Le respect de notre assemblée, comme de l’Assemblée nationale, exigerait de nous accorder des délais de réflexion un peu plus longs pour nous permettre d’examiner les textes en profondeur.
La deuxième raison d’adopter cette motion est inspirée par un souci de cohérence.
Hier soir, notre collègue François Zocchetto vous reprochait d’avoir mis la charrue devant les bœufs. En effet, un mode de scrutin n’est pas une fin en soi, vous en conviendrez. C’est une modalité qui doit servir la mission assignée à la collectivité pour laquelle le scrutin est prévu.
Je m’explique : nous sommes nombreux sur l’ensemble de ces travées à considérer que le département offre une garantie à la ruralité, parce qu’il permet d’articuler, grâce à sa taille, l’échelle de la proximité – avec l’efficacité qu’on lui reconnaît dans le cadre des politiques sociales – et la projection dans l’avenir, pour les questions de désenclavement par exemple.
Tout le problème est là, car il existe un lien entre le mode de scrutin et les compétences d’une collectivité. On ne peut pas dire à la fois que l’une des forces du département est la défense de la ruralité et adopter un mode de scrutin dont la conséquence sera un redécoupage qui écrasera la représentation de cette ruralité. Au-delà des clivages partisans, plusieurs orateurs l’ont déjà dit, mais je le répète avec force : pour des raisons qui ne sont pas uniquement juridiques, vous avez fait le choix de la règle arithmétique scrupuleuse, de la règle démographique, plutôt que de prendre en compte la territorialité, la proximité, ce qui fait les bassins de vie.
Reconnaissez qu’il y a parfois, en France, une conjonction entre des périmètres administratifs et des périmètres affectifs qui correspondent à des identités. Or, pour remédier à une discrimination et faire progresser la parité, vous créez une autre discrimination, territoriale cette fois. J’ai entendu notre excellent collègue Mézard invoquer l’idée de la fracture territoriale, que nous connaissons tous dans nos départements et à laquelle nous devons prêter attention. Un objectif, fût-il extrêmement louable, comme la parité, ne saurait être atteint au détriment d’autres objectifs tels que la représentation territoriale – pour des élections territoriales, c’est bien le moins ! – ou même la pluralité. En effet, lorsqu’un groupe politique gagnera un canton, il gagnera deux voix ; il y a donc deux poids, deux mesures !
De même, vous avez choisi un mode de scrutin majoritaire. Mais à quoi sert-il de choisir un tel mode de scrutin censé maintenir le lien entre l’élu et ses électeurs si, dans le même temps, en redécoupant la circonscription électorale, vous éloignez l’électeur de l’élu ? Il y a là une contradiction que vous devrez nous expliquer.
Mais je vois une objection encore plus grave à ce projet de loi. Pourquoi consacrer autant de temps à son examen quand on a le sentiment – c’est un président de conseil général qui vous le dit – que ce gouvernement, comme ceux qui l’ont précédé – je l’ai suffisamment dit ici, mes collègues de droite s’en souviennent –, programme la fin des départements.
Vous avez raison, monsieur le ministre, l’Assemblée des départements de France n’est pas restée silencieuse. Nous avons reçu la semaine dernière une lettre très courageuse de son président, Claudy Lebreton, qui tire le signal d’alarme et se fait le relais de « la colère des départements ruraux ».