En première lecture, le 9 octobre dernier, le Sénat avait adopté cet amendement, après un débat animé. Je souhaite prendre ici le temps d’expliquer en quoi la question soulevée est essentielle et pourquoi la réponse apportée est, à ce stade, prématurée.
Tout d’abord, la mission commune d’information portant sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique, présidée par Chantal Jouanno et dont Bernard Cazeau était le rapporteur, a clairement montré, dans son rapport, combien l’encadrement du secteur des dispositifs médicaux était inadapté et qu’il était nécessaire, pour reprendre les termes du rapport, de « créer les conditions d’une véritable sécurité ».
Renforcer le contrôle des dispositifs médicaux à toutes les étapes et instituer une véritable surveillance, telles sont les propositions du rapport, que j’approuve.
D’ailleurs, sur l’initiative du groupe écologiste, l’article 4 de la proposition de loi prévoit que le Gouvernement présentera au Parlement, dans un délai d’un an, un rapport relatif aux perturbateurs endocriniens qui précisera, notamment, les conséquences sanitaires et environnementales de leur présence dans les dispositifs médicaux. Ce n’est qu’à partir de cet état des lieux que nous pourrons légiférer en toute connaissance de cause.
Pourquoi la réponse proposée dans l’amendement est-elle aujourd’hui inadaptée ?
Tout d’abord, le champ de cet amendement est beaucoup trop large, et ce sous deux aspects.
Ensuite, la logique ne peut pas être la même s’agissant d’un dispositif susceptible de sauver la vie d’une personne ou d’un simple conditionnement alimentaire.
L’amendement n° 7 vise tous les dispositifs médicaux destinés aux femmes enceintes ou allaitantes ainsi qu’aux nourrissons ou aux enfants de moins de trois ans et comportant une substance CMR ou un perturbateur endocrinien.
D’abord, nul n’est capable de dire – c’est d’ailleurs un problème ! – combien de dispositifs sont concernés, et lesquels.
En outre, il serait très difficile pour un hôpital de distinguer, dans ses achats, les dispositifs destinés aux services de pédiatrie ou de néonatologie. Donc, en pratique, tous les dispositifs médicaux seraient concernés.
Ensuite, les substances visées sont, elles aussi, très nombreuses : le rapport de l’Assemblée nationale fait état de quatre cents, mais le nombre réel est largement plus élevé. J’ai voulu consulter hier la liste des substances CMR visées, mais j’y ai renoncé : ce sont au moins 6 000 substances qui sont répertoriées dans plus de mille pages du Journal officiel de l’Union européenne ! Sans compter les perturbateurs endocriniens, également visés par l’amendement…
Qui plus est, par la formulation retenue dans l’amendement, pourraient être concernés les dispositifs électroniques, par exemple, dont l’un des composants internes contient l’une de ces substances, même si ce composant ne peut en aucun cas entrer en contact avec le patient. C’est le cas, par exemple, du lithium. Les dispositifs médicaux ne pourraient donc plus utiliser de batteries comportant du lithium. En outre, le lithium est employé dans de nombreuses applications médicales, y compris dans des médicaments. Devons-nous également les interdire ?
Enfin, comme je l’ai souligné en première lecture, ainsi que, mardi dernier, en commission, l’autorisation d’un médicament ou d’un dispositif médical doit obligatoirement répondre à la question du rapport entre le bénéfice qu’il apporte au patient et le risque qu’il lui fait encourir.
S’il est toujours possible de se passer d’un jouet ou d’un conditionnement alimentaire, il n’en est pas de même d’un traitement médical, qui par définition présente toujours des risques : il est nécessaire de les évaluer pour estimer s’ils sont inférieurs aux bénéfices attendus pour le patient.
C’est pourquoi je souhaite le retrait de cet amendement, dont l’adoption serait source des risques importants en termes de santé publique, alors même que ses auteurs entendent précisément appliquer le principe de précaution.