Séance en hémicycle du 16 janvier 2013 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • canton
  • parité

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (projet n° 166 rectifié, texte de la commission n° 252, rapport n° 250) et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux (projet n° 165 rectifié, texte de la commission n° 251, rapport n° 250).

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Pierre Camani.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Camani

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les grandes lois de décentralisation des années quatre-vingt ont jeté les bases de notre démocratie locale, en conférant à la fois l’autonomie et une dimension politique et administrative à nos collectivités territoriales.

Les deux textes dont nous débattons aujourd’hui s’inscrivent dans cette lignée de réformes novatrices. Je m’attarderai particulièrement, dans mon propos, sur le cas du département, que la mise en œuvre de ces projets de loi modernisera incontestablement, en donnant à son assemblée une configuration entièrement nouvelle.

En opposition totale avec la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, qui contribuait à affaiblir les départements, en particulier par la création du conseiller territorial, la proposition qui nous est soumise inscrit les départements dans la modernité, en confortant leur dimension de collectivités de proximité.

Le département est, par nature et par les compétences qui lui sont dévolues, l’échelon des politiques de proximité, des politiques de solidarité sociale et territoriale. Cette dimension est réaffirmée par les textes que M. le ministre de l’intérieur nous a présentés : il nous est proposé de supprimer le conseiller territorial, d’instaurer un mode de scrutin novateur, permettant de conjuguer la proximité du scrutin majoritaire avec la nécessaire féminisation de l’assemblée départementale.

Le scrutin majoritaire permet de satisfaire à l’exigence de proximité entre citoyens et élus départementaux. Ce lien fort entre élu et territoire, spécifique au département, nous devons le maintenir.

Toutefois, cette exigence de proximité doit être conciliée avec le respect du principe de parité inscrit dans la Constitution, ardemment demandé par l’immense majorité de nos concitoyens.

Cela a déjà été dit, les assemblées départementales comptent au total seulement 13 % de femmes. Sur cent un départements, seuls cinq sont présidés par une femme. Les progrès, dans ce domaine, sont dérisoires d’une élection à l’autre. Ainsi, lors des élections cantonales de 2011, la proportion de femmes élues a augmenté de 0, 7 % par rapport à 2008, alors que le nombre de candidates était plus important que cette année-là.

Lors du débat sur l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, il y a treize ans de cela, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur, déclarait dans cette même enceinte : « La sous-représentation des femmes est un défi lancé à l’universalisme républicain. » Ce défi, nous tentons de le relever aujourd’hui en proposant ce mode de scrutin pour les élections départementales. Oui, bien sûr, comme vous tous, mes chers collègues, je souhaiterais que les évolutions interviennent d’elles-mêmes et que les femmes soient naturellement représentées à hauteur de leur importance dans le corps électoral. Cependant, pour amener ce rééquilibrage, le recours à la loi me paraît nécessaire.

L’instauration des candidatures en binômes, tant décriée par l’opposition, est une chance pour développer de nouvelles formes de coopération entre élus. Il n’est pas interdit d’innover, au contraire ! D’ailleurs, les conseillers régionaux défendent un même territoire et travaillent très bien ensemble. Avec ce nouveau système, nous gagnerons en efficacité et en audience auprès de nos concitoyens.

Mesure symbolique, le changement de dénomination des conseillers généraux permettra au citoyen d’établir un lien direct entre le conseiller départemental et les politiques départementales. La substitution d’un renouvellement intégral au renouvellement triennal contribuera aussi à cette meilleure lisibilité et permettra une plus grande efficacité des politiques publiques.

Le nouveau mode d’élection nécessitera un redécoupage des cantons. Nous sommes tous d’accord pour constater que, à l’heure actuelle, il existe d’énormes écarts de population entre cantons d’un même département. Je prendrai l’exemple d’un département que je connais bien, le Lot-et-Garonne : l’écart est aujourd’hui de un à dix entre le canton le plus peuplé et le canton le moins peuplé. La carte cantonale actuelle n’est pas satisfaisante au regard du principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage. Il est temps de mettre un terme à cette inégalité de représentation héritée de l’histoire.

En proposant de diviser par deux le nombre des cantons, le Gouvernement n’accorde pas une prime sans précédent à la représentation des agglomérations, au détriment des territoires ruraux, comme l’affirme l’opposition avec une mauvaise foi teintée d’amnésie. §

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Camani

Ceux qui se font aujourd’hui les chantres de la ruralité ont accepté hier que les 6 000 conseillers régionaux et généraux soient remplacés par 3 000 conseillers territoriaux siégeant à la fois à l’assemblée départementale et au conseil régional.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Camani

Dans mon département, le nombre de cantons, et donc d’élus, aurait été réduit de quarante à vingt-sept, au détriment de la proximité !

Or la proximité, nous le répétons tous, est une exigence de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Camani

Le présent texte réaffirme donc le rôle essentiel du conseiller départemental en tant que lien entre son territoire et l’action publique menée à l’échelle du département.

Le renouvellement de la représentation politique est un autre souhait de nos concitoyens. Je me félicite de ce qu’ils puissent en trouver un écho dans le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui.

Surtout, ce texte ouvre la voie au renouveau territorial que les élus locaux appellent de leurs vœux, un renouveau territorial fondé sur la confiance en l’intelligence de nos territoires, qui devrait trouver une forme concrète dans l’acte III de la décentralisation. §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mon éminent collègue Jean-Jacques Hyest l’a souligné hier soir, ce texte est une remise en cause profonde de la réforme que notre majorité a défendue il y a deux ans…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

… et qui tendait à favoriser l’intercommunalité, à départementaliser la vie politique et à régionaliser les politiques publiques.

Certes, vous avez conservé la première de ces idées –nous en avons déjà discuté à l’occasion de l’examen de différents textes –, mais vous avez choisi d’abandonner tout simplement les deux autres. Ce choix que vous avez fait, nous ne pouvons le partager.

Vous reprenez aujourd’hui à votre compte un point important du texte issu des travaux de notre majorité, l’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct, qui constitue, pour nous, une mesure phare de la réforme territoriale de 2010. Elle permettra de renforcer la légitimité des intercommunalités aux yeux de nos concitoyens. En effet, ces derniers participeront ainsi directement à la désignation de ceux des conseillers municipaux qui seront également délégués communautaires ; nous ne pouvons que nous en réjouir.

Il s’agit là d’un progrès considérable, auquel nous tenons, car il garantit la légitimité des conseils municipaux, des maires, et donc des communes, tout en renforçant le caractère démocratique du fonctionnement des EPCI, qui lèvent l’impôt mais, paradoxalement, ne sont pas, pour l’heure, concernés par le suffrage universel.

Le système du fléchage permet de répondre à cette exigence. Nous avions fait le même choix il y a deux ans, aux côtés du gouvernement de l’époque, alors que d’autres possibilités étaient alors également envisageables, mais nous ne souhaitions pas porter atteinte à la légitimité du maire, ce qui aurait été le cas si l’on avait retenu la désignation des conseillers communautaires par un scrutin autonome.

Avec le mode d’élection retenu, les citoyens vont s’approprier les débats communautaires. L’intercommunalité ne sera plus une structure éloignée, presque désincarnée, pour l’électeur.

Vous l’avez compris, ce sujet est fondamental. Pour mémoire, au 1er janvier 2012, on dénombrait 2 581 EPCI, rassemblant 59, 3 millions d’habitants et 35 303 communes.

Un autre sujet tout aussi important est celui des petites communes.

La question du seuil de population déterminant l’application du scrutin de liste divise, nous le savons, les maires de France : certains pensent que ce mode de scrutin doit concerner toutes les communes, d’autres estiment qu’il ne faut pas changer le système actuel.

Le scrutin de liste, qui s’applique actuellement aux communes de plus de 3 500 habitants, a des avantages : il permet de dégager une majorité cohérente et d’assurer la parité.

Un élément, toutefois, doit être pris en considération : plus on abaisse le seuil, plus il sera difficile de constituer au moins deux listes, voire une seule, car l’élaboration d’une liste complète et paritaire est complexe. Dans les petites communes, le risque est de faire perdre à nos concitoyens leur intérêt pour le scrutin municipal, qui est aujourd’hui leur scrutin préféré.

Néanmoins, j’en conviens, un seuil plus bas permettrait de diversifier la composition des conseils municipaux. Nous proposons donc de fixer le seuil à 2 000 habitants, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

… chiffre lisible pour les maires, puisqu’il s’agit du plafond de population retenu par l’INSEE pour définir les communes rurales.

L’égalité d’accès des hommes et des femmes aux fonctions électives est un objectif partagé par l’ensemble des partis politiques. Dans ce domaine, notre retard reste considérable par rapport à de nombreuses démocraties, malgré l’inscription dans la Constitution du principe de l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

Le juge constitutionnel a cependant rappelé que le principe n’avait « pas pour objet, et ne saurait avoir pour effet de priver le législateur de la faculté qu’il tient de l’article 34 de la Constitution de fixer le régime électoral des assemblées ». Aussi considère-t-il que le législateur doit conserver toute latitude dans le choix du mode de scrutin.

Cependant, mes chers collègues, nous étions loin d’imaginer que l’actuelle majorité allait nous proposer un mode de scrutin on ne peut plus baroque, inédit en droit électoral français ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Il rend les deux élus – le binôme de conseillers départementaux – solidaires devant le scrutin, avec toutes les conséquences associées à cette solidarité, mais, une fois élus, les deux conseillers deviendront indépendants l’un de l’autre. Cela n’existe nulle part ailleurs dans le monde !

Que de questionnements, que d’incertitudes ! Quel sera leur mode de fonctionnement sur le terrain, sachant qu’ils seront forcément en concurrence sur un même territoire…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Haut

C’est déjà le cas pour les sénateurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Ce territoire, parlons-en : il s’agira d’un canton surdimensionné, ce qui entraînera la rupture du lien de proximité entre l’élu et ses électeurs, tout particulièrement dans les zones faiblement peuplées.

Le redécoupage proposé, fondé sur une logique purement démographique, portera inéluctablement un coup dur à la cohérence territoriale et conduira à sacrifier la ruralité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il n’y aura plus de représentation du monde rural !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que notre débat permettra d’enrichir les textes qui vous sont soumis.

Je souhaite remercier de nouveau M. le rapporteur pour la qualité du travail qu’il a effectué, en lien avec le président de la commission des lois, M. Jean-Pierre Sueur.

Avant de répondre sur les différents points qui ont été évoqués au cours de cette discussion générale, je voudrais souligner la qualité des propos tenus par les hommes et les femmes d’expérience, les représentants des territoires que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, même quand ces propos n’allaient pas dans le sens du projet que j’ai eu l’honneur de présenter au nom du Gouvernement. Je veux remercier tout particulièrement M. Kaltenbach de l’appréciation positive qu’il a portée, au nom du groupe socialiste, sur le projet de loi.

Je voudrais, en préambule, revenir sur la préparation de ce texte, important pour nos institutions, comme l’ont rappelé nombre d’orateurs.

Jamais ce projet de loi n’aurait pu voir le jour sans un dialogue approfondi avec les représentants des collectivités territoriales et des formations politiques. Il m’apparaît important de souligner quelle a été la place de la concertation dans sa préparation. Je réfute très nettement toute accusation de précipitation et je tiens à rappeler, à cet égard, que j’ai rencontré les dirigeants des formations politiques représentées par un groupe parlementaire. Plusieurs d’entre vous ont d’ailleurs participé à ces rencontres, organisées place Beauvau. J’ai un souvenir précis des propos qui ont été tenus à cette occasion.

Il est vrai que, à cette période, le dialogue était plus difficile avec l’UMP, pour des raisons internes à cette formation.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

… ne fût-ce que pour marquer des désaccords. Eux-mêmes ont parlé avec le Président de la République.

J’ai également rencontré les représentants de plusieurs associations d’élus : l’Association des maires de France, l’AMF, l’Assemblée des départements de France, l’ADF, et l’Assemblée des communautés de France, l’AdCF. Au cours de ces entretiens, j’ai pu constater un réel soutien aux principales dispositions que contient ce texte.

Monsieur Mézard, vous avez évoqué un « silence assourdissant de l’ADF ». Je me permets de vous renvoyer au texte qu’elle a adopté le 9 janvier 2013 et publié, par lequel le bureau de l’ADF reconnaît au mode de scrutin binominal à deux tours une « totale efficacité concernant l’égalité des femmes et des hommes, sans pour autant rompre le lien indispensable entre les élus et leurs territoires ». Je rappelle également les déclarations du président de l’Assemblée des communautés de France, qui s’est félicité de la confirmation du principe de l’élection directe des conseillers intercommunaux, dans le cadre du scrutin municipal.

Le présent projet de loi a aussi été rédigé à la lumière de ces échanges, souvent très riches.

Je souhaiterais maintenant revenir sur les principaux points de la réforme qui ont été évoqués.

Tout d’abord, en ce qui concerne le scrutin binominal majoritaire prévu par le projet de loi, sur lequel se sont notamment exprimés MM. Hyest, Mézard et Adnot, je rappelle que ce mode de scrutin, incontestablement novateur, avait été proposé dès 2010, comme le rappelait Mme Bourzai, par Michèle André, alors présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat, dans son rapport au titre si éloquent : « Il faut sauver la parité. »

Ce mode de scrutin répond très clairement à deux exigences majeures : le renforcement de la parité et la préservation de la proximité, à laquelle le Gouvernement est également attaché. C’est la condition d’un renforcement de la légitimité des conseillers départementaux, rétablis par ce gouvernement après la suppression des conseillers territoriaux. Ce seront toujours des élus de terrain appréciés des électeurs, et suffisamment représentatifs pour être en prise avec les enjeux contemporains.

La création du conseiller territorial mettait en difficulté à la fois la région et le département.

Protestations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Ce fait était reconnu par des élus de droite comme de gauche ! Elle rompait le lien direct avec les électeurs, étant donné la complexité du dispositif, et ne permettait pas d’assurer la parité.

Dès lors, quand on est pour la parité, pour le département, pour la proximité, on doit se féliciter de la capacité d’invention du Sénat et du Gouvernement sur ce sujet. §

Certains d’entre vous prônent le maintien du scrutin majoritaire uninominal. Le Gouvernement ne peut se satisfaire de ce statu quo trop défavorable à la parité, comme l’a souligné Mme Gonthier-Maurin dans son rapport.

Vous venez d’affirmer, madame Troendle, qu’il était inacceptable, même scandaleux, que les conseils généraux ne comptent en moyenne que 13, 5 % de femmes et qu’il faut donc aller plus loin. Or nous constatons que, en l’absence de règles précises, comme il en existe pour le scrutin de liste que nous vous proposons d’instaurer, la cause des femmes n’avance pas. S’agissant des élections législatives, bien que des pénalités financières très importantes soient prévues, on observe que la parité progresse d’un côté, mais pas de l’autre…

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

La dimension binominale du mode de scrutin proposé par le Gouvernement permettra d’atteindre dès 2015 la parité dans les conseils départementaux. Quel chemin parcouru depuis la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ! Avec le présent projet de loi, c’est la parité, objectif à valeur constitutionnelle, qui pourra être atteinte dans la quasi-totalité des assemblées locales.

Notre pays est ainsi fait que, dans bien des domaines de la société, nous avons souvent besoin de la loi et de la règle pour faire avancer un certain nombre de causes. C’est de cette manière que la parité pourra s’imposer partout.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Vous avez été nombreux à souligner la nécessité de la proximité entre élus départementaux et électeurs. C’est parce que cette proximité est indispensable que le Gouvernement a proposé un mode de scrutin qui préserve un lien fort entre les électeurs et leurs élus : un scrutin majoritaire par canton, le nombre des cantons devant rester légèrement supérieur à la moitié de ce qu’il est actuellement.

Monsieur Mézard, vous avez soulevé la question de la constitutionnalité du scrutin binominal majoritaire sur deux points. Je souhaite vous apporter les éléments de réflexion suivants.

D’abord, la représentativité peut bien entendu être partagée de manière binominale, au titre de la représentation d’un même territoire. Dans le cas contraire, les listes prévues dans le cadre de l’élection des conseils régionaux ne seraient pas constitutionnelles. Quant au principe de l’individualisation de l’égalité de représentation que vous évoquez, il n’y a pas été fait référence au Conseil d’État, où le rapporteur s’est penché de manière exhaustive sur les principes constitutionnels au respect desquels devrait veiller le Gouvernement lors de la rédaction de son projet de loi.

J’entends bien, également, les inquiétudes exprimées par plusieurs orateurs sur le redécoupage cantonal, et leur souhait qu’il soit réalisé par la voie législative. Mais l’article 34 de la Constitution, cité à plusieurs reprises, prévoit que la loi fixe les règles concernant le régime électoral des assemblées locales. C’est bien le sens de l’article 23 du présent projet de loi, que de fixer les règles, c’est-à-dire les dispositions de portée générale, concernant le redécoupage cantonal. Sur la base de ces règles, l’article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales prévoit, dans sa version actuellement en vigueur, que « les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d’État après consultation du conseil général ». Ces dispositions sont en conformité avec la volonté du pouvoir constituant, qui ne prévoit pas que les limites des cantons soient définies par la loi.

Toujours dans un souci de dialogue, je souhaiterais évoquer avec vous notre volonté commune que le redécoupage des cantons soit fait de façon équilibrée, en tenant compte de la démographie, mais aussi des territoires. C’est un vrai débat, qui n’est pas facile à aborder. La prise en compte de la démographie est indispensable, parce que c’est la règle qui découle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 8 janvier 2009, ce dernier a validé la conformité à la Constitution de la règle de l’écart de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne qu’avait prévue le législateur pour le redécoupage des circonscriptions législatives.

Dans l’avis spécialement demandé par le Gouvernement au Conseil d’État, la haute juridiction administrative a confirmé la prise en compte de cette règle de l’écart de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne des cantons dans un département.

Dans la mesure où le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État apprécieront les critères du redécoupage, puis leur mise en œuvre par le Gouvernement, il n’est pas possible, pour celui-ci, de ne pas se conformer à ces exigences dans le présent projet de loi. Des exceptions, selon des critères géographiques ou pour des motifs d’intérêt général – j’ai entendu des interventions très pertinentes, par exemple sur les cantons ruraux ou de montagne, et je sais que le rapporteur est particulièrement sensible à ce sujet –, pourront cependant être prévues, au cas par cas : nous avons tenu à le préciser à l’article 23 du projet de loi, et ce sera bien l’approche retenue dans le cadre du redécoupage cantonal, pour tenir compte des territoires et de leurs spécificités lorsque cela sera pertinent.

M. Adnot a indiqué que le redécoupage cantonal est nécessaire ; nous devrons le réaliser selon les critères les plus clairs. Si nous avions gardé le mode de scrutin actuel, qui ne permet pas d’assurer la parité et qui est ancien, il aurait fallu procéder à un redécoupage exactement selon les mêmes principes.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Les mêmes problèmes se seraient posés.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Ceux qui critiquent notre dispositif ne font pas de propositions alternatives, …

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Ump

Si !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

… en tout cas aucune qui respecte les règles démographiques et la parité. Je ne vois pas aujourd'hui, dans ce débat, de proposition autre qui permette à la fois de préserver la force du département, d’assurer la parité et de conserver la proximité !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Madame Bataille, vous avez évoqué ces questions, et souhaité que le Gouvernement avance dans la voie des exceptions démographiques et géographiques.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Au-delà de la règle des plus ou moins 20 %, nous devons travailler sur ces exceptions, si elles sont objectivement établies par la géographie. Naturellement, les élus, à n’importe quel échelon, représentent des citoyens avant de représenter des hectares, mais il faut néanmoins considérer l’étendue des cantons, le nombre de communes, la topographie. Il va falloir intégrer ces éléments dans la loi, pour permettre que le redécoupage, qui sera opéré en prenant l’avis des conseils généraux et dont le Conseil d’État sera saisi département par département, en tienne compte, à côté de la règle des plus ou moins 20 %. Le Gouvernement est particulièrement sensible et ouvert à cette question. Ceux qui sont favorables au dispositif que nous préconisons doivent savoir que nous allons intégrer les critères que vous avez évoqués, madame Bataille.

À cet égard, j’ai d’ailleurs particulièrement apprécié le talent de M. Nègre, notamment lorsqu’il a tenté de mettre en lumière de prétendues velléités « ruralicides » du Gouvernement. Je demande au maire de Cagnes-sur-Mer de transmettre nos salutations amicales à Éric Ciotti, élu du canton de Saint-Martin-Vésubie, qui comprend 1 473 habitants, alors que la population d’autres cantons des Alpes-Maritimes dépasse les 40 000 habitants. Cette situation et sa compétence exceptionnelle lui assurent une parfaite maîtrise du développement d’un département de plus de 1 million d’habitants…

Rires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Vous avez raison, il ne peut pas me répondre !

Ce devoir d’objectivité suppose un véritable dialogue préalable ; c’est le sens de la discussion qui se tient ici. À cet égard, je tiens à préciser au sénateur Mézard que ce n’est pas le Gouvernement qui a soulevé l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution de certains amendements ayant trait aux effectifs des conseils départementaux.

Le Gouvernement est à l’écoute des propositions formulées au sein du Sénat quant à la définition du seuil de population à partir duquel le scrutin de liste doit s’appliquer lors des élections municipales. Le projet de loi, je m’en suis expliqué hier, le fixe à 1 000 habitants ; c’est un point d’ancrage entre les différents projets évoqués qui est ainsi proposé.

MM. Adnot et Zocchetto ont évoqué la nécessité de relever quelque peu ce seuil par rapport au projet du Gouvernement, pour le porter à 1 500 habitants. Mme Assassi a au contraire préconisé de le ramener à 500 habitants. C’est aussi le souhait de M. Placé, qui nous manque ce soir. §

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Certes !

Ce sont deux options possibles. En revanche, le Gouvernement ne sera pas favorable à la fixation d’un seuil trop élevé, qui ne permettrait pas d’atteindre l’un des objectifs de la réforme, à savoir la progression de la parité au sein des conseils municipaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Encore la parité ! C’est une obsession, chez vous !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Vous avez raison, madame, la parité est une obsession pour nous.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

J’attendais cette remarque, de votre part !

Je note, monsieur Hyest, que vous aviez soutenu la proposition du gouvernement précédent, qui prévoyait également un seuil à 500 habitants. Or, aujourd’hui, vous estimez que retenir un seuil de 2 000 habitants serait « pertinent ». Permettez-moi de relever une certaine contradiction entre ces deux positions ! Cela étant, j’ai dit hier que le Gouvernement était ouvert sur cette question. Au-delà du principe, il faut étudier quelle est la solution la plus pertinente.

Ce projet de loi marque également une étape en matière de démocratisation de l’intercommunalité. Le Gouvernement souhaite permettre cette étape nouvelle dans l’approfondissement de la démocratie pour les intercommunalités. Peut-être l’intercommunalité sera-t-elle d’ailleurs plus tard amenée à évoluer davantage encore, bien évidemment, par le biais d’un mûrissement, de l’achèvement de la carte intercommunale, de la pratique. En tout état de cause, il faudra toujours veiller à préserver la commune, qui tient une place toute particulière dans notre pays.

Je voudrais ainsi apaiser les craintes de Mme Assassi : ce n’est pas une étape vers la disparition des communes. Il n’est nullement question de remettre en cause l’échelon communal, qui reste essentiel dans notre organisation territoriale. Là aussi, l’objectif est de rendre les intercommunalités plus lisibles pour nos concitoyens, étant donné l’importance des compétences qu’elles assument aujourd'hui et l’ampleur des budgets qu’elles gèrent.

Ces réformes rendront nécessaires des adaptations, dont votre commission des lois a déjà eu l’occasion de débattre. Dans les communes pour lesquelles s’appliquera le scrutin de liste, le dépôt de listes complètes devra être obligatoire.

À la lumière de ces enjeux, votre assemblée saura définir le seuil le plus pertinent pour relever le défi de la parité, tout en garantissant le meilleur exercice de la démocratie au sein de nos quelque 36 000 communes.

Je voudrais enfin revenir sur les modifications proposées du calendrier électoral. Je rappelle que la précédente majorité avait modifié ce calendrier pour mettre en place le conseiller territorial. Il est donc naturel, dès l’instant où l’on abroge les dispositions relatives au conseiller territorial, de revenir sur le calendrier électoral qui avait été prévu spécifiquement pour la mise en œuvre de ce dispositif.

Je souligne que c’est la précédente majorité qui a raccourci le mandat des conseillers régionaux et celui des conseillers généraux, par la loi du 16 février 2010 : de deux ans pour les conseillers régionaux et de trois ans pour les conseillers généraux. Les échéances normales étaient 2016 pour les élections régionales et 2017 pour la série cantonale.

En l’augmentant d’un an, nous vous proposons ainsi de rapprocher la durée des mandats des conseillers régionaux et généraux élus en 2010 et en 2011 de la durée classique de ces mandats. Reporter les élections cantonales et régionales, plutôt que les élections municipales, permet aussi de conserver la durée normale du mandat des conseillers municipaux élus en 2008. Nous n’avons pas souhaité modifier l’ordre des élections locales d’ici au prochain renouvellement de votre assemblée.

Parce qu’elle réduit la fréquence à laquelle nos concitoyens sont appelés à se prononcer, la concomitance des élections locales stimule, je le crois, la participation électorale. Les faits ont démontré que le couplage des élections régionales et des élections cantonales permet une plus forte mobilisation du corps électoral.

Monsieur Hyest, vous préconisez une autre forme de concomitance, en proposant d’organiser simultanément les élections régionales et les élections européennes. Pourquoi pas ? Je m’interroge cependant sur la cohérence d’un tel choix : quel lien établissez-vous entre les deux scrutins ? L’un est essentiellement local, l’autre est très politisé, nous le savons. Par ailleurs, les élections européennes comportent un seul tour, les élections municipales deux. L’intérêt des électeurs pour les scrutins régionaux et départementaux, lorsqu’ils sont organisés simultanément, ne tient pas au hasard : il reflète leur intérêt pour l’action de ces deux échelons locaux et pour leur articulation dans les meilleures conditions.

Vous avez, monsieur Hyest, formulé d’autres propositions, sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir au cours du débat et que le Gouvernement étudiera avec beaucoup d’intérêt.

Monsieur Alain Richard, vous nous avez une fois encore montré votre exceptionnelle connaissance des collectivités locales

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je remercie vivement M. Jean Boyer des mots particulièrement républicains qu’il a eus à mon égard. §Je veux lui dire très sincèrement combien le Gouvernement entend préserver un équilibre entre l’exigence démocratique et la préservation des territoires ruraux.

Monsieur Collombat, nous nous connaissons depuis bien longtemps ; j’ai cru déceler quelques contradictions dans vos propos. §Je vous ai connu comme un grand réformateur, mais vous n’êtes ni pour la proportionnelle, ni pour le scrutin binominal. Je n’imagine pas que vous puissiez être, vous, un partisan du statu quo, que vous ne vouliez pas, vous, prendre en compte la parité et l’équilibre des territoires. Si l’on ne veut pas de la proportionnelle, si l’on ne veut pas du statu quo, si l’on veut la parité, il faut avancer en soutenant une proposition innovante qui, je le répète une nouvelle fois, émane d’abord de votre assemblée.

Je remercie Ronan Dantec de son soutien et de celui de son groupe au projet de loi. Je crois qu’Yves Daudigny a pertinemment et précisément démontré comment le binôme peut fonctionner sans difficulté, comment deux élus peuvent faire bloc pour défendre leur canton et se répartir les responsabilités. Je note à cet égard que, dans toutes les régions de France, les conseillers régionaux, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, savent facilement se répartir les responsabilités dans les conseils d’administration des lycées et des établissements publics.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je vous rappelle d’ailleurs que, lors de la création du conseiller territorial, vous aviez même imaginé que le suppléant puisse assumer un certain nombre de responsabilités. Enfin, soyons sérieux !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Deux candidats du même camp politique qui forment un binôme…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Monsieur le sénateur, j’attends de voir une candidature commune UMP-PS… Cela étant, tout est possible !

Deux candidats issus du même territoire qui forment un binôme, disais-je, qui s’entendent, qui travaillent ensemble pendant la campagne œuvreront également ensemble après leur élection. §

Madame la sénatrice, vous parlez beaucoup de mariage, de PACS ; je vous invite à laisser de côté ce sujet pour revenir au débat sur les cantonales. Ceux qui seront élus travailleront ensemble, parce qu’ensemble ils auront fait campagne, défendu un projet et reçu mandat des électeurs pour le mettre en œuvre ! §

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

J’ai failli m’étonner que M. Philippe Bas manifeste une extrême exigence quant aux règles du redécoupage cantonal : elles sont exactement les mêmes que celles que le gouvernement précédent avait prévu d’utiliser pour le découpage des cantons d’élection des conseillers territoriaux ! J’ai vraiment trouvé surprenante sa suspicion à l’égard du Conseil d’État, qu’il connaît pourtant bien…

À cet égard, monsieur Pointereau, comment pouvez-vous parler de « tripatouillage », alors que le Gouvernement, après avoir demandé au Conseil d’État un avis sur les règles du redécoupage, a intégré ses recommandations dans le projet de loi et lui soumettra autant de décrets qu’il y a de départements concernés ?

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, au vu du travail de la commission présidée par M. Guéna sur le découpage des circonscriptions législatives, je vous suggère de réviser votre argumentaire concernant un prétendu tripatouillage !

Rires et applaudissements

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Au-delà des piques lancées de part et d’autre, je réaffirme que le Gouvernement est à l’écoute du Sénat. S’il a déposé en premier lieu le présent texte, qui concerne l’avenir des territoires, …

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

… sur le bureau de la Haute Assemblée, c’est par respect pour elle. Nous partageons la même volonté : celle de préserver le département, qui est au cœur de la République, cette proximité que vous avez tous évoquée, mesdames, messieurs les sénateurs, tout en modernisant le canton à travers le renforcement de la parité, dans le respect des évolutions démographiques.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. Fort de ces convictions et des propositions que je vous ai présentées, le Gouvernement restera, dans la bonne humeur, à votre écoute tout au long du débat !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...

La discussion générale commune est close.

Nous passons à la discussion des motions.

Nous allons examiner successivement les deux motions portant sur le projet de loi, puis la motion portant sur le projet de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi, par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 49.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (252, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Hugues Portelli, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe UMP, j’ai l’honneur d’opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

L’irrecevabilité constitutionnelle concerne trois dispositions essentielles du projet de loi soumis à notre examen.

La première de ces dispositions est relative au nouveau mode d’élection des conseillers départementaux. Celui-ci est caractérisé par l’invention des candidatures en binômes, justifiée par la volonté d’imposer la parité. Cette invention ne correspond à aucun des deux types de scrutins existant en France et dans les grands États démocratiques, à savoir le scrutin uninominal et le scrutin de liste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Sa mise en application aura pour première conséquence de créer un mode de représentation complètement baroque. Le couple de candidats sera paritaire jusque dans ses suppléants. Pourtant, en cas de démission d’un suppléant devenu titulaire, le siège restera vacant jusqu’à la fin du mandat, qui dure six ans. Les deux élus seront solidaires, y compris financièrement, durant la campagne, mais indépendants après. Ils pourront même faire des choix politiques divergents, le candidat à deux têtes devenant alors schizophrène, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… ce qui pose la question de la sincérité d’un tel scrutin et, par conséquent, de sa constitutionnalité.

Si le Gouvernement tient à la parité, dont je rappelle que, dans la Constitution, il s’agit d’un objectif et non d’une obligation de résultat, rien ne l’empêchait de proposer de retenir le seul scrutin qui permette de la garantir, à savoir le scrutin de liste, proportionnel ou majoritaire fléché par canton.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Mais le Gouvernement a préféré proposer un système dont je ne connais qu’une application, au Chili, pour les élections législatives, sachant que, en l’espèce, il s’agit de permettre à l’électeur de choisir, en dehors de toute règle de parité, l’un des deux candidats proposés par une coalition de partis. Ce dispositif a été mis en place au lendemain de la chute du dictateur Pinochet. Les socialistes ayant fait alliance avec les démocrates-chrétiens, dans chaque circonscription étaient présentées des listes comportant deux noms, l’électeur choisissant un seul candidat.

Autre conséquence de l’instauration de la règle du binôme, le projet de loi réduit le nombre de cantons par département, celui-ci étant divisé par deux aux termes de l’article 3.

Cette réduction se fera automatiquement au détriment des territoires ruraux, dont les cantons couvriront une superficie démesurée et un nombre élevé de communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Selon les calculs effectués, elle pourra même aboutir à la création de cantons de 60 000 habitants. L’urbanisation de la représentation départementale se trouvera donc généralisée.

N’oublions pas que le canton est une circonscription électorale et administrative de proximité. Or tel ne sera plus le cas ! Quelle sera la différence entre les « maxi-cantons » et les grandes intercommunalités créées à la suite de la réforme territoriale, en dehors du mode de représentation ?

Par ailleurs, je le rappelle, aux termes de l’article 24 de la Constitution, le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Il est l’émanation des collectivités par le vote des représentants de celles-ci. Or, en affaiblissant la représentation des territoires ruraux au sein du conseil départemental, le projet de loi affecte également leur représentation au sein du Sénat et porte atteinte à l’article 24 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Pour ces différents motifs, le projet de loi nous paraît contraire à plusieurs impératifs d’intérêt général reconnus par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

La deuxième disposition visée par notre motion a trait au report des élections cantonales et régionales.

La durée du mandat des conseillers généraux et régionaux, et donc la date des nouvelles élections, avaient été fixées avant l’adoption de la loi créant les conseillers territoriaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Si !

Le choix des candidats et le vote des électeurs ont été conditionnés par cette particularité d’un mandat court pour un corps d’élus en voie d’extinction. Cela est d’ailleurs souligné dans les commentaires des Cahiers du Conseil constitutionnel sur la décision rendue par ce dernier le 17 février 2010. Le fait que l’on prolonge la durée du mandat de ces élus de 25 % à 33 % n’a jamais été validé par le Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, le report de l’élection des conseillers départementaux à 2015 entraînera la désignation d’une partie des sénateurs par un collège électoral composé en partie de conseillers généraux en fin de mandat. Or, dans les commentaires des Cahiers du Conseil constitutionnel sur la décision du 15 décembre 2005 portant sur la loi modifiant les dates des renouvellements du Sénat, il est précisé que ladite loi « assure durablement que les sénateurs ne seront pas élus par des grands électeurs en fin de mandat. Ils le seront soit par des élus locaux en début de mandat (en 2008, 2014, 2020), soit par des élus locaux à mi-mandat (2011, 2017, 2023). Au regard du principe constitutionnel selon lequel le Sénat représente les collectivités territoriales, il est préférable […] de rapprocher à l’avenir l’élection des sénateurs de la désignation par les citoyens de la majeure partie du collège électoral sénatorial. »

Jusqu’à présent, que ce soit en 1998, en 2001, en 2004, en 2008 ou en 2011, le renouvellement du Sénat a toujours fait suite au renouvellement des conseils généraux. L’élection de tous les nouveaux conseillers départementaux en 2015 est susceptible d’entraîner une rupture dans la concordance avec les dates évoquées et une mauvaise représentation, au regard de ce critère, d’une partie des territoires. Cela est d’autant plus grave que le Gouvernement a l’intention, déjà traduite dans un avant-projet de loi, d’attribuer aux conseillers généraux et régionaux un droit de vote multiple pour les élections sénatoriales, ce qui aboutirait à fausser le scrutin.

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Enfin, le report des élections locales doit être motivé par un impératif d’intérêt général. Or la date retenue jusqu’alors avait été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 17 février 2010, lorsque celui-ci a validé la durée des mandats, la tenue concomitante de ces deux élections ayant été justifiée par la volonté de limiter l’abstention, ce que le Conseil constitutionnel a considéré comme un but d’intérêt général. L’étalement proposé aujourd’hui n’est justifié par aucun argument sérieux, sinon par le trop grand nombre d’élections, alors que leur regroupement permettrait justement de combattre l’abstention.

De notre point de vue, le report des élections départementales et régionales est donc contraire à la Constitution.

La troisième disposition visée par notre motion concerne les élections municipales à Paris.

Depuis la loi du 31 décembre 1982, les communes de Paris, de Lyon et de Marseille sont régies par des dispositions adoptées parallèlement pour ce qui concerne les élections municipales, puisque ces trois grandes communes sont les seules à être divisées en arrondissements. Cette spécificité avait d’ailleurs été consacrée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 décembre 1982.

Bizarrement, le projet de loi qui nous est soumis ne concerne que Paris : il tend à modifier le nombre des conseillers élus par arrondissement. Bien entendu, ce sont trois arrondissements de droite qui voient leur représentation amoindrie, au profit de celle de trois arrondissements de gauche… Mais qu’en est-il de Lyon et de Marseille ? Aucune mesure ne vise ces villes ! Il s’agit là d’une atteinte caractérisée au principe de l’égalité devant la loi, principe constitutionnel constamment confirmé par le Conseil constitutionnel.

Mes chers collègues, pour ces trois motifs, nous vous invitons à déclarer le présent projet de loi irrecevable. §

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Les auteurs de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité soutiennent que le projet de loi que nous examinons contient des dispositions contraires aux principes édictés par la Constitution.

Je vais tenter d’apaiser leurs inquiétudes et de démontrer pour quelles raisons ce texte représente un progrès pour la démocratie locale.

J’entends dire que le report des élections cantonales et régionales serait de nature à altérer la sincérité du prochain scrutin sénatorial, ce qui constituerait une atteinte aux principes constitutionnels.

Il est vrai que, avec ce report, certains conseillers généraux voteront au mois de septembre 2014, lors des élections sénatoriales, sans que leur mandat ait été renouvelé depuis 2008. Ils auront ainsi participé à deux élections sénatoriales durant leur mandat, en 2008 et en 2014. Pour autant, il ne me semble pas que cela altère la sincérité du scrutin sénatorial, car les conseillers municipaux de nos 36 000 communes, qui constituent une part essentielle du collège électoral sénatorial, auront été entièrement renouvelés au mois de mars 2014, comme l’a indiqué M. le ministre. Sur 75 000 grands électeurs, environ 3 000 conseillers généraux, soit un peu plus de 3 % du corps électoral sénatorial, voteront deux fois durant leur mandat : je ne pense pas que ce soit de nature à altérer le résultat du scrutin…

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

De plus, selon deux constitutionnalistes de renom, le report d’une élection motivé par l’allégement du calendrier électoral ne peut pas être invoqué pour soulever l’inconstitutionnalité d’une autre élection. Cet avis est de nature à rassurer, en amont, nos collègues de l’opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Il faut suivre les avis du Conseil constitutionnel, mon cher collègue !

En réalité, ce report est parfaitement légitime. Sans lui, l’année 2014 aurait été particulièrement chargée en échéances électorales, avec la tenue de cinq élections représentant neuf tours de scrutin. En 2007, cet argument de la surcharge électorale avait d'ailleurs été jugé positivement par le Président Sarkozy et son gouvernement, puisque le mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux avait été prolongé jusqu’en 2008. C’est exactement le même argument qui avait été employé.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

J’ajoute que, en 1994, le mandat des conseillers généraux avait été prolongé d’un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Combien de fois avons-nous entendu dire que nos concitoyens se désintéressaient de la politique et que les élections cantonales et a fortiori régionales ne les intéressaient guère, qu’elles favorisaient l’abstention ? Pour mobiliser nos concitoyens lors de ces élections, il est indispensable de modifier le calendrier électoral. Nous n’allons pas convoquer les Français cinq fois aux urnes en 2014, au risque de les démobiliser encore davantage.

Je vous rappelle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnaît et autorise la possibilité de modifier la durée des mandats électifs, à une double condition : il faut que cette modification soit justifiée par des motifs d’intérêt général et qu’elle ait un caractère exceptionnel et transitoire. La modification du calendrier électoral que nous proposons remplit cette double condition et ne pose donc pas de problème constitutionnel.

Par ailleurs, la création d’un nouveau type de scrutin pour les élections cantonales semble vous alarmer, chers collègues de l’opposition. Je vous rassure : la mise en place du scrutin binominal paritaire répond aux dispositions de l’article 34 de la Constitution, qui précise que le législateur est compétent pour fixer le régime des assemblées locales.

Par ailleurs, depuis l’adoption de la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, la parité politique est devenue un objectif à valeur constitutionnelle, dont le Conseil constitutionnel s’est montré le gardien vigilant. L’objectif de parité est inscrit à l’article 1er de notre Constitution depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ne se contente pas de défendre la parité, il la réalise concrètement. Il est le premier gouvernement de l’Histoire à avoir la volonté politique de répondre intégralement à cette exigence. Bientôt, au sein de nos assemblées départementales, il se trouvera autant de femmes que d’hommes. C’est un progrès aussi bien électoral que sociétal, et il nous faut l’accompagner. En instaurant le scrutin binominal paritaire, ce projet de loi répond à l’exigence de parité définie par la Constitution et marque un progrès par rapport à des pratiques politiques dont nous sommes, chacun d’entre nous, responsables. Comment pouvons-nous nous satisfaire que, en 2013, seulement 13 % des conseillers généraux soient des femmes ?

Je me permets également de citer le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. » Il me semble donc que les dispositions visant à modifier le mode de scrutin des conseillers généraux ne soulèvent aucun problème de constitutionnalité.

Force est de constater que, depuis plusieurs mois, les collectivités territoriales sont au cœur des travaux de la Haute Assemblée. Je fais évidemment référence au succès rencontré par l’organisation des états généraux de la démocratie territoriale, voulus par le président du Sénat. Ces états généraux ont permis de redonner enfin la parole aux élus locaux et de libérer la parole des territoires. §Nous en avons tiré les conséquences !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Il est évident que nous partageons tous, sur chacune de ces travées, un même intérêt pour la question territoriale, même si nous défendons parfois des visions opposées.

Nous avons discuté et adopté la proposition de loi déposée par notre collègue Éric Doligé, qui visait à simplifier les normes s’imposant aux collectivités territoriales ; c’était un choix politique. Les 28 et 29 janvier prochain, nous examinerons deux propositions de loi déposées conjointement par nos collègues Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, et Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. La première vise à créer une Haute Autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales ; la seconde concerne plus spécifiquement le statut des élus locaux. Dans la foulée sera examiné le projet de loi de décentralisation, cet acte III que nous appelons de nos vœux.

En proposant ces différents textes, le Sénat est à l’écoute des représentants des territoires. Notre institution est fidèle à sa tradition et reste plus que jamais la maison des collectivités territoriales.

C’est dans ces circonstances que nous examinons ce projet de loi. Le texte que nous propose le Gouvernement est un texte de raison, un texte ambitieux qui ne fait pas de l’immobilisme une règle immuable.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

C’est un texte qui prend en compte les réalités territoriales. Les territoires ont connu bien des évolutions ces dernières années. Je crois qu’il était temps d’adapter les modalités d’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires à ces nouvelles réalités géographiques et démographiques.

Le texte prévoit d’abaisser le seuil de population à partir duquel s’applique le scrutin de liste proportionnel. Cet abaissement du seuil va bien évidemment dans le bon sens : il permettra de mettre fin, dans de nombreuses communes, à l’archaïsme du panachage et favorisera ainsi la mise en place d’équipes municipales cohérentes, qui se seront présentées collectivement aux suffrages des électeurs. Le panachage a un certain charme, c’est vrai, mais je crois qu’il n’est plus adapté à nos réalités territoriales. Il n’est pas sain pour notre démocratie que, dans des communes, les électeurs écartent certains candidats en raison de contentieux familiaux ou personnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je ne crois pas que ce seuil de 1 000 habitants soit figé – M. le ministre l’a indiqué –, et il nous appartiendra de fixer le juste seuil.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Une autre réalité territoriale est prise en compte par ce projet de loi : les différences démographiques entre cantons. Je crois qu’un redécoupage était nécessaire et légitime. Les trois cinquièmes des cantons n’ont connu aucune modification de leurs contours depuis 1801, c’est-à-dire depuis l’époque napoléonienne. Là aussi, les temps ont changé. Comme le rappelle l’exposé des motifs, « le rapport entre le canton le plus peuplé et le canton le moins peuplé peut atteindre un pour quarante-sept ». Une adaptation à nos réalités territoriales s’imposait. Certes, il est légitime de continuer à prendre en compte nos diversités territoriales et géographiques, car le monde rural a besoin d’élus de proximité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… mais il était plus que temps de procéder à ce redécoupage demandé par le Conseil constitutionnel.

Les cantons sont des circonscriptions auxquelles les Français sont attachés, surtout dans les territoires ruraux, et il ne faut pas priver les électeurs de leur lien avec leurs élus. C’est pourquoi le Gouvernement a choisi de maintenir un fort degré de proximité entre l’élu et son territoire. Le conseiller général demeure le maillon essentiel entre les forces vives du territoire. Les maires et l’ensemble des associations s’appuient sur lui, car il joue un rôle de relais avec le département. Il ne faut pas éloigner la démocratie représentative du fait démocratique.

Ce texte ne reproduit pas l’erreur commise par le gouvernement précédent lorsqu’il avait créé le conseiller territorial. En fusionnant les conseillers généraux et les conseillers régionaux, on allait créer un être hybride sans spécificité. On allait créer de grands territoires désincarnés et sans cohérence. On allait supprimer un élu territorial sur deux. Est-ce que le nombre d’élus est le problème de notre démocratie ? Non ! Nous qui sommes sénateurs, nous savons très bien que ce n’est pas le cas.

J’ai lu avec attention, sur le site internet du groupe UMP, sa ligne de conduite pour 2013.

Ah ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Cela tombe très bien, parce que c’est tout le contraire que nous voulons faire. Ce projet de loi vise à conforter notre pacte républicain et à promouvoir nos institutions en les modernisant. Nous pouvons donc être d'accord, mes chers collègues !

En introduisant la parité dans les assemblées départementales, comme nous l’avons fait pour toutes les élections, nous mettons fin à une discrimination qui n’a plus lieu d’être de nos jours. Le scrutin binominal est innovant, il peut surprendre, mais, jusqu’à preuve du contraire, aucune autre formule alliant la parité et la proximité n’a été proposée.

En introduisant l’équité dans le tracé des nouveaux contours de cantons qui étaient demeurés inchangés depuis deux siècles, nous nous mettons en conformité avec les exigences posées par le Conseil constitutionnel. Chacun s’accorde à reconnaître que c’était une nécessité. Je crois d'ailleurs que le Conseil constitutionnel l’avait demandé au précédent gouvernement. Il faudra bien sûr tenir compte des spécificités géographiques et démographiques, ainsi que du nombre de communes, qui est une spécificité française. Il s'agit de maintenir l’indispensable proximité entre les citoyens et leurs élus.

En introduisant la clarté dans l’élection des délégués communautaires, nous modernisons notre système et nous rapprochons l’échelon intercommunal de nos administrés. Il était plus que temps ! En abaissant le seuil à partir duquel s’applique le scrutin de liste, comme le demandaient beaucoup d’élus de tous bords et les associations d’élus, nous mettons davantage de cohérence dans les élections municipales. En reportant d’un an les élections cantonales et régionales, nous rendons un fier service aux plus petites communes, qui étaient dans l’incapacité d’organiser cinq élections et neuf tours de scrutin dans la même année, et nous clarifions la situation politique.

En réalité, cette motion de procédure, dont j’ai essayé de démontrer qu’elle n’était pas fondée, permet simplement à l’opposition de manifester son désaccord avec le Gouvernement. Il est légitime qu’elle le fasse, mais ce projet de loi possède deux qualités majeures, que nous pourrions tous reconnaître : il répond aux exigences définies par la Constitution et il constitue un progrès pour la démocratie territoriale. Ce sont ces principes qui doivent nous guider.

Pour l’ensemble de ces raisons, qui se fondent sur la Constitution qui s’impose à chacun de nous, à tous les républicains, nous voterons contre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

La commission des lois n’a pas retenu la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, pas plus d’ailleurs que les autres motions qui ont été déposées.

Cependant, je me dis que c’est une bonne chose que cette motion ait été présentée. Je donne acte à M. Portelli d’avoir essayé de soulever plusieurs points qui, selon lui, posent un problème de constitutionnalité. Ses arguments sont intéressants, mais aucun n’emporte l’adhésion. J’ai donc apprécié les éléments que M. Guillaume a présentés en écho, à décharge.

Certes, le projet de loi modifie les choses. Il n’est pas choquant que, dans le cadre d’un tel texte, certains aient souhaité aller le plus loin possible. Retenons simplement qu’il s’agit d’un vrai texte de rénovation de nos pratiques au niveau départemental. Gardons cette idée à l’esprit tout au long de notre débat. Nous examinons un projet de loi qui entraînera une évolution profonde de la manière dont les choses se passent dans nos départements. Je crois qu’il s’agit d’une évolution très positive de nos pratiques, en particulier en matière de parité. §

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Monsieur Portelli, vous avez avancé un certain nombre d’arguments qui méritent une réponse.

Ainsi, vous avez affirmé que le projet de loi pourrait constituer une manœuvre en vue des élections sénatoriales de septembre 2014.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Sans qu’il soit besoin de rappeler, comme Didier Guillaume l’a fait avec brio, la part mineure que représentent aujourd'hui les conseillers généraux et les conseillers régionaux au sein du collège sénatorial – respectivement 2, 6 % et 1, 21 % –, je souhaiterais vous citer la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative aux modifications des durées de mandat. En effet, le Conseil s’est déjà prononcé sur ce sujet à plusieurs reprises. Notre débat est certes de nature politique, mais il fait référence à la loi fondamentale.

Dans sa décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, le Conseil constitutionnel a admis la prolongation d’un mandat local en cours, car celle-ci s’inscrivait dans le cadre d’une réforme visant à permettre la concomitance du renouvellement intégral des conseils généraux et des conseils régionaux. Or, comme je l’ai déjà souligné, tel est bien notre objectif. Le Conseil constitutionnel avait conclu, d'une part, que les choix du législateur s’inscrivaient « dans le cadre d’une réforme dont la finalité n’[était] contraire à aucun principe non plus qu’à aucune règle de valeur constitutionnelle », et, d'autre part, que les modifications apportées à la durée des mandats en cours revêtaient « un caractère exceptionnel et transitoire » et que, de ce fait, elles n’étaient « contraires ni au droit de suffrage garanti par l’article 3 de la Constitution ni au principe de la libre administration des collectivités territoriales ».

Par la suite, saisi de la loi du 16 février 2010, qui modifiait également la durée des mandats des conseillers généraux et régionaux – chacun son tour ! –, le Conseil constitutionnel a considéré que « la concomitance des scrutins peut également trouver une justification dans l’objectif de favoriser une plus forte participation du corps électoral à chacune de ces consultations ». Or tel est bien notre objectif. Le projet de loi qui vous est soumis répond donc pleinement à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

D’une part, je le répète, en prolongeant d’une durée limitée à un an le mandat des conseillers généraux élus en 2008 et des conseillers généraux élus en 2011, le Gouvernement ne porte pas atteinte au droit de suffrage. De même, en allongeant de trois à quatre ans le mandat des conseillers généraux élus en 2011 et de quatre à cinq ans celui des conseillers régionaux élus en 2010, le texte est proche de la durée normale de ces deux mandats.

D’autre part, en proposant de reporter ces deux élections pour assurer que la participation électorale ne soit pas découragée par la multiplication des scrutins en 2014 et que les assemblées locales représentent le plus fidèlement possible les suffrages des Français, le Gouvernement se conforme de façon indiscutable à la jurisprudence constitutionnelle.

Monsieur Portelli, pour vous répondre très précisément, je tiens à dire que le Gouvernement n’ira pas dans la voie du vote plural et de la pondération de voix, ainsi que cela a été proposé par la commission consultative présidée par M. Lionel Jospin pour réformer le mode d’élection des sénateurs. Je veux être très clair sur ce point à la suite de votre interpellation. Il ne peut donc pas être un argument dans le débat qui nous réunit.

Vous affirmez aussi, à l’instar de plusieurs de vos collègues lors de la discussion générale, que le scrutin binominal majoritaire serait contraire à la Constitution, au motif que la représentation des électeurs ne peut pas être partagée entre deux élus. Il est important d’y revenir, car vous semblez oublier que nombre d’élections se déroulent au scrutin de liste et que, dans ce cadre, plusieurs élus sont issus de la même circonscription électorale. Tel est notamment le cas des conseillers régionaux élus au sein d’une section départementale. Vous semblez également ignorer que plusieurs conseillers municipaux peuvent représenter, au sein du conseil municipal, la même commune associée.

La représentation par deux élus d’un même territoire, prévue par le scrutin binominal, n’est donc pas unique en droit électoral français. En tout état de cause, elle n’est en rien inconstitutionnelle.

En outre, je rappelle que le mode de scrutin proposé ne remet pas en cause le principe du vote individuel des deux élus du canton au sein de l’assemblée départementale. Vous l’avez d’ailleurs, d’une certaine manière, vous-même rappelé à plusieurs reprises.

J’y insiste, le Gouvernement a entendu fixer dans le présent projet de loi les critères que le pouvoir réglementaire devra respecter pour le redécoupage électoral. Ceux-ci reprennent la jurisprudence du Conseil constitutionnel et celle du Conseil d’État et garantissent la délimitation de cantons respectant au mieux l’égalité devant le suffrage.

La loi détermine également les effectifs des conseils départementaux, comme pour tous les types d’élection. Il en est ainsi de l’article L. 337 du code électoral pour les conseils régionaux et de l’article L. 125 du même code pour les députés.

À cet égard, il faut savoir que le Conseil d’État, auquel le Gouvernement a demandé son avis sur les conditions d’un remodelage, n’a jamais mis en avant une telle obligation juridique. Nous avons donc fait un pas en avant en inscrivant dans le texte qui vous est proposé des éléments qui, jusqu’alors, relevaient uniquement du pouvoir réglementaire.

Enfin, je voudrais rappeler que le canton n’est pas la seule circonscription électorale qui fasse l’objet d’une définition par le pouvoir règlementaire. Les limites des communes sont en effet modifiées par arrêté préfectoral.

Vous avez aussi évoqué le cas de Paris et du statut PLM. La loi a déjà modifié la situation de Marseille indépendamment de celle des deux autres villes en 1987, sur l’initiative de M. Jean-Claude Gaudin. Il y a donc un précédent. Le projet gouvernemental tient compte des évolutions démographiques propres à la ville de Paris depuis 1982. Le tableau des conseillers de Paris n’avait pas été modifié depuis cette date, alors même que la population parisienne a considérablement évolué en trente ans.

La méthode de répartition des effectifs des conseillers de Paris et des conseillers d’arrondissement est rigoureusement la même que celle qui avait été utilisée en 1982, laquelle avait été validée par le Conseil constitutionnel. Si M. Gaudin a des propositions à faire concernant le scrutin applicable à Marseille, le Gouvernement, tout à fait respectueux du premier édile de cette ville, est prêt à en discuter, mais vous ne pouvez pas utiliser cet argument, puisque le statut d’une des trois villes a déjà été modifié indépendamment des deux autres.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme Didier Guillaume, je voudrais vous rappeler que le Gouvernement, par ce texte, poursuit plusieurs objectifs constitutionnels.

Le premier est la parité, inscrit à l’article 1er de la Constitution, lequel dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». En consacrant un tel objectif et en instituant une obligation pour les partis politiques de contribuer à sa mise en œuvre, la révision constitutionnelle de 1999 a permis l’élaboration d’un édifice législatif qui favorise la parité. Nous nous inscrivons parfaitement dans ce cadre. Si nous ne l’avions pas respecté, votre motion de procédure aurait été tout à fait recevable, mais il se trouve que le Gouvernement, par ce projet de loi, propose de parachever cette œuvre législative, afin que la parité soit une réalité dans la plupart des assemblées élues, comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler.

Le deuxième principe constitutionnel que vise le texte est le respect du principe d’égalité devant le suffrage. La réforme du mode de scrutin départemental conduira à revoir profondément le contour des circonscriptions électorales départementales. Je me permets de rappeler ici quelques exemples nous confirmant qu’il est nécessaire de réviser la carte cantonale actuelle : dans certains départements, beaucoup d’entre vous l’ont rappelé, et sur toutes les travées, le rapport entre le canton le plus peuplé et le canton le moins peuplé peut atteindre un pour quarante-sept ; dans près de la moitié des départements, ce ratio est supérieur à un pour dix ; dans dix-huit départements, il est supérieur à un pour vingt.

Malgré les changements démographiques intervenus depuis la création des cantons en 1790, la carte cantonale est restée figée, ignorant ainsi les grands mouvements de population qui ont marqué la France ces deux derniers siècles. De tels écarts, même si nous devons être très attentifs à ce qui a été dit sur la représentation d’un certain nombre de territoires, ne sont plus acceptables au regard du principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage.

Le scrutin binominal majoritaire permettra donc à chaque département de se doter des circonscriptions électorales respectant l’égalité devant le suffrage, sans ignorer la spécificité d’un certain nombre de territoires. À cet égard, nous pouvons nous appuyer sur la jurisprudence constitutionnelle et administrative, que le Gouvernement propose de codifier.

Monsieur Portelli, la parité et le respect de la démographie sont autant de principes constitutionnels que vous auriez pu rappeler.

Le troisième principe visé par le texte est l’expression du pluralisme des opinions, inscrit à l’article 4 de la Constitution. Je veux bien évidemment parler de ce que nous proposons pour la démocratie communale et intercommunale.

Pour terminer, je reviens sur cette tradition républicaine, que certains d’entre vous ont évoquée en commission ou lors de la discussion générale, selon laquelle les modes de scrutin ne doivent pas être modifiés moins d’un an avant une élection.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Vous avez raison, mais, sur ce point, je voudrais rappeler les termes très clairs de la décision du Conseil constitutionnel, datée du 20 juillet 1988 : « Il n’existe pas de principe fondamental reconnu par les lois de la République interdisant la modification des règles électorales dans l’année précédant un scrutin ».

Le conseil a jugé que ce principe ne résultait d’aucune disposition législative antérieure à la Constitution de 1946 et rappelé que diverses lois, dans le passé, avaient au contraire modifié les règles électorales dans l’année précédant le scrutin. Il en a conclu que la prohibition de telles modifications ne saurait être regardée comme constituant un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Au fond, en engageant la discussion dès la fin de l’année dernière devant la commission et en débattant aujourd’hui de ce projet de loi, en ce début d’année 2013, nous respectons tant les principes constitutionnels que la tradition.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en répondant point par point à M. Portelli, je crois avoir fait la démonstration, à l’instar de M. Guillaume, que ce texte est conforme à notre loi fondamentale. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 49, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 77 :

Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés342Majorité absolue des suffrages exprimés172Pour l’adoption162Contre 180Le Sénat n'a pas adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi, par MM. Hyest, Retailleau et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, d’une motion n° 1 rectifiée.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral. (252, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je soutiens cette motion au nom de mon groupe pour trois bonnes raisons.

La première tient aux mauvaises conditions dans lesquelles le texte a été examiné. Je serai rapide sur ce point, puisque divers orateurs, à gauche, à droite et au centre, les ont déjà soulignées. Je tiens cependant à rappeler que le projet de loi aura des conséquences importantes sur le calendrier ou le mode de scrutin de l’ensemble de nos élections territoriales : élections municipales et communautaires, départementales et régionales.

Ce texte, qui est donc majeur, a été inscrit à notre ordre du jour par la conférence des présidents lors de sa réunion du 19 décembre dernier ; le même jour, notre excellente commission des lois se réunissait pour l’examiner. Vous me direz, on a vu pire... C’est vrai, monsieur le ministre, voyez ce qui s’est passé avec votre collègue Mme Duflot, dans le cas du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public. Mais ce n’est pas parce que les délais d’examen sont cette fois-ci un peu meilleurs qu’il faut s’en satisfaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Le respect de notre assemblée, comme de l’Assemblée nationale, exigerait de nous accorder des délais de réflexion un peu plus longs pour nous permettre d’examiner les textes en profondeur.

La deuxième raison d’adopter cette motion est inspirée par un souci de cohérence.

Hier soir, notre collègue François Zocchetto vous reprochait d’avoir mis la charrue devant les bœufs. En effet, un mode de scrutin n’est pas une fin en soi, vous en conviendrez. C’est une modalité qui doit servir la mission assignée à la collectivité pour laquelle le scrutin est prévu.

Je m’explique : nous sommes nombreux sur l’ensemble de ces travées à considérer que le département offre une garantie à la ruralité, parce qu’il permet d’articuler, grâce à sa taille, l’échelle de la proximité – avec l’efficacité qu’on lui reconnaît dans le cadre des politiques sociales – et la projection dans l’avenir, pour les questions de désenclavement par exemple.

Tout le problème est là, car il existe un lien entre le mode de scrutin et les compétences d’une collectivité. On ne peut pas dire à la fois que l’une des forces du département est la défense de la ruralité et adopter un mode de scrutin dont la conséquence sera un redécoupage qui écrasera la représentation de cette ruralité. Au-delà des clivages partisans, plusieurs orateurs l’ont déjà dit, mais je le répète avec force : pour des raisons qui ne sont pas uniquement juridiques, vous avez fait le choix de la règle arithmétique scrupuleuse, de la règle démographique, plutôt que de prendre en compte la territorialité, la proximité, ce qui fait les bassins de vie.

Reconnaissez qu’il y a parfois, en France, une conjonction entre des périmètres administratifs et des périmètres affectifs qui correspondent à des identités. Or, pour remédier à une discrimination et faire progresser la parité, vous créez une autre discrimination, territoriale cette fois. J’ai entendu notre excellent collègue Mézard invoquer l’idée de la fracture territoriale, que nous connaissons tous dans nos départements et à laquelle nous devons prêter attention. Un objectif, fût-il extrêmement louable, comme la parité, ne saurait être atteint au détriment d’autres objectifs tels que la représentation territoriale – pour des élections territoriales, c’est bien le moins ! – ou même la pluralité. En effet, lorsqu’un groupe politique gagnera un canton, il gagnera deux voix ; il y a donc deux poids, deux mesures !

De même, vous avez choisi un mode de scrutin majoritaire. Mais à quoi sert-il de choisir un tel mode de scrutin censé maintenir le lien entre l’élu et ses électeurs si, dans le même temps, en redécoupant la circonscription électorale, vous éloignez l’électeur de l’élu ? Il y a là une contradiction que vous devrez nous expliquer.

Mais je vois une objection encore plus grave à ce projet de loi. Pourquoi consacrer autant de temps à son examen quand on a le sentiment – c’est un président de conseil général qui vous le dit – que ce gouvernement, comme ceux qui l’ont précédé – je l’ai suffisamment dit ici, mes collègues de droite s’en souviennent –, programme la fin des départements.

Vous avez raison, monsieur le ministre, l’Assemblée des départements de France n’est pas restée silencieuse. Nous avons reçu la semaine dernière une lettre très courageuse de son président, Claudy Lebreton, qui tire le signal d’alarme et se fait le relais de « la colère des départements ruraux ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Selon lui, le compte n’y est pas, et tous les présidents de conseil général présents dans cet hémicycle vous le diront également. Il suffit de se rappeler les débats de la fin de l’année dernière sur la péréquation…

Aujourd’hui, tous les départements, notamment les départements ruraux, sont menacés d’asphyxie et de mort lente.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Alors, à quoi bon passer du temps à discuter du mode de scrutin, si l’on ne se pose pas deux questions préalables : quel est le devenir de la collectivité territoriale concernée et en quoi ce mode de scrutin contribuera-t-il au bon fonctionnement de cette collectivité ?

Permettez-moi de vous dire que le choix que vous faites va brouiller les cartes. Le mode de scrutin que vous avez retenu a été qualifié d’« original », de « curieux » ou de « pittoresque » ; je tiens à ajouter mon épithète et je le qualifierai de « fantaisiste ». En tout cas, c’est un bel hommage à la créativité et au génie français, monsieur le ministre, je vous le concède ! On nous a parlé tout à l’heure de zizanie : en effet, nous aurons deux candidats solidaires pour l’élection, deux candidats solidaires pour le contentieux, mais ensuite deux candidats solitaires dans l’exercice de leur mandat.

Monsieur le ministre, vous vous êtes trompé lorsque vous nous avez dit que le scrutin de liste, aux élections régionales, revenait au même que le nouveau scrutin que vous proposez. En effet, lorsque l’on vote au scrutin de liste, on choisit l’assemblée délibérante et c’est ce qui assure la cohérence du choix et la pureté de la représentativité des élus.

En fait, votre choix est un entre-deux : ce mode de scrutin n’est ni vraiment majoritaire ni franchement proportionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Cet entre-deux va bien avec l’air du temps et le positionnement de ce gouvernement sur bien des points.

Je ne sais pas si ce mode de scrutin est constitutionnel ou non, mais je sais qu’en divisant la notion de représentativité, vous l’altérez ; peut-être même la dénaturez-vous. Sur le plan constitutionnel, j’ai entendu les arguments que vous opposiez à l’auteur de la motion précédente, mais le passé récent nous incite à penser que les constitutionnalistes qui conseillent le Gouvernement peuvent parfois se tromper, car il ne s’agit pas d’une science exacte.

J’en viens à la troisième raison d’adopter cette motion : la cohérence. Je crains en effet que derrière ce souci de cohérence ne se cache un problème politique. Il se peut que nous ayons affaire à une forme de manœuvre électorale…

Monsieur le ministre, vous avez exprimé le vœu que ce débat se passe dans la bonne humeur. Je m’associe à ce vœu et je voudrais vous le prouver. Quand je vous regarde, j’ai envie de vous donner le bon Dieu sans confession, comme on dit chez nous.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Venant de vous…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Mais quand je lis votre texte, je me dis que le diable se cache parfois dans les détails.

Lorsque l’on met en perspective ce texte avec l’expérience d’autres élections, législatives, européennes, sénatoriales, on peut émettre des doutes. Sur quels éléments se fondent ces doutes, si j’essaie de les objectiver ?

Premier indice, le mécanisme du report de calendrier a pour conséquence le gel d’une partie plus ou moins significative du corps électoral pour les sénatoriales, soit 4 % en moyenne. Toutefois, pour certains départements, comme la Corse, près de 10 % du corps électoral sera concerné, et cette proportion est tout à fait importante.

Si l’on appliquait ces règles aux résultats des dernières élections sénatoriales dans la série n° 2, ce gel qui paraît marginal aurait pu changer les résultats dans onze départements. Dans trois départements, ces résultats auraient été complètement inversés.

Cet indice est d’autant plus troublant que l’un de nos collègues, Jean-Vincent Placé – il est absent ce soir, mais il est toujours présent parmi nous !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Le deuxième indice – c’est le pompon !–, c’est l’abaissement du seuil permettant aux candidats de se maintenir au deuxième tour. Personne ne doute ici que le chiffre 10, chiffre rond, n’ait une portée magique. Mais lorsque l’on se risque à faire des projections, comme Louis Nègre l’a fait hier, sur la base des résultats des dernières élections cantonales de 2011, on obtient 259 triangulaires, dont 121 en présence du Front national – vous me direz si nous nous sommes trompés dans nos calculs, mais c’est un fait !

Pourquoi donc abaisser ce seuil ? Quel est l’objectif d’intérêt général que poursuit le Gouvernement en faisant cette proposition qui me rappelle une phrase de François Furet. Dans un article publié quelques mois avant sa mort, intitulé L’énigme française, ce dernier évoquait « l’avantage sans prix d’avoir un allié objectif sous la forme d’un adversaire radical ».

Sourires sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

L’avantage est sans prix, certes, mais il ne faudrait pas en abuser.

Je vois un autre indice, enfin, dans le redécoupage des cantons. Personne dans cette assemblée ne doute qu’il faille réduire les écarts. En revanche, nous contestons le fait que le Gouvernement s’octroie un pouvoir absolument discrétionnaire pour réaliser ce découpage à sa main, en tout cas pour avoir la liberté totale de remodeler radicalement la France des cantons.

Cette liberté vous est donnée par deux dispositifs.

Tout d’abord, ce mode de scrutin un peu imaginatif vous permettra d’écraser, de réduire le nombre de cantons en les divisant par deux, et donc d’avoir le coup de crayon ou de ciseaux beaucoup plus libre que s’il avait fallu seulement procéder à des réajustements démographiques en fonction des frontières de cantons existantes. Encore une fois, le tunnel des 20 % peut être élargi. Je pense donc que vous vous référez de façon excessive à cette règle du Conseil constitutionnel, à cette contrainte, s’agissant d’une assemblée territoriale dont l’objectif est aussi, contrairement à l’Assemblée nationale, de représenter des territoires.

Ensuite, un deuxième dispositif me gêne beaucoup plus : vous souhaitez vous affranchir des limites des circonscriptions existantes. Une telle disposition pourrait être contestable d’un point de vue constitutionnel.

Les deux derniers remodelages des circonscriptions législatives ont eu soin – la loi le précisait – de respecter dans leur intégrité les limites des cantons.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Le Conseil constitutionnel pourrait juger que ce nouveau redécoupage doit respecter les redécoupages précédents, d’autant plus que ces redécoupages étaient encadrés par une loi, alors que le nouveau redécoupage sera défini par un décret, fût-ce un décret en Conseil d’État. Il me semble donc que vous prenez une très grande liberté en vous octroyant le droit de franchir, de bousculer les frontières des circonscriptions législatives, et ce point pourrait constituer une faiblesse de votre texte.

En tout cas, je souhaite que vous nous fassiez mentir en acceptant les propositions que nous ne manquerons pas de vous présenter par le biais de nos amendements. Si le Gouvernement acceptait l’un de ces amendements, il pourrait montrer sa bonne foi et lever ainsi les doutes sur les manœuvres électorales que j’essayais de décrypter. Ainsi, l’intervention d’une commission ad hoc, composée de personnalités indépendantes et qui interviendrait en plus du Conseil d’État – idée somme toute normale dans une démocratie adulte –, permettrait que vos futurs coups de ciseaux soient moins impartiaux que ce que nous craignons à la lecture de l’ensemble de votre texte.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, autant on a pu, même sans la partager, apprécier l’argumentation de M. Portelli, qui a défendu la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, autant je pense que je pourrais m’arrêter là tant les propos de M. Retailleau étaient complètement en dehors du sujet.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Si votre groupe vous a désigné pour défendre cette motion, c’est bien parce qu’il n’y croit pas. §Car s’il y croyait, il ne manque pas, au sein de la commission des lois, d’éminents membres de l’UMP pour dire ici ce qui s’est vraiment passé en commission des lois. Alors, disons-le !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Ce n’est pas vous qui allez désigner nos orateurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Delebarre, notre rapporteur, a été nommé, c’est vrai, le 5 décembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Le 19 décembre, la commission des lois s’est réunie pendant quatre heures pour entendre le rapporteur, les commissaires et examiner les amendements du rapporteur. Ce dernier a auditionné un certain nombre d’organisations dont la liste figure dans le rapport. Encore faudrait-il que vous l’ayez lu, monsieur Retailleau, ce dont je doute !

Le rapporteur a également reçu des contributions écrites d’un certain nombre d’autres organisations.

La commission des lois s’est également réunie, ce matin, de dix heures à douze heures quarante-cinq, pour examiner cent cinquante amendements. Elle s’est à nouveau réunie ce soir, de dix-neuf heures trente à vingt et une heures trente, pour examiner encore une centaine d’amendements. Sachez qu’elle se réunira demain soir de dix-neuf heures trente à vingt et une heures trente pour examiner les derniers amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je remarque d’ailleurs, ce que vous semblez ignorer, monsieur Retailleau, que, parmi ces amendements, plusieurs étaient identiques ou de conséquence. Sur ceux qui posaient vraiment problème, une vraie discussion a eu lieu, et je ne pense pas que M. Hyest me contredira sur ce point.

Rien dans votre intervention ne prouve que notre travail a été insuffisant et qu’il faudrait retourner en commission. Je remarque du reste que, dans votre intervention d’un quart d’heure, qui est le temps imparti, vous avez évacué cette question en trois minutes exactement, pas plus, pour nous présenter ensuite ce qui aurait pu être l’objet d’une question préalable. On se demande d’ailleurs pourquoi votre groupe n’a pas présenté une telle motion.

Monsieur Sido, vous qui êtes paraît-il le chef de file du groupe UMP en la matière, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… vous auriez pu, en défendant une question préalable, développer aussi bien et peut-être mieux que M. Retailleau les arguments qu’il a exposés et que nous avions déjà entendus pendant trois heures lors la discussion générale. Vous nous auriez redit que le département doit subsister, parce qu’il est l’expression de la ruralité. Car il paraît que nous voulons supprimer les départements… J’avais cru comprendre que la déshérence et la fin des départements se trouvaient non dans ce texte, mais dans celui que vous avez fait voter par votre majorité et qui instituait le conseiller territorial !

M. le ministre ayant répondu très longuement au début de cette soirée à tous ces arguments, je pensais que la question était réglée. Mais elle ne l’était pas !

Ensuite, pendant exactement sept minutes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. … vous vous êtes livré, monsieur Retailleau, à des considérations totalement politiciennes, il faut le dire, vous, d’ailleurs, dont le département a pour logo l’emblème des Vendéens qui ont combattu la République. Bel exemple, bel exemple…

Vives exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

C’est scandaleux ! Rappel au règlement, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Prenez exemple sur la Vendée, monsieur Michel ! C’est un département de référence !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Oui, il s’agissait de propos purement politiciens ! Mais si M. Retailleau veut m’interrompre, je le lui permets.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Monsieur Retailleau, souhaitez-vous répondre à M. Michel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Oui, je vous remercie, monsieur le président.

Ce débat nous conduit à évoquer des sujets qui nous tiennent à cœur, nous qui sommes parlementaires et qui exerçons des responsabilités locales.

Oui, j’ai défendu une motion de renvoi à la commission. Quand vous étiez dans l’opposition, monsieur Michel, combien de demandes de renvoi à la commission n’avez-vous présentées pour combattre les textes de loi ! Eh bien, ce soir, c’est à mon tour, de la façon la plus claire possible et avec mes convictions, de développer mes arguments.

Monsieur Michel, je ne vous laisserai pas dire que les Vendéens étaient contre la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Vous avez commis une erreur historique ! Les Vendéens se sont soulevés contre une république terroriste. Lisez leurs cahiers de doléances ! Tous les documents en témoignent : les Vendéens ont soutenu les idéaux de 1789.

J’ai cité François Furet, mais j’aurais pu évoquer de nombreux autres historiens. Cette dérive de la Terreur a tué des dizaines de milliers de personnes dans des conditions affreuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Et les rois ? Combien de personnes ont-ils tuées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce n’était donc pas une lutte contre la République.

Je m’honore d’être l’élu de l’un des départements qui, lors de la guerre de 1914-1918, a donné le plus de son sang pour la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je peux vous assurer que nous sommes fiers d’être Vendéens mais, surtout, d’être Français, d’être républicains et d’avoir pour emblème le drapeau bleu, blanc et rouge qui est la synthèse de toute notre histoire.

C’est mon patrimoine, c’est notre patrimoine. Ne le piétinez pas au cours d’une discussion qui mérite autre chose que ce type d’invective. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur Retailleau, en traversant la Vendée plusieurs fois, j’ai été choqué par ce logo qui est l’emblème des Vendéens.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Sur la Révolution et sur la République, je partage non votre conception mais celle de Clemenceau, cher à notre ministre de l’intérieur. La Révolution ne se découpe pas en tranches de saucisson, on la prend en bloc !

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Vives exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Il n’y a pas de république terroriste. Il y a la République, point final ! Et il y a ceux qui l’ont combattue et qui étaient les Vendéens !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur Retailleau, je comprends bien que votre groupe, qui avait beaucoup trop de candidats pour s’exprimer dans la discussion générale, a trouvé utile de demander au président de conseil général que vous êtes de défendre, pendant un quart d’heure, la demande de renvoi à la commission.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je pense donc, mes chers collègues, que vous vous opposerez à cette motion.

Sur l’invitation de M. Rémy Pointereau, M. Bruno Retailleau et de nombreux sénateurs du groupe UMP quittent l’hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

D’ailleurs, je vois que vous vous y opposez en quittant l’hémicycle, car vous êtes gêné par les propos de votre collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’étais, comme vous, transporté par la justesse d’analyse de notre ami Jean-Pierre Michel. Cela nous éloignait un peu de notre texte et, en même temps que je l’écoutais, je me demandais de quoi nous devions parler.

Le renvoi à la commission ? Tous ceux qui ont suivi les travaux de la commission des lois savent que c’est M. Béchu qui n’a cessé tout au long de nos discussions d’y revenir, ne manquant pas de l’évoquer tous les cinq amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Moi, je m’attendais à ce que ce soit lui qui défende cette demande de renvoi à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Certes, mais j’aurais bien aimé que cela se produise immédiatement, car le stock de demandes de renvoi à la commission est tel qu’il nous aurait permis de savoir ce que nous aurions pu nous dire.

M. Retailleau, très pris par son sujet, très concentré, a tenu des propos fort intéressants, mais qui n’avaient rien à voir avec un renvoi à la commission. Pourtant, l’idée de nous retrouver à nouveau pendant une dizaine d’heures en commission nous semblait assez plaisante.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je regrette que M. Retailleau soit parti, même si je n’entrerai évidemment pas dans ce débat passionnant sur l’histoire.

Je crois très honnêtement que les conditions d’examen de ces projets de loi sont satisfaisantes : notre loi fondamentale a été respectée, la procédure accélérée n’a pas été engagée, le Gouvernement a saisi la Haute Assemblée en premier de textes directement liés à l’avenir des territoires.

Après l’abrogation du conseiller territorial, chacun veut avancer. Aucun d’entre vous n’a été pris par surprise. Ce choix avait été celui du Sénat lui-même, à travers la proposition de loi présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et votée par la majorité de gauche. Le candidat François Hollande l’avait également proposé au cours de la campagne présidentielle.

Qu’il y ait débat et opposition, c’est normal, mais chacun me paraît disposer désormais de tous les éléments nécessaires à la compréhension du texte présenté par le Gouvernement. Ainsi, l’étude d’impact qui accompagne désormais chaque projet de loi se veut la plus complète possible. Celle qui a été fournie compte près de cinquante pages et répond à cet objectif de lisibilité de la loi. L’excellent rapport de Michel Delebarre a également permis, j’en suis convaincu, de lever les dernières interrogations. Je rappelle en outre que j’ai moi-même mené toute une série de consultations pour éclairer, bien avant la fin de l’année passée, l’ensemble des formations politiques représentées au Parlement.

Nous avons voulu créer, dites-vous, un dispositif original et inventif. Je prends ces mots pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des compliments. Je rappelle cependant que cet effort d’imagination accompli par le Gouvernement a été facilité par le travail de Mme Michèle André.

Nous avons agi progressivement, car il fallait chercher à préserver le département, à instaurer la parité et à conserver ce lien de proximité. Nous ne pouvions pas dénier cette proximité en choisissant le scrutin proportionnel pour la liste départementale. Aussi, le système proposé par votre collègue ne m’a pas convaincu, car il aurait été incompréhensible pour les électeurs. Sur cette base-là, je crois que notre proposition est innovante et correspond à ce qu’il fallait faire.

J’ai déjà eu l’occasion de répondre aux différents arguments concernant le binôme et son efficacité lors de la campagne électorale, au moment de son élection ou par la suite. Je suis convaincu, pour ma part, qu’à l’issue de cette campagne, grâce au projet qu’ils porteront, les deux candidats recevront le mandat des électeurs.

Je tiens également à dire à votre excellent collègue qu’il fait une confusion s’agissant du scrutin législatif, qui obéit à des règles constitutionnelles, notamment celle relative à la mise en place d’une commission. J’ai rappelé le travail tout à fait impartial mené par M. Guéna, avec le soutien de M. Marleix.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Pour ce qui concerne la règle des 10 %, j’entends bien les mises en cause à propos de ce changement. Sur ces questions, je suis tout à fait ouvert. Souvent, le scrutin cantonal est localement moins politisé qu’on ne le dit, ce que confirment d’ailleurs les résultats.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

La question du Front national, qui concerne ceux qui s’en approchent parfois dangereusement, se règle aussi dans le débat public et politique.

M. Hyest reviendra au cours du débat sur ces questions que l’on peut évidemment se poser et sur lesquelles, comme je l’ai dit, je reste ouvert à la discussion.

Je tiens cependant à rappeler que, de 1969 à 2010, la règle, c’était 10 %.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. On peut sans doute revenir sur le changement qui a été opéré en 2010 pour des raisons qui n’étaient sans doute pas politiques.

Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. Nous verrons au cours du débat s’il nous faut évoluer ensemble sur cette question. En revanche, je vous le dis très clairement, je n’admets pas l’accusation qui nous est faite de vouloir manipuler le scrutin en fonction du Front national. De ce point de vue, sur le fond, la majorité et le Gouvernement n’ont aucune leçon à recevoir !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir le groupe UMP.

La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures quarante-huit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je souhaite m’adresser à M. Jean-Pierre Michel. En tant que membre de la commission des lois, je pense être autorisée à prendre la parole…

Monsieur Michel, vous avez coutume de vous livrer à la provocation. Rappelons-nous des propos que vous avez tenus en commission des lois au sujet du droit local en Alsace voilà quelques semaines.

Je regrette beaucoup que vos collègues aient largement applaudi après vos provocations dirigées contre les Vendéens. Nous vous demandons d’ailleurs de retirer ce que vous avez dit et de vous excuser. Si vous refusez, je me verrai contrainte de demander l’application de l’article 94 du règlement du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je ne pensais pas avoir choqué mes collègues à ce point. Je n’ai en aucun cas mis en cause les Vendéens : les Français qui habitent le département de la Vendée sont des Français comme les autres. J’ai simplement dit, madame Troendle, que j’étais choqué du fait que les élus de ce département aient choisi comme logo l’emblème des Vendéens qui avaient combattu la République. C’est tout ! C’est un fait historique, point final !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Dans ces conditions, je suspends la séance pour dix minutes.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à minuit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La séance est reprise.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il n’est que temps de mettre fin à cet incident regrettable.

Je ne suis pas membre de la commission des lois, mais je suis sénateur. Or, en tant que parlementaires, mes chers collègues, nous devons maîtriser tous les textes que nous examinons. Le poids de notre voix n’est pas pondéré par notre appartenance à telle ou telle commission. En outre, lorsqu’un groupe désigne l’un de ses membres pour intervenir à la tribune, un autre groupe ne saurait lui contester cette légitimité. Est-ce clair ?

Cela étant, dans le logo de la Vendée figure effectivement une croix stylisée. Faut-il abattre la croix de Lorraine à Colombey-les-Deux-Églises, débaptiser l’Hôtel-Dieu ?

Je suis fier, monsieur Michel, que l’emblème de la Vendée flotte aujourd’hui sur toutes les mers du monde et fasse vibrer le cœur de nombreux passionnés, quelles que soient leur origine, leur couleur de peau et leur religion.

La Vendée, c’est un territoire ouvert sur les mers du monde, un territoire qui aime aller de l’avant. Tous nos succès ont été acquis, non parce que nous sommes nés avec une cuillère en argent dans la bouche, mais par nos conquêtes, notre travail. Voilà la Vendée que nous aimons !

La Vendée est le reflet de cette double tradition qui tisse la trame française.

La Vendée, c’est aussi Clemenceau, qui disait : « C’est au caractère vendéen que je dois le meilleur de mes qualités ». Il a d’ailleurs rendu un hommage vibrant aux Vendéens de 1793. Je vous invite à la très belle exposition organisée par le conseil général de la Vendée sur Clemenceau et les impressionnistes – il était ami avec Claude Monet – où vous y verrez Les Nymphéas, des œuvres de Rodin et de Manet.

La Vendée, c’est le Clemenceau de l’Union sacrée de 14-18, le « Père la Victoire » ; c’est aussi Jean de Lattre de Tassigny, fruit d’un autre héritage, la tradition blanche, qui a signé à Berlin l’acte de capitulation face au maréchal Keitel. Deux enfants de Vendée, deux enfants de France, nés dans le même village, Mouilleron-en-Pareds. Je suis fier de ce qu’ont fait mes aïeux, et jamais je ne rabaisserai cet étendard.

L’histoire de France, nous en sommes les héritiers, et j’entends que, ici comme ailleurs, mais surtout au sein de la Haute Assemblée, nous puissions en être fiers.

Chose curieuse, avant Noël, j’ai adressé une demande à M. Jean-Pierre Bel pour organiser la projection au Sénat d’un très beau film que nous avons coproduit avec France Télévisions sur Georges Clemenceau. J’espère vous y voir pour que vous puissiez admirer ce tempérament forgé en Vendée.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Dans le cadre de ce débat sur l’évolution de nos institutions départementales, nous avons surtout besoin de nous occuper de l’essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Lorsque Jean-Pierre Michel a fait un aparté sur la Vendée, il n’a voulu ni choquer ni agresser. Peut-être ses propos étaient-ils maladroits.

En tout état de cause, nous avons besoin de sérénité.

M. Retailleau vient de nous donner une belle leçon d’histoire en parlant de la Vendée, de la République, de Clemenceau. Je pense désormais que l’incident est clos.

M. Jean-Pierre Michel retire ce qu’il a dit. Je souhaite donc que Mme Troendle renonce à sa demande. Reprenons sereinement le cours de nos discussions, d’autant qu’en évoquant les collectivités territoriales nous parlons également de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Madame Troendle, acceptez-vous la proposition de M. Guillaume ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Nous allons donc pouvoir continuer le débat en toute sérénité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je mets aux voix la motion n° 1 rectifiée, tendant au renvoi à la commission.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe UMP, l’autre du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 78 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi, par MM. Hyest, Béchu et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, d'une motion n° 1 rectifiée.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux. (251, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Christophe Béchu, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis un peu jaloux du temps de parole qui a été attribué à Bruno Retailleau pour évoquer les belles spécificités de son département. Mais j’oserai vous rappeler, vous me le pardonnerez, qu’il y a eu plus de morts en Anjou qu’en Vendée pendant les guerres de Vendée…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre, rapporteur. Rappel au règlement !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Beaucoup plus sérieusement, mes chers collègues, de multiples raisons plaident pour le renvoi de ce texte à la commission.

Hier soir, M. le ministre nous a donné un cap, cet après-midi une boussole et ce soir une carte.

Le cap, c’était à la fin de son discours quand il nous a indiqué qu’il s’agissait d’un tournant pour notre démocratie et que nous devions prendre le temps de bien le négocier. Quelle belle invitation à prendre le temps nécessaire pour examiner le texte en commission !

La boussole, c’était en répondant à Hugues Portelli quand il nous a expliqué qu’il n’y avait aucune difficulté à adopter ce texte moins d’un an avant un scrutin. Sa démonstration à ce sujet était assez convaincante, ce qui montre que nous n’aurions aucune difficulté pour organiser, d’un point de vue juridique, ce renvoi à la commission.

La carte, c’est quand il a parlé de bonne humeur.

À cet égard, permettez-moi de vous raconter une scène qui s’est déroulée dans le hall d’un hôtel de New York. Une jeune femme aux formes avantageuses s’approche d’un buffet où se tient Albert Einstein. Elle s’adresse à lui en ces termes : « Monsieur Einstein, imaginez que nous ayons des enfants ensemble et qu’ils aient votre intelligence et ma beauté. » Einstein lui répond : « Mademoiselle, imaginez un instant qu’ils aient votre intelligence et ma beauté. » Eh bien, le scrutin binominal, c’est cela !

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Si j’osais, je dirais que vous avez tenté de concilier les avantages de deux systèmes : le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel. Cependant, à l’arrivée, c’est plutôt les inconvénients de ces deux systèmes que nous sommes en train de découvrir.

Mes chers collègues, ces inconvénients, pour un certain nombre d’entre eux, sont résorbables ou peuvent en tout cas être diminués, mais cela suppose de prendre le temps de le faire. Or, en dépit de nos débats en commission, le temps nous a manqué et il nous reste encore plus d’une centaine d’amendements à examiner.

De multiples questions ont émergé, et même si certaines peuvent sembler farfelues, elles ont néanmoins fait l’objet de nombreux amendements. Que se passerait-il, par exemple, si l’un des candidats élus décidait de changer de sexe ? Cette atteinte à la parité mériterait-elle de bouleverser le système ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Nous avons également eu des échanges sur la question de l’élection du conseiller départemental et sur les moyens de concilier la difficulté du regroupement tout en préservant un mode de distinction qui permette de régler le problème de la solidarité avant l’élection et de la solitude après.

Je ne suis absolument pas convaincu, mais le temps nous a manqué, qu’un dispositif prévoyant des sections non sexuées, mais qui permettraient de délimiter, à l’intérieur d’un canton binominal, des territoires sur lesquels serait engagée la responsabilité particulière de chacun, ne permettrait pas de concilier le respect d’une parité stricte et la possibilité d’individualiser le territoire de représentation.

Peut-être pourrions-nous également trouver une réponse à un point sur lequel tous les membres de la commission s’accordent à considérer qu’il y a une difficulté : la vacance de sièges. À l’heure actuelle, nous n’avons toujours pas trouvé la moindre solution satisfaisante à ce sujet.

Il existe beaucoup d’autres difficultés, dont certaines concernent la partie qui pourrait être la plus consensuelle du texte et qui n’est sans doute pas la plus aboutie à la minute où nous parlons.

Pour ce qui est de la question des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, il y a deux dispositifs sur lesquels s’est dégagé un large consensus : l’abaissement du seuil et le fléchage. Mais, au-delà de ce consensus, il convient de fixer ce seuil et de définir précisément le procédé utilisé pour le fléchage.

Entre dix-neuf heures trente et vingt et une heures trente, nous avons assisté à une leçon extrêmement intéressante sur la façon de concilier, en matière de fléchage, le principe du respect de la parité et la possibilité que les candidats ne se suivent pas à l’intérieur d’une liste. Mais le meilleur système auquel nous parvenons est celui dans lequel, dans tous les cas de figure, la tête de liste devra siéger dans l’intercommunalité. Serait institutionnalisé, en quelque sorte, un cumul forcé des mandats entre commune et intercommunalité.

Avec une règle que je résume en quelques instants mais qui illustre à elle seule la complexité de nos travaux, le premier quart des candidats communautaires devront être placés en tête de liste et la totalité de ceux qui auront vocation à être fléchés devront se trouver dans les trois premiers cinquièmes de la liste communautaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Monsieur le président de la commission des lois, il ne me semble pas que vous ayez interrompu les orateurs précédents. Vous tentez de me faire perdre mes moyens, ce qui n’est pas loyal vis-à-vis du bizut que je suis à cette tribune.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

De nombreuses autres difficultés existent. On a notamment fait en sorte d’imposer le principe de la déclaration obligatoire de candidature en sous-préfecture pour les communes de moins de 1 000 habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Cette mesure soulève nombre de questions, pour le premier comme pour le second tour, concernant les méthodes et les procédures à mettre en œuvre. Au reste, ne serait-il pas souhaitable de se diriger vers un vote électronique, pour améliorer le bilan carbone des candidats des petites communes et satisfaire ainsi l’ensemble des groupes ? Sur tous ces sujets, beaucoup d’interrogations demeurent.

Monsieur le ministre, il y a quelques instants, vous vous êtes emporté au sujet d’une autre question. En tout cas, vous avez tenu à manifester une fermeté républicaine que je ne vous conteste pas. En effet, vous avez démenti avec force qu’il y ait la moindre volonté, de la part du Gouvernement, d’instrumentaliser le seuil des 10 % ou des 12, 5 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Le trouble qui a été le nôtre en constatant la volonté de modifier les règles n’aurait pas existé sans cette tentative de votre part, dont on ne comprend pas les raisons.

À dire vrai, l’abaissement de ce seuil ne fait progresser ni la parité ni la diversité. Par conséquent, sauf à rattacher cette disposition à un souci de rester fidèle à une tradition historique séculaire, on peine à comprendre ce qui la motive réellement.

Par une sorte de renversement, et à l’issue d’un long débat, la commission est parvenue à une position consistant à proposer au Sénat de renoncer à tout type de triangulaire. De fait, elle a, aujourd’hui même, adopté un amendement en vertu duquel ne sont qualifiés pour le second tour que les deux candidats arrivés en tête au premier tour.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

C’est vous dire si, dans les débats qui vont suivre, un certain nombre de sujets seront particulièrement complexes. Un grand nombre de points méritent donc d’être approfondis au sein de notre commission.

Je terminerai mon propos par la question la plus complexe, et qui, à mes yeux, devrait le mieux vous convaincre de nous donner davantage de temps en commission : celle du tunnel.

Nul ne conteste la nécessité de refondre les cantons. Quelle que soit la méthode que vous utiliserez, nous ne doutons pas que les écarts subsistant à l’arrivée seront plus faibles que ceux qui existent aujourd’hui.

Toutefois, entre les écarts de un à quarante-sept que l’on observe à l’heure actuelle et la marge de plus ou moins 20 % que vous proposez, nous avons le sentiment qu’il existe des espaces de discussion, pour éviter de massacrer la représentation géographique de la ruralité.

J’en veux pour preuve les écarts existant au niveau des circonscriptions législatives. Le rapport entre la plus petite circonscription législative de France et la plus grande est de 1 à 2, 36. La plus petite compte 63 000 habitants, la plus grande en compte 143 000. Si nous appliquions un tunnel de 40 % à la hausse comme à la baisse, nous observerions un écart de 1 à 2, 33 entre le plus petit et le plus important des regroupements de cantons qui seraient soumis à nos suffrages. Cela ouvrirait des latitudes en termes de redécoupage sur l’ensemble du territoire.

Cette méthode pourrait, peut-être paradoxalement, étendre la marge de manœuvre du Gouvernement pour découper, et partant accroître notre inquiétude quant à la manière dont il procédera. Toutefois, parallèlement, elle pourrait éviter de dessiner des territoires si vastes qu’ils nous placeraient dans l’incapacité de travailler de manière efficace.

Je pourrais m’étendre davantage, mais je vais m’efforcer de conclure.

Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, vous avez fait preuve de beaucoup de modestie dans la manière dont vous avez présenté le texte que vous nous soumettez. Nous vous avons entendu prononcer des mots très forts pour attaquer le conseiller territorial : « monstruosité juridique », « système jamais vu », etc.

Lorsque je dis que vous avez fait preuve de modestie, cela signifie que vous êtes en train de construire une usine à gaz bien plus complexe que le système que nous avions nous-mêmes imaginé à une époque !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Vous devez comprendre que, parce que nous n’allons pas aussi vite que vous, il nous faut du temps pour mieux comprendre toutes les implications des textes et des modifications de mode de scrutin que vous nous proposez. Nous ne pouvons pas, dans le même temps, souhaiter vivre dans une démocratie apaisée, avec des règles du jeu claires pour tout le monde, et maintenir tant de zones d’ombre dans le dispositif que nous sommes sur le point de présenter. Il en va non seulement de la sérénité de nos discussions au Sénat, mais aussi de celle des débats partout en France, dans les 36 000 communes de ce pays et dans l’ensemble des 101 départements qui seront concernés, à l’issue de l’examen de ce texte, par la mise en application de ces nouvelles dispositions.

Bref, souvenons-nous d’Einstein et tentons modestement de faire preuve d’un tant soit peu d’imagination et d’intelligence collective !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. René Vandierendonck, contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

M. René Vandierendonck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer en la personne de Christophe Béchu l’un des membres de la commission des lois…

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

… les plus assidus et les plus curieux des mécanismes susceptibles d’être modifiés par ce nouveau mode de scrutin.

Je tiens simplement à replacer les faits en perspective, en formulant deux remarques.

Premièrement – chacun en convient, mais il faut tout de même le rappeler –, je tiens à saluer la transparence du fonctionnement de la commission des lois. Il suffit de voir le nombre de débats qui s’y déroulent. Son président peut en témoigner et même s’il adore les motions tendant au renvoi à la commission – je vous l’assure ! – et il en a plus qu’à profusion, car, chaque fois qu’il en demande, il obtient satisfaction !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Deuxièmement, les interventions de nos collègues de l’opposition se terminent toujours par une forme d’exorcisme : on parle de tripatouillages, de droits du Parlement qui seraient bafoués, de la représentation massacrée, de la véritable usine à gaz que représenterait le dispositif, etc. Or je l’indique avec tact et ménagement, chers collègues qui allez tous faire campagne dans vos départements respectifs : le premier mérite de ce texte, c’est précisément de sauver le département. §

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Revenez un peu aux intentions des gouvernements précédents.

C’est tout de même le Premier ministre Fillon qui avait déclaré que la mise en place du conseiller territorial allait permettre, dans un premier temps, une meilleure coordination des politiques de ces deux collectivités que sont le département et la région, puis, dans un second temps, la fusion de ces deux échelons !

C’est tout de même M. Balladur, qui, dans le cadre de la commission qui a porté son nom, affirmait que la création du conseiller territorial, avait pour but de permettre « l’évaporation des départements dans les régions. » Mme Assassi a cité ces propos avec bien plus d’éloquence que moi.

Si je me réjouis de voir mes collègues brandir aujourd’hui la défense du département, je leur rappelle que ce niveau de collectivités n’a jamais été tant menacé qu’à cette époque. Il faut le dire avec force !

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

De surcroît, la clause de compétence générale était passée aux oubliettes et les recettes des départements étaient elles-mêmes largement amputées.

Bref, n’allez pas trop loin sur le terrain de la défense de la ruralité. Dieu sait si je ne conteste pas ce principe. Néanmoins, le Conseil constitutionnel a bien rappelé que la parité avait une valeur constitutionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

La preuve en est, elle est inscrite dans la Constitution.

La défense de la ruralité peut, en tant que telle, être érigée en préoccupation d’intérêt général, mais elle ne peut pas être mise en balance avec la parité. Je le souligne également avec force.

De même, certains répètent : « Qu’est-ce que vous nous réservez comme type de découpage ? » Pour ma part, je salue l’ouverture d’esprit dont fait preuve le ministre, et je lui sais gré de venir discuter aujourd’hui des conditions de cette refonte de la carte cantonale.

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Chers collègues de l’opposition, vous le constaterez en étudiant la jurisprudence existant en la matière et les conditions du découpage qui se prépare aujourd’hui. Je ne citerai qu’un exemple parmi d’autres : le Conseil constitutionnel l’a répété à maintes reprises, la mise en œuvre de l’écart maximal de 20 % par rapport à la population moyenne des circonscriptions doit être réservée à des cas exceptionnels et dûment justifiés.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Il ne pourra y être recouru que de manière limitée et en se fondant, au cas par cas, sur des impératifs d’intérêt général.

Ainsi, à mes yeux, la méthode que le Gouvernement propose, qu’il n’a pas occultée et qu’il a présentée à la commission des lois, est la bonne.

Sur les autres sujets, j’invite M. Béchu à faire confiance à la logique de dialogue.

Vous l’avez bien constaté, au sein même du groupe socialiste, nous n’hésitons pas, au su et au vu de tous, à faire part de nos interrogations. Je songe par exemple aux questions de seuil pour le recours au scrutin dans le cadre de la désignation des représentants des EPCI. Pour ma part, comme Didier Guillaume, je suis de ceux qui considèrent que nous pouvions faire un pas supplémentaire. Cela ne m’empêche pas de saluer le fonctionnement de la commission des lois, ainsi que la patience, le pragmatisme et même l’affection dont fait preuve son rapporteur, à qui je tiens à rendre hommage.

Monsieur le ministre, nous sommes aujourd’hui à la veille d’une réforme extrêmement importante qui, je le crois, va changer les pratiques de la démocratie locale. J’approuve sans réserve ce que vous avez dit, et je vous soutiens dans la mise en œuvre très concrète du principe de parité qui me paraît constituer à elle seule une innovation considérable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre, rapporteur. René Vandierendonck a toujours tellement d’élégance, tant de discrétion et une telle justesse dans l’analyse et dans le propos… Il ne changera jamais ! Il a dit tout ce qu’il fallait dire.

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre, rapporteur. Monsieur le président, je me permets de protester au sujet de cette motion tendant au renvoi en commission : M. Christophe Béchu devrait être interdit de parole. Nous qui siégeons à la commission des lois avec lui, nous connaissons M. Christophe Béchu : il est l’homme qui vous fait aimer le retour en commission !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

C’est toujours comme ça : il y met une conviction telle que nous y retournerions sans cesse ! Toutefois, une fois que nous sommes revenus à la commission, que pouvons-nous dire de plus, si ce n’est que nous sommes contents d’être ensemble ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

M. Albéric de Montgolfier. Alors retournez-y, puisque c’est si bon !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre, rapporteur. Le problème, c’est que nous y avons déjà passé des heures, monsieur Béchu. Et même si nous n’y retournons pas tout de suite, je suis sûr que nous nous y retrouverons bientôt, car nous y prenons malgré tout une forme de plaisir…

Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Monsieur Béchu, je souhaite donc vous remercier de votre intervention. Je n’irai pas jusqu’à accepter le renvoi de ce texte à la commission, mais j’y songerai à la prochaine occasion !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Monsieur le président, bien des arguments ont déjà été présentés, et le talent de M. Béchu doit précisément nous amener à poursuivre le débat ici, en séance.

Nous avons posé un certain nombre de principes, qui viennent d’être rappelés avec brio. Nous considérons que le département est essentiel à l’organisation de la République. Cela vaut d’ailleurs à l’échelle des collectivités territoriales comme à celle de l’État.

Monsieur Vandierendonck, je crois que vous avez raison d’affirmer que le dispositif que nous vous proposons sauve le département, qui était mis en cause, dans la confusion, par la création du conseiller territorial.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous ne partagez pas cette idée, et c’est tout à fait votre droit. Toutefois, dès lors que le conseiller territorial a été abrogé, il faut évidemment mettre en place un autre dispositif.

Il reste cependant des points à débattre, comme ce que vous appelez le « tunnel des 20 % » ou le fléchage des candidats aux conseils communautaires. Bien des propos ont été tenus sur ces questions, des propositions ont été avancées, des amendements ont été déposés. Le Gouvernement est prêt à en discuter de manière ouverte, ici, dans l’hémicycle du Sénat, qui est sans aucun doute l’assemblée idoine pour débattre de ces questions. Nous y sommes prêts, donc ne nous privons pas de cette possibilité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je mets aux voix la motion n° 1 rectifiée, tendant au renvoi à la commission.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 79 :

Le Sénat n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 17 janvier 2013 :

À neuf heures trente :

1. Suite du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (166 rectifié, 2012-2013) et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux (165 rectifié, 2012-2013) ;

Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (250, 2012 2013) ;

Textes de la commission (nos 252 et 251, 2012-2013).

À quinze heures :

2. Questions cribles thématiques sur les énergies renouvelables.

À seize heures et le soir :

3. Suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 17 janvier 2013, à zéro heure trente-cinq.