Là où deux élus de sensibilités différentes pouvaient être élus, il y aura dorénavant, à coup sûr, deux élus du même courant politique. Nous ne saurions accepter un tel recul démocratique.
À nos yeux, le binôme républicain, c’est à la fois la parité et le pluralisme. Or, pour atteindre ces deux objectifs constitutionnels, il n’y a qu’un mode de scrutin possible : l’élection à la proportionnelle sur une liste composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.
Nous avons vu les effets positifs d’un tel scrutin aux élections municipales et régionales. Personne ne le remet en cause aujourd’hui, si ce n’est pour contester l’importance de la prime majoritaire attribuée à la liste arrivant en tête, qui aboutit à réduire trop fortement la place de l’opposition.
Si votre proposition était retenue, le scrutin départemental serait la seule élection locale sans aucune représentation proportionnelle. Ce choix n’est ni compréhensible ni acceptable.
L’élection départementale deviendrait un anachronisme démocratique d’autant plus remarquable que, à la suite du rapport Jospin, il semblerait, monsieur le ministre, que votre gouvernement envisage d’introduire une part de proportionnelle dans les élections législatives.
Aussi, avec un amendement de principe et un amendement de repli que nous présenterons au cours du débat, nous vous demanderons de répondre aux attentes démocratiques visant à créer les conditions d’une représentation plus juste du pluralisme républicain, auquel nous sommes tous – j’en suis certaine – très attachés. Vous devriez nous rassurer quant à votre volonté de sauvegarder réellement le pluralisme !
Du reste, nous soutiendrons par nos votes toute nouvelle avancée vers une meilleure représentation de la diversité des idées.
Pour parvenir à une meilleure et plus juste représentation des idées, il n’est pas interdit de faire œuvre de réflexion et d’intelligence – nous n’en manquons pas ! – afin d’inventer un mode de scrutin qui satisfasse les différentes exigences de pluralisme, de parité et d’ancrage dans les territoires, si ce sont bien là les objectifs que vous entendez viser.
Nos interrogations, nos inquiétudes et nos désaccords concernent également le mode d’élection des délégués communautaires.
Je souhaiterais d’abord relever le changement sémantique : les délégués des conseils municipaux au sein des assemblées communautaires deviennent des conseillers. Ils ne seront plus des représentants des conseils municipaux, mais des élus au suffrage universel, représentant leur commune, et donc leurs électeurs au sein des intercommunalités. Ils changent par conséquent de statut.
Alors que les intercommunalités tirent leurs prérogatives du transfert de compétences des communes, qui en restent responsables de par la loi, nous entendons dorénavant parler de « bloc communal », ce qui met sur un pied d’égalité les communes et les intercommunalités, comme si ces dernières étaient devenues des collectivités territoriales de plein exercice. On parle même de « compétences partagées », une notion qui renforce toujours davantage la place des intercommunalités au détriment des communes.
Je le rappelle, nous avions combattu la réforme sarkozyste de 2010, qui réduisait la libre administration des communes et renforçait leur intégration au sein d’intercommunalités dotées de périmètres élargis. Nous n’avons pas changé d’avis.
Aussi sommes-nous actuellement doublement inquiets.
D’une part, nous constatons que cette réforme continue de s’appliquer. Je pense en particulier aux pouvoirs actuellement dévolus aux préfets pour mettre en place, de façon autoritaire, pendant six mois, des intercommunalités, sans même tenir compte des avis des commissions départementales, et pour forcer au regroupement les communes récalcitrantes.
L’actualité est là pour le rappeler, les contentieux se multiplient, comme dans le département de la Loire, par exemple. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je réitère la demande adressée par notre groupe au Gouvernement de mettre à la disposition du Sénat un état précis de la rationalisation de la carte intercommunale dans les départements.
D’autre part, notre inquiétude est renforcée par l’avant-projet relatif à une nouvelle étape de décentralisation, qui accroît encore les compétences obligatoirement transférables des communes aux intercommunalités, organisant ainsi une véritable « évaporation » de nos communes.
Dans ce contexte, la transformation du mode de désignation des conseillers communautaires, qui seraient dorénavant élus au suffrage universel direct par fléchage, apparaît comme la première étape d’une disparition programmée des communes. Nous ne saurions accepter une telle évolution.