Voilà pour le premier constat.
Chers collègues de la majorité, je reviendrai également sur la comparaison que vous faites entre le conseiller territorial et le conseiller départemental à venir.
Derrière le conseiller territorial, il y avait une véritable réflexion sur l’organisation des pouvoirs publics entre les régions et les départements. On pouvait être pour, on pouvait être contre. Les pro-départements craignaient effectivement que la région ne les absorbe. Certains, au niveau des départements, pensaient que ce serait le contraire. En tout cas, cette création répondait à une logique visant à nous engager dans une vraie réforme institutionnelle de notre millefeuille.
Je constate que, avec votre texte, on ne se situe pas du tout dans cette logique. On ne traite que du problème électoral, celui du redécoupage des cantons qui, effectivement, est une nécessité ; le Conseil constitutionnel a depuis bien longtemps souligné qu’il fallait revoir le découpage de ces cantons. Pour autant, vous commencez par traiter le problème électoral et vous nous annoncez que l’acte III de la décentralisation est pour plus tard. Une nouvelle fois, nous mettons donc la charrue devant les bœufs et procédons de la plus mauvaise manière qui soit.
J’évoquerai maintenant les zones urbaines.
On a beaucoup parlé de la ruralité et de l’éloignement des élus par rapport aux territoires, qui est un véritable problème, mais il ne faudrait pas croire, mes chers collègues, qu’en zone dense, en zone urbaine, ce mode de scrutin ne pose pas non plus de difficultés.
Prenez l’exemple de la première couronne parisienne, dont les trois départements comprennent environ quarante communes chacun : aujourd'hui, les limites cantonales sont complètement invisibles pour nos concitoyens. Lorsque le canton est calqué sur les limites communales, le maire ou le premier adjoint est souvent conseiller général ; il y a une certaine visibilité.
Là, vous nous imposez de doubler la taille des cantons. On va donc forcément aboutir à des cantons qui seront découpés sur deux communes, deux communes et demie. Nous serons obligés de sortir des circonscriptions législatives parce que, si nous y restions, le travail serait impossible en première couronne parisienne.
Nous allons donc créer de facto de nouvelles limites qui ne seront absolument pas identifiables par nos concitoyens, ce qui créera de nouveau un éloignement entre les électeurs et leurs élus ; le système, qui était déjà très peu clair, dans cette première couronne parisienne, le sera encore moins.
Monsieur le ministre, on nous parle du Grand Paris tous les quatre matins. Le Président de la République, hier, dans ses vœux, a encore appelé à la constitution de ce Grand Paris. Il faudra le faire émerger non pas seulement au sens du transport public que représente le Grand Paris Express, mais aussi au sens d’une collectivité locale ou d’un EPCI. Et il faudra bien alors désigner des élus. Selon quel mode, sur quelles limites de circonscription ?
Monsieur le ministre, il aurait fallu, dans votre texte, opérer des distinctions en fonction des territoires ; or votre projet traite de la même manière, du point de vue électoral, les zones rurales, les territoires peu peuplés et les zones très denses, notamment la zone dense de la région d’Île-de-France.
En prenant les choses par ce biais, c’est un très mauvais système que vous nous proposez, qui sera tout aussi illisible en zone dense qu’en zone rurale. Voilà pourquoi je ne puis m’y rallier. §