Nous accueillons Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, pour évoquer la présence médicale sur notre territoire, sujet majeur pour nos concitoyens et motif d'inquiétude pour les élus locaux que nous sommes. Nous attendons notamment, Madame la Ministre, des décisions destinées à juguler la désertification médicale dans certains territoires. Dès sa création, notre commission a mis en place un groupe de travail sur le sujet, présidé par Jean-Luc Fichet et dont le rapporteur est Hervé Maurey. Nos collègues ont conduit de nombreuses auditions et procédé à des déplacements sur le terrain. Les résultats de leurs travaux nous seront présentés prochainement.
Je vous remercie de m'accueillir dans le cadre de ce groupe de travail.
La question des déserts médicaux est, avec raison, une préoccupation majeure - et légitime - pour nos concitoyens comme pour nos élus nationaux et locaux. La priorité du gouvernement est de lutter contre les inégalités sociales et territoriales. Contrairement à une idée reçue, le problème ne réside pas dans le nombre des professionnels de santé -terme qu'il faut préférer à celui de médecins, car la désertification touche l'ensemble du secteur-. La France compte 200 000 médecins, chiffre historiquement élevé, qui masque toutefois le fait que 50 % des Français ont des difficultés d'accès aux soins, notamment d'accès aux généralistes et à certains spécialistes, en ophtalmologie, en gynécologie, et dans une moindre mesure en pédiatrie. Ces inégalités se sont aggravées ces dernières années, puisque les effectifs des généralistes ont baissé dans 80 départements. Il y a donc aujourd'hui urgence, nous ne pouvons accepter que la situation se dégrade davantage. J'ajoute que les territoires ruraux ne sont pas seuls concernés : les banlieues, les quartiers sensibles et même certains quartiers des grandes villes sont touchés, comme en témoigne la différence entre l'est et l'ouest parisien.
Avant de vous présenter les douze engagements qui composent le Pacte territoire-santé que j'ai présenté le 12 décembre dernier, une précision : nous n'avons pas retenu la coercition comme outil d'action. En effet, elle se heurte à la liberté des patients pour choisir leur praticien et à la liberté d'installation des médecins, principes anciens dans notre pays. Elle est en outre injuste à l'égard des jeunes praticiens, qui porteraient seuls les conséquences de problèmes qui leur sont antérieurs. Enfin, l'instaurer pour ceux qui entreront demain dans leur premier cycle d'études médicales ne résoudrait nos problèmes qu'à l'horizon 2020 au plus tôt. Or le creux démographique sera atteint en 2016 : c'est donc aujourd'hui qu'il faut obtenir des résultats.
Second élément de préambule : il n'y a pas de mesure miracle. Il importe d'actionner ensemble tous les leviers à notre disposition et de mobiliser l'ensemble des acteurs territoriaux : les élus, les administrations, les agences régionales de santé (ARS). C'est pourquoi, dès l'annonce du Pacte, j'ai demandé aux directeurs généraux des ARS de se mobiliser en faveur des objectifs fixés.
Le Pacte territoire-santé se décline en trois axes : changer la formation et faciliter l'installation des jeunes médecins ; transformer les conditions d'exercice des professionnels de santé ; investir dans les territoires isolés.
Changer la formation des jeunes praticiens passe d'abord par le renforcement de l'obligation d'effectuer un stage dans un cabinet de médecine de ville. Tous les étudiants y sont soumis, mais la mesure demeure inappliquée. En outre, 1 500 bourses de service public seront accordées d'ici 2017, contre 300 ces dernières années. Et 200 postes de praticiens territoriaux de médecine générale seront créés dès 2013. Ce statut ne sera nullement un revenu minimum à vie comme le dénoncent certains, mais une garantie de revenu destinée à sécuriser l'installation, qui demande du temps et de l'énergie. Enfin, un « référent installation » unique sera créé dans chaque région : un nom et un numéro clairement identifiés. C'est que j'ai été à plusieurs reprises interpellée sur la difficulté à obtenir des informations, concernant les aides ou les zones où il est intéressant de s'installer.
Deuxième axe du pacte présenté par le gouvernement : accompagner la transformation des conditions d'exercice des professionnels de santé. Les jeunes praticiens et d'autres moins jeunes - sont aujourd'hui désireux de travailler en équipe de manière plus coordonnée. Or ils sont formés exclusivement à l'hôpital et pour l'hôpital ! Notre système doit évoluer. C'est la raison pour laquelle nous avons créé une rémunération forfaitaire d'équipe, versée collectivement dès lors qu'un service supplémentaire est apporté aux patients. Par exemple, l'ouverture d'un cabinet médical sur des plages horaires plus larges, ou la création de réponses aux besoins nouveaux des patients. Des diététiciens ont déjà trouvé par ce biais leur place dans des maisons pluridisciplinaires de santé. Plus généralement, la médecine ambulatoire est un lieu de formation au même titre que l'hôpital. Nous travaillons avec Geneviève Fioraso à la mise en place d'un label universitaire pour identifier les cabinets de ville dans lesquels une formation hors les murs est possible. J'ai récemment inauguré à Argenton-sur-Creuse une maison de santé exemplaire à cet égard.
Nous voulons en outre développer le potentiel offert par la télémédecine, notamment en dermatologie et en matière de télésurveillance cardiologique, et mettrons en place un programme spécifique de téléconsultations en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Enfin, nous souhaitons accélérer les transferts de compétences et sommes désireux à cette fin d'ouvrir les discussions avec les professionnels, notamment les ophtalmologues, spécialité dans laquelle les délais pour obtenir un rendez-vous sont les plus longs.
Troisième et dernier axe du pacte gouvernemental, l'investissement dans les territoires isolés. Le président de la République s'est engagé à rendre effectif l'accès aux soins urgents en moins de trente minutes, dans tous les territoires, dès 2015. Nous nous y sommes attelés dès l'année dernière. Nous lèverons les obstacles administratifs et juridiques à ce que des membres du personnel hospitalier, salariés, puissent travailler à temps partiel en appui aux médecins libéraux. Nous renforcerons les hôpitaux de proximité, qui sont au coeur des territoires : le passage, par exemple une journée tous les quinze jours, de professionnels de santé des CHU et CHR dans les petits hôpitaux de proximité, via le statut d'assistant partagé, sera facilité. Enfin, il est des secteurs dans lesquels des centres de santé composés de salariés sont nécessaires. Une mission a été confiée conjointement à l'IGAS et à l'IGF pour définir leur modèle économique et en faire des structures efficientes.
Voilà, à grands traits, la stratégie nationale de santé appelée de ses voeux par le Premier ministre. Elle requiert la mobilisation de tous. Soyez assurés de celle du gouvernement et de l'ensemble de l'administration pour la mener à bien.
Merci, madame la ministre, d'avoir répondu à notre invitation. Le fait que la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire se saisisse de la question des déserts médicaux a pu susciter les interrogations de la commission des affaires sociales. Or c'est bien d'aménagement du territoire qu'il s'agit, dès lors que l'on s'interroge sur l'offre de soins disponible dans les territoires, en particulier ruraux et périurbains.
Vous apportez des réponses de nature incitative. Les mesures, dans certains cas, existaient déjà mais méritent d'être réactivées. C'est le cas des contrats d'engagement par exemple. Je suis ravi que vous ayez évoqué les centres hospitaliers de proximité, car d'aucuns s'interrogeaient sérieusement sur leur fermeture. Je suis d'accord avec vous sur le numerus clausus : nous avons suffisamment de médecins. Mieux vaut concentrer nos efforts sur les moyens de les orienter vers les territoires sous-dotés.
Sur la coercition : j'y étais initialement favorable, avant que les auditions que nous avons conduites me fassent changer d'avis. Toutefois, il existe des propositions de régulation par le conventionnement qui méritent d'être regardées : un médecin s'installant délibérément dans une zone déjà bien dotée s'exposerait à subir la suppression de son conventionnement avec l'assurance maladie - et des aides sociales et avantages fiscaux qui l'accompagne. Un tel système s'apparente à de la coercition sans s'y réduire tout à fait. Sera-t-il de nature à pousser les médecins vers les autres territoires ? Je n'en suis pas certain mais au moins notre volonté sera clairement affichée. Je crois que les professionnels de santé sont aujourd'hui sensibilisés à la question des déserts médicaux. Que pensez-vous de cette idée d'agir sur le conventionnement ?
Je remercie madame la ministre d'avoir répondu à notre invitation à évoquer sans tabou ce problème de santé publique et d'égalité entre nos concitoyens - car comment appeler autrement la situation actuelle, quand certains Français attendent un rendez-vous médical 18 jours et d'autres 18 mois ?
Je suis d'accord sur le fait qu'il n'existe pas de solution miracle. L'objectif de réduire à 30 minutes maximum le temps d'accès à des soins d'urgence est louable, mais pourquoi ne pas l'étendre à tous les types de soins ? Le problème est moins celui de la distance kilométrique ou du temps de trajet que celui du temps d'attente pour un rendez-vous.
Je vous suis sur le travail d'équipe et la réflexion que vous menez sur les rémunérations, comme sur d'autres questions, dont le champ d'application est hélas plus restreint : la télémédecine ne concerne que la dermatologie, le transfert de compétences l'ophtalmologie, le rapprochement entre maisons de santé et université se contente de recenser les meilleures pratiques...
Certaines solutions que vous évoquez existent déjà : l'obligation pour les étudiants d'effectuer un stage dans un cabinet de médecine de ville figure dans le droit positif. Comment comptez-vous la rendre effective ? Vous augmentez le nombre des bourses de service public : mais à quoi cela servira-t-il ? Les étudiants n'en veulent pas ! En rajouter n'y changera rien. Rapprocher l'hôpital de la médecine ambulatoire était déjà un objectif de la loi Bachelot, mais on ne parvient pas à l'atteindre car on manque de médecins dans les hôpitaux...
Je suis en désaccord sur votre projet de revenu garanti pour les médecins territoriaux. En zone isolée, ceux-ci sont débordés de travail et leurs revenus y sont donc corrects.
Vous n'avez pas évoqué la formation des futurs médecins. Nous sortons d'une audition dans laquelle on nous a dit explicitement qu'en France on ne formait pas des médecins, mais des médecins hospitaliers ! La gestion, la psychologie, l'économie de la santé sont absentes de l'enseignement.
La question de la coercition est taboue en France. A droite comme à gauche, le lobby médical empêche de prononcer le mot. J'ignore si coercition et régulation sont synonymes pour vous. Vous dites en tout cas que la coercition est injuste. Soit. Mais les inégalités dont souffrent les Français, sont-elles justes ? La coercition priverait les médecins de leur liberté d'installation. Soit. Mais dans ce cas, rendons la même liberté aux pharmaciens, aux kinésithérapeutes, aux infirmières ! Pardonnez-moi de m'emporter ainsi, c'est que j'ai à coeur de privilégier l'intérêt général sur celui des médecins, pour mettre un terme à la terrible situation que nous vivons, dans certains territoires, en matière d'accès aux soins.
Je remercie Jean-Luc Fichet pour le soutien qu'il apporte à notre démarche. Certaines mesures existaient déjà, c'est exact. Mais si elles n'ont pas donné de résultats à ce jour, c'est que, prises isolément, elles étaient vouées à l'échec. A l'inverse, le plan du gouvernement est un ensemble de dispositions destinées à fonctionner de manière cohérente, et il s'appuie sur la mobilisation de tous les acteurs dans nos territoires. Je suis frappée de constater que des dispositions que nous avons votées, que nous connaissons, n'arrivent jamais à destination sur le terrain !
Sur les hôpitaux de proximité, je rappelle que c'est l'un des facteurs de présence ambulatoire sur un territoire.
J'en viens à la question de la régulation fondée sur la politique de conventionnement. Les jeunes médecins ne verraient pas de grande différence avec de la coercition pure et simple. En outre, les chances de succès d'un tel dispositif sont minces. Et pour de nombreuses spécialités, le risque serait grand d'accélérer l'instauration d'une médecine à deux vitesses, dans laquelle les praticiens seraient tentés de se déconventionner pour aller s'installer dans les zones où ils savent que la population est solvable. C'est le résultat inverse que nous recherchons. Je reste confiante en observant que les professionnels et les jeunes médecins - malheureusement, pas tous - prennent progressivement conscience des conditions d'accès aux soins de leurs futurs patients.
Hervé Maurey ne m'a pas bien entendue sur la formation des médecins. Celle-ci est en effet exclusivement hospitalière. D'où la création d'un label universitaire de formation hors hôpital. J'ajoute que nous avons engagé une réévaluation de la maquette des études médicales, comme cela se fait tous les dix ans. Nous veillerons à introduire dans les enseignements les sciences sociales, les enjeux éthiques, à sensibiliser les étudiants à la médecine de parcours, qui est au coeur de la stratégie nationale de santé, et à valoriser dans les programmes le travail en équipe. Le ministère de la santé et celui de l'enseignement supérieur et de la recherche y travaillent.
Sur la coercition, j'ai eu l'occasion d'indiquer à l'Assemblée nationale, lorsque la proposition de loi de M. Vigier est venue en débat, les raisons pour lesquelles nous n'y étions pas favorables. Elles sont toujours d'actualité.
Je reviens sur le projet de praticiens territoriaux. La question n'est pas celle du salaire. Les médecins qui s'installent dans les zones isolées ont surtout peur d'être seuls. Concrètement, comment votre mesure va-t-elle fonctionner ?
La question des transferts de compétences mérite d'être approfondie. La démographie médicale est ce qu'elle est. On n'utilise pas assez les professionnels qui ont fait des études poussées, comme les pharmaciens, les kinésithérapeutes ou les infirmières. Le réflexe qui consiste à se tourner automatiquement vers le médecin à tout propos doit être combattu. L'évolution a eu lieu dans certains domaines : la loi rapportée au Sénat par Alain Fauconnier permet désormais aux opticiens, grâce au vote unanime de notre assemblée, de prolonger la durée d'une ordonnance de trois à cinq ans, désemplissant les salles d'attente de médecins chez qui les délais d'obtention d'un rendez-vous sont particulièrement longs.
Ma question concerne l'évolution démographique en psychiatrie, qui est plus inquiétante encore que celle de la médecine générale. En 2005, la France comptait environ 13 000 psychiatres, or le chiffre devrait chuter de plus de 40 % d'ici à 2020. Les différentes pratiques - publique, libérale, associative - se concentrent en agglomération. L'âge moyen des psychiatres est le plus élevé de toutes les spécialités. Que comptez-vous faire pour cette spécialité ?
J'ai noté avec attention les évolutions que vous souhaitez apporter pour remédier à la fracture médicale que connaît notre pays. Vous avez rejeté un peu rapidement les pistes évoquées par M. Fichet. Or, à terme, il faudra parvenir, grâce à la coopération des collectivités territoriales, à une offre de soins correctement répartie sur le territoire.
Un mot sur les dégâts collatéraux de la désertification médicale. Je préside la conférence nationale des services d'incendie et de secours : 76 % de l'activité des sapeurs-pompiers sont liés aux secours à personnes. La charge financière induite incombe exclusivement aux collectivités territoriales. J'aimerais que ce sujet fasse l'objet d'un examen attentif dans le cadre de la réflexion que vous menez. Nous avons déjà sollicité l'IGF ; l'IGAS devrait être associée à la réflexion. Je souhaite en outre que soit mobilisé le secteur privé ambulancier, qui profite très largement du développement de son activité le jour, et décide parfois de ne rien faire la nuit, surtout dans les zones dangereuses, en laissant le travail aux services d'incendie et de secours... C'est un sujet important pour les territoires, notamment ceux dans lesquels vous avez agi avant de devenir ministre.
La région Centre est le deuxième désert médical de France après la Picardie, et les maisons de santé pluridisciplinaires ne vont pas tout résoudre. Avec un médecin pour 1 000 habitants, le département du Cher se situe en-deçà des normes de la région. Je ne crois pas aux trois premiers engagements : stages hors les murs, bourses, praticiens territoriaux. En revanche, l'engagement n° 9 me semble intéressant : dans les territoires ruraux, on est vite à plus de trente minutes d'un accès aux soins d'urgence, en particulier dans le sud du Cher. Les urgences médicales et chirurgicales sont un vrai problème. A Saint-Amand-Montrond, l'ARS a fermé les urgences médicales le dimanche et les jours fériés : or Bourges se trouve à plus d'une heure du sud du département et son service d'urgence est saturé... Cette mesure a été un choc pour tout le département. Vous l'avez suspendue pour six mois. Oui, mais ensuite ?
J'assistais hier à une réunion de ma communauté de communes portant sur la mise en place d'une maison médicale ou d'un pôle de santé. Six médecins souhaitent s'investir dans ce projet. Ils soulignent qu'à s'en tenir à la configuration actuelle, « d'ici trois ou quatre ans, il ne restera que cinq praticiens », contre douze aujourd'hui. Cependant, l'un d'eux avait apporté un document relatif aux pôles de santé : à le lire, on comprend que monter un tel projet, c'est bâtir une usine à gaz ! La France connaît des situations très diverses, mais la réglementation ne peut-elle être simplifiée ?
Quant aux jeunes, ils sont plus attirés par les centres hospitaliers. Y-a-t-il moyen de prévoir qu'une partie de leurs stages soient effectué en milieu rural ou périurbain ?
Je vous remercie d'avoir mis l'accent sur les disparités au sein des villes, car je suis maire d'une grande ville et peux en témoigner. J'ai été frappé par un chiffre sur le risque d'obésité des enfants : à Strasbourg, l'écart est de 1 à 4 entre les enfants des quartiers périphériques et ceux des quartiers centraux. Le mode de vie est en cause, mais également l'insuffisance de la présence médicale. Nous avons deux maisons de santé dans les quartiers, elles fonctionnent bien. Madame la ministre parle de financer l'interdisciplinarité. Pourrions-nous avoir des précisions sur ce point ?
Avant même de pouvoir se soigner, dans un désert médical, il faut trouver un médecin référent. En Picardie, des cabinets médicaux ont été fermés, les médecins qui restent sont débordés et refusent le rôle de référent auprès de nouveaux patients. En conséquence, les personnes ne renonceront pas forcément à se soigner mais elles seront moins bien remboursées. Or la sécurité sociale est étrangement peu offensive sur ces questions... Pour les patients, c'est la double peine.
Une remarque sur les représentations que nous nous faisons concernant le dialogue avec les professionnels de santé. On est passé de mesures d'incitation à l'idée d'une coercition, dont a parlé Hervé Maurey. Il y a quelques années, une étude de l'ordre des médecins révélait que 30 % des étudiants en médecine n'exerçaient pas comme praticiens à la fin de leurs études, en particulier les femmes. Pourquoi ? S'agit-il de femmes qui ont fait des études en attendant de se marier ? Aujourd'hui, les jeunes médecins veulent travailler en structure collective, ils aspirent à pouvoir avoir une vie de famille. Or l'hôpital permet cela.
Que sont devenus les réseaux de soins, notamment ceux mis en place à l'époque du RU-486 ? Il faut bien sûr rémunérer le temps que les praticiens passent à travailler pour le réseau... Apparemment, d'autres priorités sont passées au premier plan. Mais il manque un continuum. Beaucoup de médecins souhaitent être salariés, et nous n'avons pas encore trouvé les structures adéquates, en dehors de l'hôpital. Je signale que les médecins qui parlent au nom des généralistes sont, eux, attachés au mode de rémunération ancien, ou plutôt, archaïque.
La couverture sanitaire en Guadeloupe pose problème, particulièrement à Marie-Galante. C'est pourquoi j'ai organisé des rencontres entre les élus et la direction de l'ARS. La fermeture sans explication d'un hôpital a causé une grande détresse parmi le personnel et les malades. J'ai demandé à vous rencontrer, madame la ministre, avec une délégation. Ce n'est pas la directrice de l'ARS que nous voulons voir, mais vous !
Depuis des années, l'accès aux soins est un problème crucial : bien souvent, le temps de trajet est supérieur à 30 minutes. Qu'un hélicoptère basé en Martinique ou à Pointe-à-Pitre tombe en panne, et c'est le drame. Nous avons connu plusieurs cas similaires à celui qui s'est produit en Corrèze. Souvent, les patients sont obligés de prendre le bateau : la traversée dure entre 45 minutes et une heure... quand la mer est calme !
Le président de la République s'était engagé, avant son élection, à renouer avec l'excellence de notre système de santé, à renforcer l'hôpital public outre-mer, à prendre en compte la géographie archipélagique de la Guadeloupe dans la mise en oeuvre des décisions publiques. Nous avons besoin aujourd'hui d'une décision claire et forte du gouvernement pour instituer la continuité territoriale comme règle d'organisation du secteur de soins. C'est pourquoi toute la délégation tient à rencontrer la ministre. Il faut se rendre sur place pour mieux comprendre comment fonctionne notre système de santé. Nous avons connu des situations très graves à deux reprises récemment et je ne voudrais pas qu'un jour les media ne s'emparent d'une affaire de ce genre...
Je participe au groupe de travail sur la présence médicale. La question est avant tout celle d'une inégalité de la répartition des médecins sur le territoire. Pour ma part, à l'origine, j'étais favorable à la coercition. Les professeurs de l'éducation nationale sont nommés dans telle ou telle académie. De même les médecins, y compris « libéraux », participent à un service public et sont rémunérés par la sécurité sociale sur des deniers publics. Je trouverai normal que la puissance publique donne des objectifs aux médecins, sans que ceux-ci puissent s'en exonérer.
Je partage votre analyse sur l'hôpital de proximité. Encore faut-il que les vacataires viennent effectivement, autrement dit que ceux inscrits au tableau soient réellement présents !
Nous avons à construire le modèle de demain. Les médecins veulent plus de collégialité et une aide à l'installation. Nous devons aller dans ce sens, et organiser une bonne répartition des hôpitaux et des pôles de santé.
J'entends les mots de coercition, régulation, salariat... Il est facile de taper sur les médecins. Parmi les 200 000 médecins, beaucoup n'en peuvent plus, voire sont au bord du burn out. Ils ne veulent pas être salariés, mais ils aspirent à une autre vie.
Comment en sommes-nous arrivés là ? On a parlé de formation, de numerus clausus, mais bien rarement d'aménagement du territoire. Les déserts médicaux sont avant tout des territoires déserts. Avec l'urbanisation massive, les territoires ruraux abandonnés sont de plus en plus ruraux... Nous avons besoin d'une vision holistique, globale, interministérielle, pour l'aménagement du territoire : les ministères travaillent-ils entre eux sur le sujet ?
M. Cornu se dit sceptique au sujet des praticiens territoriaux de médecine générale. Ce dispositif a pourtant reçu le soutien d'un syndicat d'internes de médecine générale. Les jeunes médecins me le disent, l'enjeu de l'installation, dans la durée, n'est pas financier. Quand on s'implante dans un territoire inconnu, il faut du temps pour être accepté. Il y a une méfiance, les jeunes médecins doivent faire leurs preuves. Nous offrons donc à l'arrivant une sécurisation valable pendant un temps limité - deux ans. Concrètement, nous définissons un revenu de référence ; s'il n'est pas atteint, la sécurité sociale versera la différence. Mais au bout de deux ans, nous considérons que l'installation doit être achevée, que la greffe doit avoir pris.
Je partage votre analyse sur les transferts de compétences et sur le rôle possible des professions paramédicales : les pharmaciens ont souvent le premier contact avec le patient. Nous devons jouer sur les compétences des infirmiers, des kinésithérapeutes... Les médecins doivent se recentrer sur le médical.
J'entends ce que dit M. Teston au sujet des psychiatres. Ils sont effectivement très concentrés dans les grandes agglomérations, et le défi est réel, d'autant que les maladies mentales ont de plus en plus souvent un caractère chronique. Nous devons renforcer la formation des étudiants et améliorer celle des généralistes qui sont souvent le premier recours. Le sujet sera traité, je l'espère prochainement, dans un projet de loi de santé mentale.
M. Rome, ma priorité est de faire le lien avec les territoires. Oui, M. Houpert, l'aménagement du territoire est essentiel, et toutes les collectivités ont un rôle à jouer. Les jeunes médecins, souvent élevés dans une culture urbaine, réclament une vie culturelle, des écoles... leurs conjoints exercent souvent une profession en ville. Nous menons un travail de réflexion sur les services publics et je doute que la politique des gouvernements précédents, qui consistait à supprimer les services publics dans les territoires, ait beaucoup contribué à l'attractivité des zones concernées. Pourquoi, se demandent les médecins libéraux, aurions-nous là une responsabilité particulière, quand vous y fermez les services publics et hospitaliers ?
Je suis d'accord, M. Rome : les professionnels doivent entendre les attentes des Français. Celles-ci sont très fortes, j'en ai parfaitement conscience.
Oui, je connais un peu le problème que vous évoquez au sujet des pompiers... L'opposition entre les services d'urgence hospitaliers et les SDIS ne date pas d'hier. Nous verrons avec Manuel Valls comment cheminer sur cette question.
La situation du Cher n'est effectivement pas réjouissante : dans la liste des déserts médicaux, la Picardie a cédé sa première place à la région Centre. Celle-ci a la particularité de posséder des centres très urbanisés, comme Orléans ou Tours, et des territoires ruraux où l'offre est très insuffisante. J'ai demandé à l'ARS un moratoire pour les urgences de Saint-Amand-Montrond. L'enjeu est de faire évoluer l'offre de soins d'une manière satisfaisante, de valoriser le temps médical. A quoi bon mobiliser des médecins la nuit pour des urgences chirurgicales s'il n'y a plus d'intervention ? Ce sont autant de médecins qui ne travailleront pas le lendemain... Nous devons réfléchir à une structuration d'ensemble : cela suppose de la coordination, des aménagements, des coopérations. Cela prend du temps, mais j'y suis attachée et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé ce moratoire.
M. Revet, la simplification est une exigence, mais j'entends parfois des propos qui traduisent une forme de confusion. Les maisons pluridisciplinaires de santé ne sont pas la seule réponse. Il ne s'agit pas de mettre en place des structures exclusivement publiques, où les médecins n'auraient plus aucune initiative. Beaucoup de jeunes internes sont prêts à s'installer ailleurs que dans les grands centres urbains, mais les obstacles sont importants, voilà pourquoi cette simplification doit avoir lieu.
Quant aux stages, ils doivent se faire le plus souvent possible dans les secteurs où nous avons besoin de médecins, ce qui exige de créer des structures de soutien.
M. Ries, la politique du vélo à Strasbourg contribue à la prévention ! Et il y a dans cette ville des maisons de santé exemplaires. La lutte contre l'obésité appelle un travail en équipe, que nous financerons comme un temps médical consacré au suivi de la population.
Le financement qui sera mis en place n'est pas un financement pour les structures, pour leurs murs, comme dans les contrats de plan État régions : c'est un financement de la sécurité sociale pour service médical rendu. Il s'agit d'accompagner dans la durée le travail médical : c'est une première évolution de la rémunération des médecins, qui ne sera plus exclusivement un paiement à l'acte, mais dont une partie reposera sur une forfaitisation rendant compte du travail de prévention.
Mme Rossignol, la sécurité sociale n'a jamais intérêt à ce que les patients ne soient pas bien suivis, car la dégradation de leur état de santé coûte plus cher ensuite. Mais je sais qu'il est devenu difficile, dans certains territoires, de trouver un médecin référent. Il est important de dégager du temps médical, aujourd'hui trop mangé par des tâches administratives. D'où la simplification.
En attendant, comment font les patients qui ne sont pas remboursés faute de médecin référent ?
Le phénomène que vous relevez n'est pour l'instant pas majeur : le nombre de patients qui ont un médecin référent est très élevé.
Quant aux réseaux, ils se sont constitués sur la base d'une pathologie ou étaient centrés sur la prévention ; ils intervenaient auprès des professionnels de santé en structure d'appui.
M. Cornano, je connais la situation de Marie-Galante, de sa maternité, de sa chirurgie. Vous avez été reçu au cabinet et le serez à nouveau. Nous suivons attentivement la situation, en vue d'une meilleure prise en charge des patients et des parturientes. Nous avons travaillé à l'amélioration des transports en hélicoptère et nous voulons favoriser les déplacements des familles. Des progrès sont possibles, je vous propose d'y travailler ensemble.
Je partage l'idée de Mme Didier d'un service public de santé, qui justifie de fixer des objectifs aux professionnels, des modalités d'exercice, en équipe par exemple. L'enjeu est toujours la réduction des inégalités de santé, c'est-à-dire la garantie pour chacun de pouvoir consulter un professionnel à un tarif accessible. C'est pourquoi le gouvernement a fait de la lutte contre les dépassements d'honoraires une priorité.
Je vous remercie pour ces réponses précises et pour la manière dont vous avez pris le sujet en mains.
La commission procède à la nomination d'un rapporteur sur la proposition de loi n° 54 (2012-2013) relative à la création de zones d'exclusion pour les loups.
Stéphane Mazars est désigné rapporteur sur la proposition de loi.
La commission procède à la nomination d'un rapporteur sur la proposition de loi n° 118 (2010-2011), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'Union européenne.
Notre collègue est en effet devenu spécialiste des questions aériennes. Sa candidature est opportune.
Vincent Capo-Canellas est désigné rapporteur sur la proposition de loi.
La commission procède à la nomination d'un rapporteur sur le projet de loi n° 260 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transport.
Nous sommes certes pris par le temps, mais notre commission gagnerait à fonctionner normalement, en examinant au sein de son bureau les candidatures des rapporteurs avant leur désignation. S'agissant d'un projet de loi, il est bon que le rapporteur soit en phase avec le gouvernement : la candidature de Roland Ries s'impose donc.
Notre bureau ne s'est pas réuni depuis deux mois. Je rappelle que la majorité sénatoriale n'est pas majoritaire au sein de notre commission. Je souhaite que notre bureau se réunisse plus régulièrement, et notamment en amont de la désignation des rapporteurs.
J'entends toutes ces remarques. Le fonctionnement de notre commission n'est toutefois pas anormal ! La consultation élargie à la commission dans son ensemble pour désigner un rapporteur a un caractère démocratique et respecte les équilibres politiques. L'activité législative s'est en outre accélérée depuis la dernière réunion de notre bureau, elle nous a laissé peu de loisir d'organiser des réunions de bureau, mais il y en aura une la semaine prochaine, mercredi 23 janvier à 8h30.
Je n'ai pas parlé d'anormalité - même si je ne suis pas partisan de la normalitude à tout va... Je m'étonne simplement de ce que l'on ne connaisse pas à l'avance les candidatures déposées. Par respect pour les groupes politiques qui sont représentés en notre sein, nous devrions avoir une vision globale de ce qui se passe.
Roland Ries est désigné rapporteur sur le projet de loi.
Nous sommes appelés à désigner un rapporteur pour avis sur la proposition de loi n° 682 (2011-2012), présentée par M. Philippe Marini, pour une fiscalité numérique neutre et équitable.
Malgré mon intérêt pour le sujet, j'accepte de retirer ma candidature et je soutiens celle qui est proposée par le groupe UMP.
Sur cinq rapports, l'UMP pourrait en établir au moins un... d'autant que la proposition de loi émane de M. Philippe Marini.
Le groupe UMP existe dans cette commission, la nomination d'Alain Houpert a pour but de l'attester. Aucun rapport ne nous a été confié jusqu'à présent.
Cela n'est pas tout à fait exact, je pense par exemple au rapport sur la proposition de loi Doligé de Rémy Pointereau, mais n'envenimons pas le débat.
La demande de l'UMP est légitime, mais le meilleur moyen d'être rapporteur n'est-il pas de proposer des textes ? Yves Rome est très qualifié. Je propose d'étudier la demande du groupe UMP en réunion de bureau pour voir quels rapports peuvent lui être proposés dans l'avenir. Que Philippe Marini soit l'auteur de la proposition de loi n'est pas pour moi un argument. Ce serait plutôt l'inverse...
Si les choses sont écrites à l'avance, fort bien, nous en prenons acte.
Attendons la réunion de bureau de la semaine prochaine : nous y déterminerons quel texte pourrait être confié à l'UMP. Dans l'immédiat, prononçons-nous sur la proposition de Laurence Rossignol, la candidature d'Yves Rome. Je suis pour.
Alain Houpert retirera sa candidature, mais à l'avenir, il faudra travailler ensemble plus en amont.
Yves Rome est désigné rapporteur pour avis sur la proposition de loi.