Intervention de Marisol Touraine

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 15 janvier 2013 : 1ère réunion
Présence médicale sur l'ensemble du territoire — Audition de Mme Marisol Touraine ministre des affaires sociales et de la santé

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Je vous remercie de m'accueillir dans le cadre de ce groupe de travail.

La question des déserts médicaux est, avec raison, une préoccupation majeure - et légitime - pour nos concitoyens comme pour nos élus nationaux et locaux. La priorité du gouvernement est de lutter contre les inégalités sociales et territoriales. Contrairement à une idée reçue, le problème ne réside pas dans le nombre des professionnels de santé -terme qu'il faut préférer à celui de médecins, car la désertification touche l'ensemble du secteur-. La France compte 200 000 médecins, chiffre historiquement élevé, qui masque toutefois le fait que 50 % des Français ont des difficultés d'accès aux soins, notamment d'accès aux généralistes et à certains spécialistes, en ophtalmologie, en gynécologie, et dans une moindre mesure en pédiatrie. Ces inégalités se sont aggravées ces dernières années, puisque les effectifs des généralistes ont baissé dans 80 départements. Il y a donc aujourd'hui urgence, nous ne pouvons accepter que la situation se dégrade davantage. J'ajoute que les territoires ruraux ne sont pas seuls concernés : les banlieues, les quartiers sensibles et même certains quartiers des grandes villes sont touchés, comme en témoigne la différence entre l'est et l'ouest parisien.

Avant de vous présenter les douze engagements qui composent le Pacte territoire-santé que j'ai présenté le 12 décembre dernier, une précision : nous n'avons pas retenu la coercition comme outil d'action. En effet, elle se heurte à la liberté des patients pour choisir leur praticien et à la liberté d'installation des médecins, principes anciens dans notre pays. Elle est en outre injuste à l'égard des jeunes praticiens, qui porteraient seuls les conséquences de problèmes qui leur sont antérieurs. Enfin, l'instaurer pour ceux qui entreront demain dans leur premier cycle d'études médicales ne résoudrait nos problèmes qu'à l'horizon 2020 au plus tôt. Or le creux démographique sera atteint en 2016 : c'est donc aujourd'hui qu'il faut obtenir des résultats.

Second élément de préambule : il n'y a pas de mesure miracle. Il importe d'actionner ensemble tous les leviers à notre disposition et de mobiliser l'ensemble des acteurs territoriaux : les élus, les administrations, les agences régionales de santé (ARS). C'est pourquoi, dès l'annonce du Pacte, j'ai demandé aux directeurs généraux des ARS de se mobiliser en faveur des objectifs fixés.

Le Pacte territoire-santé se décline en trois axes : changer la formation et faciliter l'installation des jeunes médecins ; transformer les conditions d'exercice des professionnels de santé ; investir dans les territoires isolés.

Changer la formation des jeunes praticiens passe d'abord par le renforcement de l'obligation d'effectuer un stage dans un cabinet de médecine de ville. Tous les étudiants y sont soumis, mais la mesure demeure inappliquée. En outre, 1 500 bourses de service public seront accordées d'ici 2017, contre 300 ces dernières années. Et 200 postes de praticiens territoriaux de médecine générale seront créés dès 2013. Ce statut ne sera nullement un revenu minimum à vie comme le dénoncent certains, mais une garantie de revenu destinée à sécuriser l'installation, qui demande du temps et de l'énergie. Enfin, un « référent installation » unique sera créé dans chaque région : un nom et un numéro clairement identifiés. C'est que j'ai été à plusieurs reprises interpellée sur la difficulté à obtenir des informations, concernant les aides ou les zones où il est intéressant de s'installer.

Deuxième axe du pacte présenté par le gouvernement : accompagner la transformation des conditions d'exercice des professionnels de santé. Les jeunes praticiens et d'autres moins jeunes - sont aujourd'hui désireux de travailler en équipe de manière plus coordonnée. Or ils sont formés exclusivement à l'hôpital et pour l'hôpital ! Notre système doit évoluer. C'est la raison pour laquelle nous avons créé une rémunération forfaitaire d'équipe, versée collectivement dès lors qu'un service supplémentaire est apporté aux patients. Par exemple, l'ouverture d'un cabinet médical sur des plages horaires plus larges, ou la création de réponses aux besoins nouveaux des patients. Des diététiciens ont déjà trouvé par ce biais leur place dans des maisons pluridisciplinaires de santé. Plus généralement, la médecine ambulatoire est un lieu de formation au même titre que l'hôpital. Nous travaillons avec Geneviève Fioraso à la mise en place d'un label universitaire pour identifier les cabinets de ville dans lesquels une formation hors les murs est possible. J'ai récemment inauguré à Argenton-sur-Creuse une maison de santé exemplaire à cet égard.

Nous voulons en outre développer le potentiel offert par la télémédecine, notamment en dermatologie et en matière de télésurveillance cardiologique, et mettrons en place un programme spécifique de téléconsultations en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Enfin, nous souhaitons accélérer les transferts de compétences et sommes désireux à cette fin d'ouvrir les discussions avec les professionnels, notamment les ophtalmologues, spécialité dans laquelle les délais pour obtenir un rendez-vous sont les plus longs.

Troisième et dernier axe du pacte gouvernemental, l'investissement dans les territoires isolés. Le président de la République s'est engagé à rendre effectif l'accès aux soins urgents en moins de trente minutes, dans tous les territoires, dès 2015. Nous nous y sommes attelés dès l'année dernière. Nous lèverons les obstacles administratifs et juridiques à ce que des membres du personnel hospitalier, salariés, puissent travailler à temps partiel en appui aux médecins libéraux. Nous renforcerons les hôpitaux de proximité, qui sont au coeur des territoires : le passage, par exemple une journée tous les quinze jours, de professionnels de santé des CHU et CHR dans les petits hôpitaux de proximité, via le statut d'assistant partagé, sera facilité. Enfin, il est des secteurs dans lesquels des centres de santé composés de salariés sont nécessaires. Une mission a été confiée conjointement à l'IGAS et à l'IGF pour définir leur modèle économique et en faire des structures efficientes.

Voilà, à grands traits, la stratégie nationale de santé appelée de ses voeux par le Premier ministre. Elle requiert la mobilisation de tous. Soyez assurés de celle du gouvernement et de l'ensemble de l'administration pour la mener à bien.

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