Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2013 revêt un caractère particulièrement cocasse, et ce sera encore plus le cas tout à l’heure quand nous débattrons de la motion, déposée par le groupe socialiste, tendant à opposer la question préalable.
En effet, au moment même où nous débattons, l’Assemblée nationale examine en nouvelle lecture le projet de loi de finances rectificative pour 2012. Or ces deux textes sont en totale contradiction sur un grand nombre de points ! C’est du jamais vu...
Que s’est-il donc passé entre le dépôt de ces deux textes ? Un rapport ! Le rapport du commissaire général à l’investissement Louis Gallois, sur la compétitivité, qui a engendré une prise de conscience bien tardive, laquelle a elle-même généré un virage économique et fiscal, un virage encore timide, mais suffisant pour expliquer nombre de contradictions.
Le rapport Gallois constitue donc un tournant, dont nous pouvons nous féliciter, même s’il demeure inachevé, tournant qui permet d’appréhender la fiscalité davantage sous le prisme de la compétitivité des entreprises. Ce virage n’est pas sans rappeler celui de 1983, quand le gouvernement socialiste de l’époque était revenu sur les engagements de 1981.
Ce tournant pose néanmoins le problème de la caducité du projet de loi de finances pour 2013, une caducité résultant à la fois du changement de cap, mais également de l’insincérité du texte, dans la mesure où il repose sur des hypothèses macroéconomiques surévaluées.
Sur l’aspect contradictoire des deux textes, le projet de budget pour 2013 prévoit 10 milliards d’euros de taxation des entreprises, qui font suite aux 4 milliards d’euros du collectif de juillet et aux 2 milliards d’euros du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Dans le collectif de fin d’année examiné concomitamment, c’est au contraire un crédit d’impôt de 20 milliards d’euros pour les entreprises qui est proposé : le fameux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou CICE.
Très concrètement, avec une montée en charge progressive, le CICE permettra de réduire la charge fiscale des entreprises de 10 milliards d’euros au titre de 2013, une baisse qui sera complètement annihilée par la hausse de la taxation, à hauteur de 10 milliards également !
Quelle est donc la logique de tout ça ? Comment s’y retrouver quand on est chef d’entreprise ? Quelle décision d’investissement prendre quand on souffle à la fois le chaud et le froid ?
De la même manière, il n’a été proposé aucune hausse de TVA dans le projet de loi de finances, élaboré à Bercy à un moment où, au mois de septembre, le Premier ministre affirmait encore qu’il n’y aurait aucune hausse de TVA durant le quinquennat. Souvenez-vous, madame la ministre – vous étiez alors rapporteur général de la commission des finances du Sénat –, le groupe socialiste s’était écrié lorsqu’une hausse de TVA avait été proposée par le précédent gouvernement.
Pourtant, la hausse des taux de TVA est mise en œuvre dans le collectif budgétaire pour 2012, a contrario des promesses de François Hollande et de son Premier ministre.
Que dire également, pour citer un autre exemple, de la volonté affichée dans le projet de loi de finances que nous examinons en nouvelle lecture aujourd’hui de provoquer un choc de l’offre immobilière – ce sont les termes qui ont été employés –, via un abattement exceptionnel de 20 % sur la taxation des plus-values de cession d’immeubles bâtis, quand, dans le même temps, en ce moment même à l’Assemblée nationale, les députés examinent en nouvelle lecture une surtaxe des plus-values immobilières, qui va, là encore, annihiler l’effet de la mesure ?
Du point de vue des hypothèses macroéconomiques, l’insincérité est également patente.
D’une part, les prévisions de recettes pourraient être moindres qu’escomptées, en raison de la réduction de l’assiette fiscale consécutive au matraquage fiscal du patrimoine et des entreprises.
Selon les conjoncturistes, nous sommes en effet à la limite de dépasser la fameuse courbe de Laffer, selon laquelle, passé un maximum, taxer encore davantage conduit à un effondrement des recettes fiscales.