Intervention de Delphine Bataille

Réunion du 16 janvier 2013 à 15h00
Élection des conseillers départementaux des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modification du calendrier électoral — Suite de la discussion d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Delphine BatailleDelphine Bataille :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la création du département visait à homogénéiser le découpage du territoire en conservant une administration locale. Il devait être possible de se rendre au chef-lieu en une journée de cheval depuis n’importe quel point du territoire départemental.

Deux siècles et bien des évolutions plus tard, on peut se réjouir que les dispositions relatives à l’élection des conseillers départementaux présentées dans ce projet de loi restent fidèles à l’esprit de la décentralisation, respectent la richesse de chacun des territoires de la République et soient le fruit d’une meilleure concertation avec les élus.

Toutefois, il s’agit d’un changement fondamental et certains aspects du contenu de ce texte suscitent de multiples inquiétudes, pour les élus locaux comme pour un grand nombre de citoyens.

La création d’un binôme paritaire dans le cadre d’un mode de scrutin majoritaire à deux tours apparaît comme une bonne solution, compte tenu du fait qu’elle permet de maintenir l’ancrage local d’un élu en même temps qu’elle favorise la parité.

En réalité, cette solution est sûrement la moins mauvaise, dans la mesure où elle permet d’éviter le recours à un scrutin proportionnel qui ignore la relation de proximité et aurait par conséquent fait l’objet d’un rejet très fortement majoritaire.

En ce qui concerne le nombre des cantons, une grille de lecture mise en œuvre à l’échelle nationale et prenant en compte la densité démographique des territoires selon leur caractère, urbain, périurbain, rural ou de montagne, aurait permis une répartition des cantons plus équilibrée, plus adaptée et plus équitable entre départements.

Aujourd’hui, le choix de diviser le nombre des cantons par deux dans chaque département est une mesure de simplification et de modernisation, mais les critères retenus créeront des disparités importantes et ne tiennent pas compte de la réalité des territoires.

Les inégalités patentes qui existent déjà entre les départements, mais aussi dans la représentation des territoires au sein d’une même assemblée départementale, risquent d’être aggravées par la mise en œuvre de critères qui ne laissent, en l’état, quasiment aucune marge de manœuvre.

Dans les zones à caractère rural, ce choix aura des conséquences néfastes qui risquent, à terme, de déboucher sur la disparition du lien privilégié existant entre un citoyen et son représentant élu.

Ainsi, le poids démographique des cantons pourrait, d’un département à un autre, varier de 6 000 à 50 000 habitants, pour des territoires qui ont parfois les mêmes particularités géographiques.

À titre d’exemple, les départements du Nord et du Pas-de-Calais ont respectivement soixante-dix-neuf et soixante-dix-sept conseillers généraux, soit quasiment le même nombre, alors que le Nord compte 2, 6 millions d’habitants, contre 1, 5 million pour le Pas-de-Calais.

Ces deux départements voisins partagent pourtant des territoires ayant une physionomie et une histoire communes, par exemple des bassins miniers et industriels ou des zones de campagne extrêmement étendues constituées de petites et très petites communes.

Le sud du département du Nord constitue un territoire rural de tradition ouvrière forte, où sont nécessaires une relation de proximité entre élus et habitants et, surtout, des réponses ciblées, aujourd’hui essentiellement apportées par les politiques publiques de solidarité et d’aménagement du territoire mises en œuvre par le département.

Selon les nouvelles modalités de découpage, ce territoire d’environ 500 000 habitants, qui représente presque la moitié de la superficie départementale et regroupe près de la moitié des communes du Nord, ne compterait plus que sept cantons, contre quarante et un actuellement.

Si la nécessité d’un rééquilibrage au profit des zones urbaines est une évidence, il reste que les citoyens des zones rurales, qui souffrent déjà d’une inégalité pour l’accès aux services publics et en termes de mobilité et de moyens de déplacement, seront encore plus éloignés qu’aujourd’hui de leurs élus départementaux. §

Il s’agira, pour ces élus, de couvrir des distances devenues considérables, en empruntant des voies de communication parfois loin d’être optimales. Alors qu’il suffira d’un court trajet en métro pour traverser certains cantons dont le territoire recouvre une partie de celui d’une métropole, il faudra plus d’une heure pour en parcourir d’autres d’une superficie énorme, constitués d’une cinquantaine de communes ou plus.

La proximité participe de la prise en compte, dans un souci d’équité, au-delà du seul critère démographique, de ces réalités territoriales et humaines.

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