C’est certain, mais il n’est pas sans poser de questions.
Ainsi le délit de séjour irrégulier est-il abrogé : plus de prison pour les personnes dont la seule faute est d’être sur le territoire « sans papiers » !
C’est une bonne chose, mais il convient de souligner qu’il s’agit là simplement de la mise en conformité de la législation française avec le droit européen.
En décembre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne déclarait en effet qu’enfermer un étranger était par principe incompatible avec son éloignement, la sanction pénale ne pouvant intervenir qu’à titre subsidiaire, lorsqu’il avait été fait usage, sans succès, des procédures d’éloignement.
Reste que, si être « sans papiers » n’est plus un délit, le texte de la commission mixte paritaire un instaure un nouveau – conforme au droit européen, cette fois – et maintient les dispositions existantes.
En effet, l’article 6 prévoit de pénaliser le fait pour un étranger de se trouver sur le territoire alors que les autorités administratives ont tout mis en œuvre pour l’exécution de la mesure d’éloignement dont il fait l’objet. Ce nouveau délit est passible d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 euros.
De surcroît, sont maintenus en l’état le délit d’entrée irrégulière, passible, lui, d’an d’emprisonnement, de 3 750 euros d’amende et d’une interdiction du territoire de trois ans maximum, ainsi que le délit de soustraction à une mesure d’éloignement, puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de dix ans d’interdiction du territoire.
Les peines sont lourdes, l’emprisonnement des migrants est toujours possible, mais sur d’autres chefs, et la double peine, qui, comme chacun le sait, n’a jamais été abolie, est toujours d’actualité.
Retenons que l’abrogation du délit de séjour irrégulier, si imparfaite soit-elle, revêt une valeur symbolique importante puisque les « sans papiers » ne sont plus assimilés à des délinquants, tout en espérant une réforme plus profonde ainsi que l’abolition de la double peine.
Mais revenons au texte, monsieur le ministre, et en particulier à son article 2, qui pose problème aux écologistes.
Cet article met en place une procédure autorisant la rétention d’un étranger pendant une durée pouvant aller jusqu’à seize heures pour vérifier sa situation au regard du droit au séjour et, le cas échéant, de prendre une mesure d’éloignement à son encontre.
La gauche, je vous le rappelle, s’était opposée, dans un passé encore très récent, aux réformes liberticides des précédents ministres de l’intérieur en matière de droits des étrangers. Nous ne pouvons donc souscrire à la création d’un régime d’exception de privation de liberté, non plus qu’accepter aujourd'hui, sous un gouvernement de gauche, une procédure dérogatoire au droit commun qui favorise l’enfermement et l’éloignement des étrangers.
Le dispositif de vérification d’identité, applicable à tous, devrait suffire.
Nous ne pouvons donc souscrire à une telle procédure et attendons avec impatience une réforme du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la hauteur de nos convictions.
Dans ce texte, est également en question une disposition dénoncée depuis longtemps par le monde associatif, le délit de solidarité. M. Valls aurait peut-être pu abroger tout simplement ce délit ! Le Gouvernement aurait pu suivre les recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et inverser la logique du dispositif pour que l’immunité soit le principe et l’infraction, l’exception.
Il a choisi d’étendre le champ des immunités, en interdisant les poursuites pour certaines catégories de personnes.
Nous nous réjouissons de cette avancée et nous souscrivons sans réserve à cet article, mais nous espérons, monsieur le ministre, que le Gouvernement ira encore plus loin et qu’il agira pour que la solidarité ne soit plus jamais assimilée à de la délinquance.
Nous, femmes et hommes politiques de gauche, avons le devoir de redonner tout son sens à l’un des fondements, tellement malmené ces dernières années, de notre société : la fraternité.
Les écologistes considèrent donc que la rédaction retenue par la commission mixte paritaire, malgré des avancées notables, contient encore trop de mesures d’exception, uniquement destinées aux étrangers, mesures auxquelles ils se sont toujours opposés. Aussi notre groupe s’abstiendra-t-il sur ce texte.