Intervention de Michèle Delaunay

Réunion du 12 décembre 2012 à 14h30
Cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Michèle Delaunay :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est, vous le savez, très attaché à la préservation du niveau de vie des retraités dans leur ensemble et, parmi eux, à celui des bénéficiaires du « minimum vieillesse ». C’est également l’objectif de votre proposition de loi, dont je ne peux que saluer l’intention.

Le minimum vieillesse, appelé depuis 2006 « allocation de solidarité aux personnes âgées », ou ASPA, permet de garantir un niveau de ressources minimum aux personnes âgées : 777, 16 euros pour une personne seule et 1 206, 59 euros pour un couple, au 1er avril 2012. Il s’agit d’une allocation différentielle qui complète les revenus des bénéficiaires, afin de les porter à ce niveau. Aujourd’hui, 573 000 de nos concitoyens perçoivent ce minimum vieillesse.

Le dispositif que vous proposez de mettre en place, madame Debré, permettrait aux bénéficiaires de ce minimum social qui le souhaitent d’augmenter le niveau de leurs ressources en travaillant et, donc, en percevant, parallèlement à leur allocation, des revenus d’activité sans que ces derniers entraînent, comme actuellement, une diminution du montant d’ASPA alloué.

Certes, le cumul emploi-retraite a été libéralisé par l’ancienne majorité, de sorte que, sous certaines conditions – taux plein notamment – les pensionnés peuvent cumuler entièrement pensions et revenus du travail.

Il est vrai également que le législateur a souhaité, à partir de 1998, mettre en place des mécanismes d’intéressement pour d’autres minima sociaux. Les allocataires du revenu de solidarité active, le RSA, bénéficient ainsi déjà de cette possibilité. La mise en place d’un mécanisme d’incitation financière à la reprise d’une activité professionnelle apparaît en effet primordiale pour eux, en vue de faciliter leur intégration à long terme sur le marché de l’emploi.

Cela étant, la question de l’extension de ce dispositif aux bénéficiaires du minimum vieillesse ne se pose-t-elle pas dans des termes un peu différents, compte tenu du public auquel s’adresse ce minimum vieillesse, constitué de pensionnés âgés de plus de 65 ans ? L’âge moyen des allocataires du minimum vieillesse s’élevait, en 2011, à 74, 7 ans.

Je rappelle aussi qu’un cumul complètement libéralisé avec l’ASPA poserait question : l’ASPA est, d’abord, un minimum social, versé au titre de la solidarité nationale. A-t-il encore vocation à être versé alors même que les ressources du bénéficiaire dépassent largement le seuil fixé pour en bénéficier ? C’est, d’abord, une allocation qui, par sa nature même, s’adresse à des personnes privées de ressources ou dont les ressources sont très modestes.

Par ailleurs, nous ne disposons pas, à ce stade, de données permettant de mesurer l’impact de cette mesure. Combien d’assurés y auraient recours ? Dans quels secteurs d’activité et pour quelle durée ? La seule indication disponible concerne le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse au régime général qui perçoivent un salaire : 1 % à ce jour. Au vu de l’âge du public concerné, il est permis de penser que ce nouveau droit serait utilisé de façon marginale.

La question que vous soulevez, madame la sénatrice, mérite donc, c’est certain, d’être étudiée de manière approfondie. Mais elle doit s’inscrire dans une réflexion plus large. Une réforme isolée, opérée dans l’urgence et sans réelle visibilité sur ce point, n’est sans doute pas indispensable. Vous le savez, l’IGAS a remis récemment un rapport sur le cumul emploi-retraite. Ce rapport souligne d’ailleurs la nécessité de certains ajustements concernant ce cumul et envisage des pistes d’évolution.

Je ne crois pas que l’on puisse ainsi proposer un cumul spécifique sans réfléchir à l’ensemble du dispositif, à la lumière du rapport que j’évoquais, mais aussi des travaux que conduit actuellement le COR dans le cadre de la feuille de route issue de la Grande Conférence sociale.

La concertation sur les retraites prévue en 2013 me semble être la meilleure occasion de le faire. Elle nous permettra de conforter l’objectif de solidarité entre les générations, d’articuler de façon cohérente les dispositifs entre eux et de renforcer le cœur de notre système de retraite par répartition, auquel le Gouvernement est, comme tous les Français, très attaché.

Par ailleurs, sur un plan plus technique, la mesure que vous proposez ne nécessite pas de passer par la loi. Une modification par décret de la base ressources du minimum vieillesse pourrait en effet permettre d’atteindre cet objectif. Ce choix, plus simple à mettre en œuvre, serait en outre cohérent avec la logique de détermination, par le pouvoir réglementaire, de la base ressources de l’ASPA.

Enfin, l’application aux bénéficiaires des anciennes allocations composant le minimum vieillesse de ce dispositif d’intéressement ne nécessite aucune disposition spécifique : ces allocataires pourraient en effet, à tout moment, s’ils le souhaitent, basculer dans le dispositif de I’ASPA et, ainsi, en bénéficier.

Pour ces raisons, et compte tenu de la nécessité d’inclure la réflexion que vous conduisez dans le cadre plus large du rendez-vous 2013, je m’en remettrai, sur cette proposition de loi, à la sagesse du Sénat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion