la transition écologique et en renforçant le contrôle du Parlement à son égard.

La BPI doit être la banque de la croissance française. Elle devra être gérée dans un souci d'exemplarité. Je souhaite qu'elle puisse être mise en place et en ordre de fonctionnement le plus rapidement possible, dès les premiers mois de 2013. Notre commission devra y veiller.

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