Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la façon dont un État traite les étrangers qu’il accueille sur son sol en dit souvent long sur son ouverture au monde, sa tolérance vis-à-vis de l’autre et la confiance qu’il a dans ses institutions.
À cette aune, il faut bien constater que notre pays ne s’est pas illustré ces dernières années par son accueil et sa capacité d’intégration. Ce projet de loi est une première pierre pour mettre fin à la méfiance structurelle qui a guidé notre droit des étrangers depuis deux législatures.
Nous attendons maintenant que le Gouvernement nous propose une vraie réforme de notre législation, à la fois opérante et humaniste. Nous le répétons : si notre groupe, dans sa diversité, n’a jamais défendu l’idée d’ouvrir en grand et sans exigences nos frontières, il s’est toujours fermement prononcé pour une politique migratoire ouverte et tolérante.
À l’issue de la navette, je me félicite de la convergence entre nos deux assemblées. Les quelques dispositions qui restaient en discussion ne remettaient pas en question l’équilibre général du texte. Je me réjouis, en particulier, que nos collègues députés se soient rangés à la position du Sénat s’agissant de la durée maximale de retenue des étrangers.
Nos débats sur cette question avaient été riches et animés. Nous estimons que la solution finalement retenue d’une durée maximale de seize heures doit permettre aux services d’enquête de procéder aux vérifications nombreuses et complexes qui s’imposent. Un mécanisme en deux phases, ou plus court, aurait introduit une complexité préjudiciable à l’efficacité de leur action. Le dispositif adopté garantit, selon nous, que la situation de la personne concernée fera l’objet d’un examen approfondi et individualisé.
En outre, en tant que professionnel, je me félicite que l’Assemblée nationale ait encore renforcé les garanties des étrangers, en précisant bien qu’ils peuvent se faire assister par un avocat de façon effective, et non simplement bénéficier d’un entretien de trente minutes. Cet apport constitue une avancée importante.
Tout aussi importante est la disposition relative à la situation des enfants accompagnant, ou non, l’un ou l’autre des parents interpellé et placé en retenue. Dans les deux cas, la personne retenue doit être à même de prendre tout contact utile afin d’assurer, le cas échéant, la prise en charge de ses enfants.
La commission mixte paritaire, de son côté, a également bien travaillé. Les convergences de vues entre ses deux rapporteurs ont permis de consolider le texte et de produire un dispositif général équilibré qui satisfait la nécessaire protection de l’ordre public et la non moins nécessaire garantie des droits des étrangers.
Je note en particulier, à l’article 5, que le dispositif supprimant le délit de séjour irrégulier respecte parfaitement les prescriptions de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation, cessant ainsi de nous placer en situation de manquement à nos engagements internationaux.
J’ajouterai un mot sur la clarification du délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers.
L’immunité juridictionnelle telle qu’elle s’inscrit dans ce projet de loi est à la fois solidifiée et étendue. Elle visera désormais les ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l’étranger. En outre, elle protégera les personnes apportant une aide humanitaire aux étrangers en situation irrégulière, leur permettant d’intervenir au-delà des seuls cas d’urgence.
L’Assemblée nationale a validé l’économie de ce texte, tout en l’enrichissant. Le rapporteur a en effet opté pour une énumération non limitative des actes tombant sous le coup de l’immunité, afin que soient clairement identifiées les actions de type humanitaire et désintéressé concernées.
Nous souscrivons à ces modifications, qui laissent ouvert le champ de l’immunité à toute action désintéressée tendant à sauvegarder la dignité de la personne, une cause qui vaut plus que toutes les autres, même si, bien sûr, encore une fois, l’assistance humanitaire ne doit pas se transformer en soutien actif à la clandestinité, notamment au travers de réseaux criminels et mafieux.
C’est en conséquence avec conviction et le sentiment d’œuvrer pour une République plus ouverte, mais aussi plus efficace et plus responsable, que le groupe RDSE dans son ensemble, votera ce texte.