Intervention de Roland du Luart

Réunion du 10 décembre 2012 à 14h30
Création de la banque publique d'investissement – nomination des dirigeants de bpi-groupe — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Roland du LuartRoland du Luart :

Mais, comme toujours, en France, nous allons plus loin que les normes européennes. Résultat : nous asséchons nos possibilités !

Pour lutter contre les problèmes de financement et les manques de fonds propres, la BPI pourra mettre en œuvre une logique proche de celle de l’investisseur souverain, capable d’entrer au capital de grandes entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française en vue de stabiliser leur actionnariat.

La nouvelle stratégie de la BPI s’appuiera sur deux priorités nationales pour la croissance et la compétitivité : le soutien à l’innovation et l’accompagnement des entreprises à l’international. Grâce à l’ensemble de ses outils de financement et d’investissement, la BPI soutiendra les stratégies nationales de développement de filières.

La BPI offrira un ensemble de services au travers de guichets uniques régionaux d’un même réseau de distribution, au plus près des entreprises.

Par ailleurs, la BPI développera une offre de services et d’accompagnement des entreprises dans leurs projets de développement.

La gouvernance nationale et régionale de la BPI incarne un nouveau partenariat entre l’État, la Caisse des dépôts et consignations et les régions. Les régions et la BPI créeront ainsi ensemble des plateformes communes d’accueil des entreprises pour leurs besoins de financement en matière de prêts, de garanties et de fonds propres.

Selon le Gouvernement et sa majorité, un trop grand nombre d’acteurs institutionnels seraient compétents pour prendre en charge les besoins de financement des entreprises : OSEO, l’État, la Caisse des dépôts et des consignations, le Fonds stratégique d’investissement et les régions, à travers leurs stratégies de développement économique. Cependant, les données macroéconomiques dont nous disposons, notamment celles qui figurent dans l’étude d’impact, montrent que le problème est plus d’ordre qualitatif que quantitatif.

Il est en effet naïf, mes chers collègues, de croire que le dispositif actuel conduirait l’économie française à perdre 5 points de croissance des investissements, surtout que le volume des interventions de l’État ne représente en moyenne guère plus de 5 % des marchés de produits financiers auxquels il prend part, sauf pour les crédits-bails immobiliers, où OSEO représente 8 % du total de ces crédits.

Une question se pose donc sur le dispositif français : la multiplicité des acteurs est-elle de nature à aider nos entreprises, cette division du travail permettant une distinction des rôles, une réelle expertise des acteurs institutionnels et donc une aide adaptée à chaque entreprise ? Ou alors peut-on considérer qu’elle limite les synergies, empêche le partage des connaissances entre créanciers et actionnaires éventuels, ce partage étant indispensable pour offrir l’aide la plus appropriée à nos entreprises ?

Le Gouvernement a pris le parti du rapprochement des acteurs institutionnels de l’aide au financement de l’entreprise. Si cette démarche peut être considérée comme positive sur le papier, elle ne change en réalité concrètement que peu de chose, et les ajustements proposés ne permettront pas le redressement productif que le Gouvernement appelle de ses vœux.

La question, mes chers collègues, est de savoir ce que la BPI apporte de plus que ce qui existe déjà : OSEO, qui a fait ses preuves pour l’activité de prêt, la CDC Entreprises, pour l’activité de financement en fonds propres, et la partie PME du FSI.

Le Syndicat national de la banque et du crédit, dans un communiqué, a déclaré le 17 septembre dernier qu’il s’inquiétait « de l’extrême précipitation avec laquelle le projet semble vouloir être mené. […] La création de la BPI ne peut en aucun cas se résumer à simplement agglomérer des compétences existantes, reconnues et qui fonctionnent bien [...], au risque d’aboutir à une nouvelle structure qui ne fonctionnera pas avec toute l’efficacité indispensable ».

Le projet du Gouvernement ne donne en effet aucune garantie ni sur la qualité des décisions qui seront prises pour soutenir les entreprises d’avenir et la croissance ni sur les moyens financiers mobilisés.

Sous couvert de rationalisation des outils existants, il ne faudrait pas aboutir à la création d’une entité moins efficace. À cet égard, je partage la crainte de M. Marini.

De plus, si le pilotage semble se simplifier, le nombre d’acteurs reste le même, et une certaine division du travail perdure entre les acteurs. En effet, le guichet unique régional ne comprendra que les services de la BPI, c’est-à-dire les anciens services d’OSEO. Le FSI Régions gardera ses antennes, comme Ubifrance et la COFACE.

En outre, des rapports conflictuels peuvent émerger entre la BPI, détenue pour moitié par la CDC, et ses filiales, en particulier OSEO. On peut penser que la CDC aura du mal à contrôler réellement une filiale dont les fonds propres seront aussi importants que les siens.

Ainsi, l’ensemble du spectre des besoins de financement de ces entreprises sera présent dans une même structure d’accueil. C’est bien là le seul point positif du projet de loi. Il faudra cependant veiller à ce que ce guichet ne cristallise pas l’ensemble des attentes des entrepreneurs, car d’autres structures continueront d’exister.

Par ailleurs, la gestion de ce dispositif risque de poser problème, dans la mesure où un rôle démesuré est accordé aux exécutifs et aux élus régionaux. Ceux-ci vont en effet occuper deux des quinze sièges du conseil d’administration de la BPI, participer aux comités régionaux d’orientation chargés de formuler un avis sur l’exercice des missions de la BPI à l’échelon régional et, surtout, participer au comité national d’orientation de la BPI, lequel sera dirigé par un président de région.

Nous savons que Bercy avait imaginé au départ un système centralisé, mais, suite à un lobbying intense, le président de l’Association des régions de France a obtenu l’arbitrage de Matignon en faveur d’un projet régionaliste.

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