Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • canton
  • parité
  • ruraux
  • territorial
  • urbain

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral (projet n° 166 rectifié, texte de la commission n° 252, rapport n° 250).

Nous passons à la discussion des articles.

Titre Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AU CONSEIL DÉPARTEMENTAL

Dans l’ensemble des dispositions législatives en vigueur :

1° Les mots : « conseil général » et « conseils généraux » sont remplacés respectivement par les mots : « conseil départemental » et « conseils départementaux » ;

2° Les mots : « conseiller général » et « conseillers généraux » sont remplacés respectivement par les mots : « conseiller départemental » et « conseillers départementaux ».

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de très nombreuses années, le groupe CRC, dès qu’un texte de loi traitant des élections locales est examiné par notre assemblée, dépose un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er afin de demander que le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales, départementales et régionales soit accordé aux étrangers ressortissants de l’Union européenne et aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant régulièrement en France depuis au moins cinq ans.

Nous ne le ferons pas cette fois : le Sénat s’est en effet prononcé voilà quelques mois en adoptant une proposition de loi allant dans ce sens, ce dont nous nous félicitons.

Cependant, monsieur le ministre, nous voulons une nouvelle fois rappeler au Gouvernement notre engagement fort en faveur de cette proposition, que beaucoup ont portée et soutenue.

Nous soulignerons donc que le droit de vote local des ressortissants d’un État non membre de l’Union européenne fait partie des soixante engagements du candidat devenu Président de la République et qu’il faudra bien qu’il soit, comme les autres, respecté. Le Président de la République sait qu’une loi en ce sens serait adoptée majoritairement par le Parlement. D’ores et déjà, le Sénat ne se déjugeant pas, il est assuré du soutien de la Haute Assemblée, et nous sommes persuadés qu’une large majorité lui serait également acquise à l’Assemblée nationale.

Aussi, nous demandons solennellement au Gouvernement de prendre l’initiative de présenter un tel projet de loi au Parlement. Ceux qui refuseront son adoption prendront alors leurs responsabilités, mais, au moins, une majorité de parlementaires pourra exprimer son soutien à cette réforme qu’attendent nos concitoyens depuis plus de trente ans.

Il est temps de passer aux actes et de soumettre à la représentation nationale un projet de loi en ce sens. L’acte politique serait alors posé.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous entrons ce matin dans le vif du sujet avec la discussion des articles, et je souhaiterais formuler un certain nombre de remarques préliminaires.

Je voudrais tout d’abord préciser à M. le ministre, qui connaît notre appartenance politique mais peut-être pas la commission dans laquelle nous siégeons, que je ne suis pas membre de la commission des lois…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Néanmoins, la question du conseiller territorial, ou départemental, m’intéresse, et je me permettrai donc de m’exprimer sur le sujet.

L’article 1er prévoit un simple changement de dénomination, ce qui est significatif. La majorité semble avoir du mal à faire le deuil du conseiller territorial, puisque l’expression était hier encore largement employée. Pour notre part, nous en prenons notre parti, la majorité ayant l’intention d’adopter la dénomination « conseiller départemental », et nos discussions porteront sur nos différences d’analyse.

Je rappelle que la création du conseiller territorial a été adoptée par le Parlement, même si tout le monde n’était pas d’accord, et qu’un certain nombre de parlementaires n’avaient pas changé d’opinion entre le début et la fin de la discussion.

Cette réforme fut proposée au nom de la transparence, de la simplification et de la clarification, tout comme le texte que vous nous présentez aujourd'hui : comme quoi, chacun peut avoir des analyses assez différentes sur des sujets proches !

Jusqu’à présent, lorsque le maire avait besoin de défendre un dossier d’investissement, il avait deux interlocuteurs : le conseiller régional et le conseiller général du canton. Avec le conseiller territorial, il ne devait plus disposer que d’un seul interlocuteur, mais, avec ce nouveau texte, il en aura trois : deux conseillers départementaux et un conseiller régional, ce qui va à l’évidence dans le sens de la clarification et de la transparence…

J’en viens au sujet qui me préoccupe le plus.

Au cours des très longs débats que nous avons consacrés à la mise en place puis à la mise à mort, si j’ose dire, du conseiller territorial, l’un des principaux reproches qui nous ont été adressés concernait le fait de ne pas se prononcer sur ses compétences avant de changer le mode de scrutin, bref de ne pas connaître la règle du jeu. Ce fut un véritable leitmotiv, et il suffit de se reporter au compte rendu de nos débats pour s’en convaincre.

Chers collègues de l’actuelle majorité gouvernementale, je vous renvoie le compliment, si j’ose dire, puisque vous êtes en train de créer un environnement législatif extrêmement complexe. Outre l’acte III de la décentralisation, les nouvelles compétences des départements et des régions, un texte sur le cumul des mandats est évoqué. L’opposition aura des choses à dire, bien sûr, mais c’est la majorité qui en subira le plus les conséquences, chacun sachant qu’il y a davantage de « cumulards » à gauche qu’à droite en France. La majorité compte en effet plus d’élus, et elle souffrira donc plus que nous de ce texte !

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Nous avons entendu dire que cinquante-huit députés, soit environ 10 %, seraient élus à la représentation proportionnelle. Le découpage des circonscriptions va donc être modifié, et nous ne savons pas, aujourd'hui, comment nous allons fonctionner. Je me permets par conséquent de souligner, monsieur le ministre, que le Parlement va probablement adopter de nouvelles règles concernant le conseiller départemental sans avoir connaissance de son environnement et des règles du jeu, ce qui nous pose un certain nombre de problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les membres du groupe des non-inscrits n’ayant pas la possibilité de prendre la parole sur les motions, je profiterai de cette intervention sur l’article 1er pour dire ce que je pense du projet de loi.

Ce projet ressemble sur de nombreux points à la réforme qui nous avait été proposée lors de la précédente législature, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, en particulier pour tout ce qui concerne les communes et les intercommunalités, hormis des fluctuations de seuil. La différence, c’est que le conseiller territorial redevient le conseiller général. Cependant, ce qui fait le plus débat, actuellement, c’est le rééquilibrage démographique des cantons. Or le conseiller territorial conduisait aussi à ce rééquilibrage.

Je trouve assez extraordinaire que les élus de l’actuelle majorité, qui, lorsqu’ils étaient dans l’opposition, étaient défavorables aux dispositions proposées par le précédent gouvernement, soient aujourd’hui favorables à des dispositions similaires. De même, nombre d’élus de l’actuelle opposition qui trouvaient très bonnes les propositions de l’ancien gouvernement considèrent, aujourd’hui qu’ils n’appartiennent plus à la majorité, que quasiment les mêmes choses sont devenues très mauvaises. Tout cela parce que la couleur politique du Gouvernement a changé !

Pour ma part, je me prononce en fonction du contenu des dossiers, et sans arrière-pensées politiques.

J’étais très favorable aux propositions du précédent gouvernement concernant tant le mode de scrutin municipal, les désignations dans les intercommunalités que les dispositions relatives au conseiller territorial.

On nous propose aujourd’hui sensiblement la même chose. Le texte prévoit cependant l’abrogation du conseiller territorial, un nouveau découpage cantonal et l’introduction de binômes. Je pense que ces dispositions ne peuvent faire que du bien. Cela permettra de rénover un peu les conseils généraux, qui ronronnent. Un profond renouvellement de temps en temps est certainement profitable à la démocratie.

Telles sont les raisons pour lesquelles, indépendamment de toute préoccupation politicienne, je voterai ce projet de loi, qui me paraît tout à fait pertinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Hyest, Retailleau, B. Fournier, Béchu, Bas, Cointat, Buffet, de Legge, Chauveau, Lefèvre, Doligé, Cornu et Carle, Mme Cayeux, MM. Doublet, D. Laurent, Gournac et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La volonté d’appeler « conseils départementaux » les conseils généraux n’est pas nouvelle. Un tel changement a d’ailleurs déjà été voté, suivi d’un retour en arrière.

Le conseil général est certainement l’une des plus anciennes institutions de la République. Il s’appelle ainsi depuis l’origine.

Nous sommes bien entendu défavorables à ce texte et souhaitons le maintien du conseiller territorial. À partir de là, il ne sert à rien de changer le nom « conseil général ». La réforme du précédent gouvernement prévoyait un seul élu, siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional.

Nous proposons de supprimer l’article 1er. Mais une adoption de ce dernier n’aurait de toute façon aucune incidence si votre réforme devait ne pas être votée par la Haute Assemblée. Toutefois, si jamais le conseiller départemental voyait le jour – pas au Sénat, mais peut-être à l’Assemblée nationale –, je n’aurais pas d’opposition particulière au changement de nom qui nous est proposé. Je rappelle cependant qu’on parle non pas de « conseil communal », mais de « conseil municipal ». Vous changez de nom juste pour le plaisir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. On change tout, même les institutions les plus universelles. Quel progrès ! C’est cela la modernité…

M. Bruno Retailleau applaudit.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Le texte dont nous débattons va sûrement susciter nombre de réflexions et de débats concernant les modes de scrutin ; mais je pensais au moins qu’un consensus était possible au sein du Sénat sur le nom de l’assemblée départementale.

Je rappelle qu’il s’agit là d’une revendication ancienne des départements. C’est à l’unanimité, lors de leur congrès de Deauville en 1999, qu’ils ont demandé que la dénomination « conseil général » soit transformée en « conseil départemental », en vue d’une meilleure lisibilité pour nos concitoyens.

Permettez-moi de faire un bref rappel historique sur l’assemblée départementale, au sein de laquelle je n’ai jamais eu l’honneur de siéger. La dénomination « conseil général » semble dater de la Révolution, époque à laquelle on parlait de conseil général de départements, de conseil général de communes, de conseil général de districts. Le mot « général » est ensuite passé à la trappe, sauf pour les départements, au motif que le conseil général était la plus haute assemblée locale.

Depuis, les régions ont été créées en 1982, avec des conseillers régionaux élus au suffrage universel direct.

On voit bien que les termes « conseil général » ne correspondent plus à la réalité, qu’ils ne sont pas lisibles pour nos citoyens. Donner un nom qui reflète la réalité n’aurait rien de révolutionnaire. Cela renforcerait le département et lui donnerait une plus grande lisibilité.

Je m’étonne tout de même que l’opposition cherche à engager une polémique

Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

… sur un point qui fait l’objet d’un large consensus au sein de l’Association des départements de France.

Les règles de l’élection des conseillers départementaux vont être beaucoup modifiées. Profitons-en également pour changer la dénomination « conseil général » et donner ainsi une plus grande lisibilité à cette assemblée. Les départements, je le répète, en sortiront renforcés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Je ne peux pas laisser dire qu’il y avait unanimité à Deauville : j’y étais et je n’étais pas d’accord !

Je soutiens mon collègue Jean-Jacques Hyest pour la raison suivante : si une multitude d’appellations comprennent les termes « conseiller départemental » – conseiller départemental de l’éducation nationale, conseiller départemental de la jeunesse et des sports, par exemple –, la dénomination « conseiller général » est en revanche une appellation unique, connue de tous.

Je ne vais pas me battre sur cette question, mais je pense très sincèrement que la modification proposée sera source de confusion. Si un tel changement était adopté, il faudrait alors interdire à un certain nombre d’organisations, notamment de l’État, d’utiliser l’appellation « conseiller départemental ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Sur ce point, je partage modérément le point de vue de mon collègue Philippe Adnot, dont l’argument pourrait être utilisé aussi pour les conseillers régionaux : il existe en effet aussi des conseillers régionaux de l’éducation nationale, par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Si, il y en a !

Pour ma part, j’ai toujours été favorable à l’appellation « conseiller départemental », comme d’ailleurs – il faut le reconnaître – de très nombreux élus de droite. Ce n’est pas parce que la proposition de changement émane d’un gouvernement de gauche qu’il faut être contre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois s’est prononcée en faveur du conseil départemental.

Cet amendement, qui vise à changer le nom du conseil général, a une certaine histoire dans notre parlement. Le même amendement avait été présenté voilà vingt ans. Et je sais le motif pour lequel, en plus des raisons excellemment rappelées par notre ami Philippe Kaltenbach, il avait suscité des réticences. Elles tiennent au fait que, sous le régime de Vichy, le conseil général avait été dénommé « conseil départemental ». Un certain nombre de nos collègues, il y a vingt ans, craignaient donc de raviver le souvenir de cet épisode naturellement très triste de l’histoire de notre pays.

Très franchement, je ne pense pas que cette connotation soit présente aujourd’hui dans l’esprit de nos concitoyens.

En revanche, il est tout à fait clair qu’un certain nombre de nos concitoyens confondent un peu les choses. Ainsi, il m’est arrivé récemment d’entendre un maire être félicité pour des travaux dans un collège, puis dans un lycée. Lorsqu’il explique que c’est au conseil général ou au conseil régional que l’on doit ces travaux, les gens s’étonnent. Manifestement, ils ne connaissent pas très bien ces instances.

On dit parfois que le Sénat a des tendances conservatrices. Vous savez bien, mes chers collègues, que cela ne correspond nullement à la réalité. Pour ma part, je pense que, 222 ans après la création des départements – c’est un délai raisonnable… –, le conseil du département pourrait être appelé « conseil départemental ». On a déjà suffisamment attendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de regretter les conditions dans lesquelles nous allons examiner ce texte. Alors que nous sommes déjà jeudi matin, nous entamons seulement l’examen de l’article 1er. Le Gouvernement souhaitant absolument que l’examen de ce projet de loi soit achevé cette semaine, cela signifie que, une fois de plus, alors que plus de 300 amendements ont été déposés sur un texte important, nous allons devoir débattre à la schlague – permettez-moi cette expression – et que nous terminerons à la va-vite dans la nuit de vendredi à samedi, ce qui n’est pas satisfaisant.

J’ai écouté hier les vœux du Président de la République à la télévision – tous les parlementaires ne sont plus aujourd’hui invités à l’Élysée à cette occasion… Il a souhaité que le Parlement travaille dans de meilleures conditions. À cet égard, nous aimerions des actes, et pas seulement des paroles.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 3 rectifié bis visant à supprimer l’article 1er. Les membres du groupe de l'UDI-UC ne voteront pas cet amendement et se prononceront en faveur de l’article. Je n’aurai pas de nombreuses occasions de le dire au cours des débats, la modification prévue par cet article ne nous choque pas. Elle constitue même une clarification : c’est l’un des rares points positifs du texte, même s’il n’est pas enthousiasmant. On sait très bien que, aujourd’hui, le conseiller général est un peu mystérieux pour nos concitoyens. L’appellation « conseiller départemental » aura au moins le mérite d’être plus lisible, plus claire.

J’ajoute, même si je sais que beaucoup ne seront pas d’accord avec moi et même si ce n’est pas à la mode de le dire, que, personnellement, je regrette l’abrogation du conseiller territorial.

Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je n’ai pas voté la loi de réforme des collectivités locales. En revanche, j’ai voté en faveur de la création du conseiller territorial, car je pensais que le fait qu’un même élu siége au département et à la région permettait une plus grande cohérence des politiques menées dans ces deux assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Comme un grand nombre d’entre vous, j’ai été conseiller général. Il est vrai que, lorsqu’on est conseiller général ou conseiller régional, on ne sait absolument pas ce qui se passe dans l’autre assemblée. On met parfois en œuvre des politiques redondantes, voire divergentes.

La création du conseiller territorial me paraissait donc aller dans le bon sens, même si cela n’était pas suffisant. Je suis de ceux qui pensent qu’une clarification des compétences est nécessaire pour que nos citoyens, et même les élus, s’y retrouvent. Aujourd’hui, nous n’avons aucune lisibilité de ce que font les uns et les autres.

Je regrette également, même si le même reproche avait été à juste titre adressé au précédent gouvernement, que l’on mette encore une fois la charrue devant les bœufs : on modifie le mode de scrutin d’une assemblée dont on ne connaît pas encore les compétences qu’elle aura demain.

La majorité gouvernementale fait aujourd’hui – et c’est une habitude chez elle – ce qu’elle reprochait à l’ancien gouvernement et à sa majorité d’alors de faire lorsqu’elle-même était dans l’opposition : elle reprochait à l’ancienne majorité et à l’ancien gouvernement de proposer des textes saucissonnés, et, aujourd’hui, elle fait exactement la même chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous commençons par examiner des projets de lois électoraux. Ensuite, nous discuterons de textes précisant les compétences, avant, enfin, d’en venir au non-cumul des mandats. Tout cela est saucissonné, à dessein je pense, afin que l’on ne puisse pas avoir une vision et une discussion globales. Je le regrette.

Je ne voterai pas l’amendement n° 3 rectifié bis. Je voterai en revanche l’article 1er. Ce sera sans doute, comme je l’ai déjà dit, l’un des seuls articles que nous pourrons voter.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Monsieur le sénateur, je n’aborderai pas le fond du sujet, car nous l’avons beaucoup fait depuis mardi soir, et nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des prochaines heures. En revanche, je vous remercie de votre soutien sur l’article 1er.

Je tiens simplement à dire que je suis très respectueux du travail du Sénat, comme en témoigne ma présence, logique, au banc du Gouvernement, depuis mardi soir.

Si nous avons pris du retard – pardonnez-moi de vous le rappeler, monsieur le sénateur –, c’est parce que le Sénat a consacré, comme c’était normal, deux heures à la situation au Mali.

Je vous assure que, malgré les responsabilités qui sont les miennes en ces moments où des menaces lourdes pèsent sur notre pays et sur nos ressortissants, je serai là pour participer au débat et pour vous écouter.

Le Gouvernement respecte le travail du Parlement en général et les débats du Sénat en particulier.

Tout le monde connaît la position du Gouvernement et de la majorité sur cette réforme.

D’autres textes devront être examinés. Vous ne pouvez quand même pas supposer qu’une nouvelle étape de la décentralisation s’organise en quelques semaines ! Le cumul des mandats, au-delà du débat que cette perspective suscite au Sénat, fera aussi l’objet d’une très longue discussion.

Nous ne sommes qu’au début du quinquennat et de la législature. Nous traitons tous ces sujets les uns après les autres – quoi de plus normal ? –, dans un cadre défini voilà quelques mois par le Président de la République.

Alors, allons au fond des choses plutôt que de nous appesantir sur des problèmes de méthode. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il est vrai que l’article 1er n’est pas fondamental, et que ce sont plutôt les articles 2 et 3 qui sont au cœur du débat portant sur le statut des élus du département.

Ce n’est pas vous que l’on remet en cause, monsieur le ministre. Nous déplorons surtout l’organisation de nos travaux. Ce reproche s’adresse tout autant à la conférence des présidents ! Je rappelle que l’examen du texte sur les collectivités territoriales, voté en 2010, et dont Jean-Patrick Courtois était le rapporteur, a duré trois semaines. §

Or, pour le présent texte, on nous demande de faire en deux jours – deux journées qui seront bien longues, hélas ! – ce que nous avions fait en trois semaines !

Il est bien sûr normal de débattre sur des sujets aussi importants.

S’il était indispensable d’organiser le débat sur l’engagement des forces armées au Mali hier après-midi, il aurait cependant fallu reporter d’autant l’examen du texte relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, pour laisser au Sénat le temps de discuter de ce sujet important.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. §

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Voici le résultat du scrutin n° 80 :

Nombre de votants345Nombre de suffrages exprimés345Majorité absolue des suffrages exprimés173Pour l’adoption132Contre 213Le Sénat n’a pas adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, mes chers collègues, mon rappel au règlement porte sur l’organisation des travaux du Sénat pour ce matin.

Je m’adresse tout particulièrement à M. le ministre. Force est de constater que la majorité gouvernementale n’est guère présente pour soutenir un texte de la plus haute importance pour lui comme pour le Gouvernement. Nous n’avons aucune envie de nous prononcer par scrutin public toute la matinée, car cela ne ferait qu’allonger encore la durée de nos débats.

Je souhaiterais donc que la situation puisse s’arranger au plus vite, sans quoi nous serions amenés à procéder à une demande de vérification du quorum, qui octroierait une heure à la majorité pour se remobiliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. Didier Guillaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’est pas question de faire s’éterniser les débats.

Ma chère collègue, le résultat du vote précédent vous a permis de constater l’existence d’une majorité, et même d’une large majorité, en faveur de la création du conseiller départemental, alors même qu’un scrutin public n’avait pas été demandé sur ce point ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Nous allons bien voir comment se déroule ce débat. Pour ce qui nous concerne, nous allons le mener sereinement. Notre rôle est non pas d’en allonger la durée, mais de faire en sorte que cette loi électorale aille dans le bon sens, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Elle ne déraillera pas, mon cher collègue !

… c’est-à-dire dans le sens de l’intérêt des collectivités territoriales et de tous les élus de France. Vous verrez que la majorité sera solide pour défendre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Nous reprenons la discussion des articles, mes chers collègues.

Chapitre Ier

Dispositions relatives à l’élection des conseillers départementaux

(Non modifié)

L’article L. 191 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 191. – Chaque canton du département élit au conseil départemental deux membres de sexe différent, qui se présentent en binôme de candidats. »

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Je tiens à féliciter nos collègues socialistes pour leur créativité. Inventer un concept unique au monde, l’élection binominale dans les cantons, il fallait le faire ! Bravo à vous !

Certes, cette création ne changera pas grand-chose en ville. Le conseiller général n’était déjà pas connu et, globalement, les citoyens des villes n’avaient pas conscience des limites de leur canton, voire de l’existence de ce dernier !

Dans les territoires ruraux, en revanche, l’adoption de ce texte changera tout ! L’esprit même de ce texte pose problème. Très honnêtement, la parité qu’il entend promouvoir n’est qu’un prétexte. §Vous voulez plutôt remettre en cause la cohérence et l’équilibre garantis par les conseils généraux en matière d’aménagement des territoires ruraux et de cohésion sociale.

À trop vouloir favoriser un découpage au profit des villes, ce sont finalement les conseillers généraux urbains qui deviendront, dans de nombreux cas, majoritaires et prendront les décisions dans les territoires ruraux.

Napoléon n’a-t-il pas dit que, pour commander une armée, « un mauvais général vaut mieux que deux bons » ? De grâce, mes chers collègues, revenez à plus de bon sens et de réalisme ! Refusez ce concept utopique de binôme qui, rapidement, relèvera plus du duel que du duo, ainsi que de nombreux intervenants l’ont déjà dit. Cela me semble évident. A-t-on déjà vu deux maires dans la même commune, deux directeurs généraux dans la même entreprise, ou deux présidents dans la même association ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Chers collègues socialistes, vous qui vous êtes battus contre la création du conseiller territorial et contre la fermeture des services publics en milieu rural, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Vous êtes comme ces médecins d’un autre temps qui n’osent pas dire la vérité à leurs patients. Vous allez pourtant leur administrer la potion, et laquelle ! L’acte III de la décentralisation confiera de grands pouvoirs aux régions, en oubliant le département.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

L’acte III de la décentralisation encouragera la « métropolisation » en renforçant les grands centres urbains, au détriment des territoires ruraux !

En matière de fiscalité, le fonds exceptionnel d’urgence est d’ores et déjà insuffisant. Les départements demandaient 470 millions d’euros, ils n’obtiendront que 170 millions d’euros. Le fonds de péréquation a été revu au détriment des territoires ruraux. Il semble, en outre, que certains font de nouveau entendre leur voix pour défendre ce choix.

La parité à l’échelle du département est plus aisée à mettre en place en milieu urbain qu’en milieu rural.

Alors, la messe est dite : vous voulez tuer les territoires ruraux. Claudy Lebreton, président socialiste de l’Assemblée des départements de France, a raison de pousser un cri d’alarme. Vous êtes bien, mes chers collègues, les fossoyeurs hypocrites des territoires ruraux. En conséquence, je tiens solennellement à saluer en ces lieux les nouveaux Indiens des territoires ruraux ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je ne reprendrai pas tous les arguments avancés par Daniel Dubois, car ils sont identiques aux miens !

Malheureusement, je constate que notre pays régresse en bien des domaines : économie, exportations, compétitivité, charges sociales, prélèvements, classement des universités, et j’en passe !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

On ne cesse de perdre des places dans la compétition mondiale.

Cependant, nous serons champions du monde dans un domaine, celui de la créativité électorale, dont le binôme cantonal est la dernière expression. Hier, Hugues Portelli nous a rappelé qu’un seul pays au monde le pratiquait, le Chili. Et encore, le binôme n’y est pas de même nature que celui qui est proposé dans le présent texte, car un seul des deux membres est élu.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

La Constitution, cela a été dit hier, consacre le principe de l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Mais nous répondons déjà à cette exigence constitutionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

L’« égal accès », cela signifie que tous les citoyens répondant aux conditions d’âge et d’éligibilité peuvent se présenter ; ils ne seront pas forcément élus, mais ils peuvent au moins se présenter.

Certes, les textes prévoient effectivement qu’il faut favoriser la parité, la mixité. Mais, et nous l’avons rappelé hier, favoriser la mixité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

… cela ne signifie pas porter d’un coup le taux de féminisation de 13 %, ce qui est en effet insuffisant, à 50 % ! C’est beaucoup plus compliqué que cela. Ce qui est envisagé créerait, chacun le sait, d’importants problèmes de gouvernance au sein des conseils généraux.

Permettez-moi d’ailleurs de faire un aparté. Voilà quelques jours, j’ai assisté à la clôture de l’année judiciaire passée et à l’ouverture de la nouvelle année en compagnie de M. Jean-Pierre Sueur, le président de la commission des lois. Nous avons tous deux eu le réflexe d’observer la composition du tribunal de grande instance : sur dix-huit magistrats, il y avait quinze femmes et trois hommes ! Et cette tendance ne fait qu’augmenter d’année en année. En clair, dans deux ou trois ans, nous aurons, en guise de parité, 100 % de femmes et 0 % d’hommes !

Vous le voyez, il y a beaucoup de structures dans lesquelles nous ne parvenons plus à appliquer la parité. Ce n’est donc pas la peine de voter une loi au Parlement pour l’imposer, quand on voit ce qui se passe dans nombre de secteurs importants de la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

L’autre volet du dispositif qui nous inquiète concerne bien entendu le redécoupage électoral. Le dispositif envisagé nous fait repartir de zéro. Si le nombre actuel de cantons est de 4 000, il sera ramené à 2 000 ; s’il est de 6 000, il sera ramené à 3 000. Vous allez redécouper 100 % des cantons. Et comme les règles de redécoupage sont extrêmement souples, vous allez pouvoir procéder selon votre bon plaisir…

Aujourd'hui, le problème des départements – d’ailleurs, nous sommes plusieurs, dans la majorité comme dans l’opposition, à l’avoir rappelé au Président de la République le 22 octobre dernier – est un problème financier. Nous avons noté que le Président de la République avait demandé au Premier ministre de mettre en place une structure de réflexion pour essayer de trouver des solutions. Or la création de cette structure, qui devait être instituée pour sauver les départements de l’asphyxie financière, est retardée de jour en jour. Nous constaterons probablement une absence d’avancée sérieuse en la matière. Les départements vont terriblement en souffrir, un certain nombre d’entre eux étant menacés de disparition !

Je vous rappelle que, l’année dernière, une dizaine de départements avaient dû être aidés pour ne pas se retrouver en faillite.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Aujourd'hui, de trente à quarante départements sont dans cette situation et doivent faire face à des problèmes considérables.

Et c’est précisément au moment où les départements sont malades ou en grande difficulté que vous ajoutez un nouveau problème de gouvernance.

Monsieur le ministre, je ne sais pas si vous avez regardé ce qui va se passer dans les départements. Nos collègues de l’opposition comme de la majorité, eux, l’ont fait. Peut-être les membres de la majorité ne voudront-ils pas dire aujourd'hui ce qu’ils ont constaté, mais ils l’expriment dans d’autres cadres… Vous allez remettre en question la totalité de la gouvernance des conseils généraux, et ce dans une période extrêmement difficile. Plus de la moitié, voire les trois quarts des conseillers généraux seront changés. Nous avions des conseillers généraux et conseillères générales qui avaient une connaissance du terrain et du fonctionnement des institutions. Demain, de surcroît dans une période difficile, nous aurons une nouvelle gouvernance, avec deux personnes sûrement de grande qualité et très intelligentes, mais qui ne connaîtront pas le fonctionnement de l’institution !

Mme Hélène Lipietz s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Vous donnez donc la main aux régions, qui auront la prééminence. Je pense que cela s’en ressentira du point de vue des compétences… En clair, vous êtes en train de signer la mort du département ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte dans lequel nous abordons l’examen de cet article 2 me paraît totalement surréaliste.

Nous sommes en train de parler du mode d’élection des conseillers départementaux. J’avais pourtant le sentiment que ce n’était pas la préoccupation principale des exécutifs départementaux.

Comme notre collègue Éric Doligé vient de le rappeler, lorsque les représentants des départements ont été reçus par le Président de la République, la préoccupation majeure dont ils lui ont fait part a été, m’a-t-il semblé, celle de l’avenir de l’institution départementale ; je parle de son avenir non seulement institutionnel, mais également financier.

Contexte surréaliste, disais-je, parce que, voilà quelques semaines, nous nous sommes tous mobilisés, au Sénat et dans nos départements, pour les État généraux de la démocratie territoriale. Or, pas plus ici que dans mon département, je n’ai entendu quiconque évoquer « l’urgente nécessité de réformer le mode d’élection dans les départements ». En revanche, j’ai entendu des élus souligner la nécessité de clarifier les compétences et de répondre aux interrogations qui se posent à propos du financement.

Mes chers collègues, en ce mois de janvier, chacun d’entre nous parcourt son département et assiste à des cérémonies de vœux. Lorsque nous discutons avec les élus locaux, ils expriment leurs inquiétudes, par exemple, quant au financement de la réforme des rythmes scolaires et aux conséquences de cette dernière pour les communes ou les conseils généraux en termes de transports scolaires. Je n’ai entendu personne m’interpeller sur l’urgence qu’il y aurait à modifier le mode de scrutin.

Contexte surréaliste encore, parce qu’on nous annonce de semaine en semaine le report de la grande loi de décentralisation censée apporter des réponses à ces questions, sous prétexte que le dispositif n’est pas prêt. Et chaque fois qu’un texte est rendu public, le ministre s’empresse de préciser qu’il s’agit seulement d’une piste de travail, et non d’un document de référence.

Par ailleurs, l’époque où vous faisiez campagne la main sur le cœur pour défendre la ruralité semble bien révolue. On se souvient du mauvais coup porté à la répartition des droits de mutation à titre onéreux dans le budget 2013.

Chacun le voit, au travers de ce projet de loi, c’est bien la ruralité qui est mise à mal. Aujourd'hui, il y a cinquante-trois conseillers généraux dans mon département ; avec le nouveau dispositif, il en restera vingt-sept. Le poids moyen d’un canton sera de 29 000 habitants alors que pratiquement 70 % des cantons en ont moitié moins aujourd'hui. Cela signifie que la ruralité ne sera plus représentée.

Mes chers collègues, si un élu représente une population, il représente également un territoire. Or, dans ce projet de loi, vous avez pris le parti de vous fonder uniquement sur la contrainte démographique, au mépris de la contrainte territoriale, en vous affranchissant totalement des circonscriptions, des agglomérations et des bassins de vie.

Comme cela a été rappelé, le conseiller territorial avait, sur le plan pratique, le mérite de la simplification. Un référent territorial unique était institué, ce qui constituait une mesure de clarification, donc de transparence et de démocratie.

Non seulement le conseiller territorial sera supprimé, mais en plus il y aura deux conseillers départementaux pour le prix d’un, avec en prime, bien entendu, une concurrence entre les deux !

Nous voyons bien quels en seront les effets concrets. Dans les cérémonies de vœux ou les inaugurations, il y aura deux discours au lieu d’un. §Je n’ai vraiment pas le sentiment qu’on y gagne en lisibilité et en simplification.

Vous vous flattez de faire preuve d’imagination et d’innovation ? En général, lorsque les socialistes français font preuve d’imagination et d’innovation, leurs trouvailles ne sont guère reprises dans les autres pays ; je vous renvoie aux 35 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’est d’ailleurs assez stupéfiant : ils semblent avoir appris dans un livre ce qu’était un conseiller général, mais n’en avoir jamais rencontré.

Qu’est-ce qu’un conseiller général ? C’est bien entendu le membre d’une assemblée départementale délibérante, mais c’est également un médiateur entre les citoyens, entre les citoyens et les institutions ou les pouvoirs, ainsi qu’un porteur ou un facilitateur de projets.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Peut-être auront-ils aussi quelques affinités politiques. Mais, pour ma part, je crois que les affinités politiques ne suffisent pas à assurer une sorte de cohésion ou d’unité fonctionnelle entre deux élus.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Sur le territoire immense qui sera créé, et qui sera divisé contre lui-même du fait de la présence de deux élus – l’un viendra probablement d’une partie du territoire tandis que sa colistière sera issue de l’autre –, des tensions, des conflits apparaîtront au fil des jours. Quand l’un dira « non », on se précipitera chez l’autre pour obtenir une réponse positive. On ne saura pas quelle est la véritable position des élus, et cela tirera à hue et à dia !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je pense qu’un tel système ne sera pas vivable en pratique. Et si d’aventure il venait à être adopté, il ne pourrait pas durer. Il est profondément instable par nature, parce qu’il porte en lui-même la contradiction.

J’en viens au second volet de mon intervention, la parité ; je me suis déjà exprimé sur le sujet hier pendant la discussion générale, mais je n’ai pas obtenu de réponse.

Il me paraît très important de prendre en compte ce que prescrit la Constitution. Ne l’oublions pas, en matière de parité, nous faisons sciemment, délibérément – et c’est un choix assumé –, de la discrimination positive. Or la discrimination positive est par principe interdite par la Constitution et les règles fondamentales de la République. Il a été procédé en 1999 à une révision constitutionnelle, sur l’initiative du président Jacques Chirac et la proposition du Premier ministre d’alors, Lionel Jospin. Mais la Constitution a été révisée dans des termes mesurés : la loi favorise – je dis bien « favorise », et non « impose » – l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

Favoriser la mixité, ce n’est pas imposer la parité. Et s’agissant d’un texte dérogatoire à un principe aussi fondamental que l’égalité devant le suffrage, la règle constitutionnelle de 1999 doit s’interpréter strictement. Par conséquent, j’ai les plus forts doutes quant à la constitutionnalité d’une telle disposition. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai retiré notre amendement de suppression pour que le débat puisse avoir lieu. En effet, le vote d’un tel amendement aurait équivalu à l’adoption d’une motion de procédure. Mais cela ne préjuge pas en l’état de notre vote final : nous verrons en fonction des réponses que vous aurez à nous apporter, monsieur le ministre.

Comme cela a été rappelé, nous avons là un système unique au monde. L’avenir dira s’il s’agit de l’expression du génie français ou de la pagaille d’origine gauloise, d’autant que l’idée vient, semble-t-il, de Clermont-Ferrand, où Vercingétorix a laissé quelques traces… §

En tout cas, à écouter les plus hauts représentants de l’exécutif, le seul motif de cette idée aussi farfelue que le conseiller territorial est la parité. Nous passons en la matière d’un objectif tout à fait légitime – raison de plus pour retirer notre amendement de suppression – à un discours parfois à la limite de l’obsessionnel, sauf dans toute une série de secteurs professionnels où la situation s’est totalement inversée ; il est inutile de reparler de l’École nationale de la magistrature, de l’enseignement ou de la médecine…

De ce fait, vous évacuez sans aucune discussion tous les handicaps du système, dont l’instabilité des futurs exécutifs. Si la moitié des cantons est supprimée, les majorités seront souvent très courtes. C’est alors qu’apparaîtra la fragilité du couple, surtout lorsque des alliances de circonstance auront été nouées pour gagner les élections.

Voyez ce qui se passe au Parlement : quand on « fabrique » des parlementaires à la proportionnelle, cela ne suffit pas toujours à garantir leur vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Le Sénat en offre l’illustration…

Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Imaginez que je sois candidat demain dans un canton avec notre excellente collègue Hélène Lipietz.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous pourrions remporter l’élection, mais resterions-nous soudés pour la suite des votes ? Je n’en suis pas sûr.

Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il faut rapprocher le citoyen de la représentation politique, et vous avez raison, d’autant que vous exprimez là, j’en suis certain, une conviction, ce que je respecte toujours. Cela fonctionne pour la présidentielle et les municipales, qui attirent beaucoup de votants. Il y a un lien direct.

Toutefois, que se passe-t-il lorsque les deux partis dominants fabriquent des systèmes bizarres, qui promeuvent l’éloignement du citoyen et du candidat, comme aux européennes, avec une circonscription qui va d’Orléans, ville chère au président de la commission des lois, à Aurillac ? Peu de choses rapprochent ces territoires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Les deux villes sont tout de même assez éloignées géographiquement !

Avant son élection, je me souviens avoir reçu le candidat socialiste M. Weber, ex-trotskiste et vieux briscard du parachutage non démocratique, à qui j’ai apporté mon soutien. Je lui ai dit : « Je pense que je n’aurais pas le plaisir de vous revoir d’ici à la fin de votre mandat ». Il ne m’a pas contredit.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Et dans les conseils régionaux, pseudo-démocratiques, certes on élit un président de région et un exécutif, mais les conseillers, eux, sont le plus souvent des apparatchiks issus des deux grands partis, …

Protestations sur les travées du groupe socialiste . – Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… déconnectés du terrain et inconnus des citoyens – ils disparaissent d’ailleurs après quelques mois. Dans certains partis, ils sont même désignés par tirage au sort !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il ne s’agit donc pas d’un excellent exemple de lien entre le citoyen et le territoire, ni d’une d’avancée pour la démocratie.

Pour terminer, je dirai un mot du silence assourdissant du président de l’Assemblée des départements de France, l’ADF. Je trouve assez original que l’ADF ne se soit pas davantage exprimée sur un tel sujet. Mais n’a-t-elle pas récemment courbé l’échine sur la péréquation départementale devant un grand baron du régime ?

M. Gérard Roche applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Lorsqu’on représente une institution, on a le devoir de la défendre, monsieur le ministre. C’est vrai pour les départements, mais c’est vrai aussi pour le Sénat !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Il faut bien voir qu’il est impossible de maintenir le statu quo : les conseillers territoriaux ayant été supprimés, il aurait fallu revenir à l’ancien système et conforter le découpage des cantons existants.

Or, compte tenu des écarts de population entre cantons, un tel maintien aurait été difficilement admissible du point de vue constitutionnel, et éventuellement du point de vue de la légalité, car le Conseil d’État n’approuverait pas des écarts d’un à vingt ou de vingt à cinquante, qui sont contraires aux principes fondamentaux de la démocratie.

Soyons réalistes. Dans cette affaire, nous avons le choix entre les cantons avec binômes ou la proportionnelle. À force de vouloir taper sur le système du scrutin binominal, qui présente l’extrême avantage de maintenir un ancrage territorial, on va finir par apporter indirectement de l’eau au moulin de ceux qui souhaitent instaurer la proportionnelle intégrale dans les départements ! Personnellement, je suis défavorable à cette dernière mesure. Autant je soutiens ce projet de loi, autant je suis radicalement hostile à l’introduction de la proportionnelle intégrale dans les départements.

Certains, et nous n’avons pas fini de les entendre, ont pleuré misère sur le caractère dévastateur pour les territoires ruraux du scrutin binominal. Prenons l’exemple de mon département. Nous aurions eu cinquante-trois conseillers territoriaux ; avec cette réforme, nous aurons cinquante-deux conseillers départementaux, soit presque la même chose. Par ailleurs, le découpage des nouveaux cantons aurait respecté également l’écart de 20 %. Au total, les zones rurales auront certes deux fois moins de cantons, mais pas deux fois moins de conseillers.

Ce qui dérange dans cette affaire, c’est qu’il y aura moitié d’hommes et moitié de femmes. Pour avoir discuté avec bon nombre de conseillers généraux, je sais qu’ils approuveraient le principe du binôme des candidats si la parité était supprimée. Ils pourraient alors continuer à faire leur soupe, si j’ose dire, car ils maintiendraient finalement leur position élective.

Là, il y aura certes deux fois moins de cantons pour le même nombre de conseillers, mais avec le binôme de candidats il y aura aussi deux fois moins d’élus hommes. Le fait qu’un grand nombre d’hommes soient actuellement conseillers généraux explique que beaucoup d’entre eux préfèrent maintenir le système existant.

Pour ma part, il me semble que cette réforme apportera un souffle nouveau dans les conseils généraux qui, en de nombreux endroits, ont bien besoin d’un certain renouveau.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Dans de nombreux départements, il est nécessaire de rénover les cadres et d’apporter une dynamique nouvelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Bien sûr, il est possible que des disputes interviennent dans le tandem, comme certains l’ont dénoncé, mais, en principe, lorsqu’on forme une alliance, on essaie plutôt de se mettre d’accord !

Quoi qu’il en soit, nous connaissons tous des mairies où le premier adjoint et le maire ne sont plus d’accord au bout de six mois. Supprime-t-on pour autant le système électoral municipal ? Non, car c’est la démocratie. Il faut permettre la représentation.

Enfin, j’ai entendu aujourd’hui beaucoup d’interventions stupéfiantes dans cet hémicycle. Je le rappelle, nous sommes les représentants de l’intérêt général et non ceux des intérêts particuliers des départements ou des présidents de conseils généraux ! §

C’est un point important. Je sais comment cela fonctionne : je suis conseiller général depuis trente-six ans !

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Je suis tout à fait partisan du renouvellement, quel que soit le découpage, monsieur Dallier. Venez donc vous présenter contre moi aux élections et nous verrons le résultat !

M. Philippe Dallier s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Le Sénat doit défendre l’intérêt général. Contrairement à la façon dont on les a présente ici depuis ce matin, les conseillers généraux ont pour fonction d’être les administrateurs du département, et non les petits seigneurs de leur canton !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Beaucoup de personnes, ici, ont tendance à l’oublier !

On nous affirme que les deux conseillers généraux de la même liste auront parfois des avis contraires, par exemple au sujet d’une subvention. Mais ils peuvent toujours dire ce qu’ils veulent, car ce ne sont pas eux qui décident : c’est l’assemblée départementale, tout au moins quand elle fonctionne démocratiquement !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Nous venons d’entendre un florilège sur le mode de scrutin, qualifié de « surréaliste », d’ « incroyable », d’« inimaginable », d’ « unique au monde », etc.

Toutefois, d’où venons-nous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je vous le dirai par la suite, cher collègue !

Où en sont les départements ? Tous les présidents de conseils généraux, qu’ils soient sénateurs ou non, et quelle que soit leur appartenance politique, tiennent depuis des années le même discours dans les congrès : les départements sont asphyxiés !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ils n’ont plus de recettes, ils sont étranglés, les dotations de l’État baissent, ils n’arrivent plus à financer l’allocation personnalisée d’autonomie et le RSA. La suppression de la taxe professionnelle, que j’avais louée et appréciée lorsqu’elle nous a été présentée, a mis fin à l’autonomie fiscale des départements. Alors que celle-ci était de plus de 50 %, elle est aujourd’hui à 17 % ou à 15 %. Telle est la réalité.

Cet état de fait ne date pas d’aujourd’hui et de l’actuel gouvernement. Les mesures qui auraient dû être prises ne l’ont pas été à temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Nous sommes au bout d’un système. Si nous voulons défendre le modèle social français, il va falloir mettre en œuvre les mesures repoussées, comme la grande loi sur la dépendance, qui nous a été annoncée pendant des années et que ce Gouvernement va faire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… ou la clarification des compétences, que nous réclamions et que nous ferons dans quelques semaines avec la loi sur la décentralisation.

Certains ont objecté que le conseiller départemental serait un être unique au monde. Cependant, mes chers collègues, le conseiller territorial, dont certains d’entre vous étaient les promoteurs, n’était-il pas déjà un être unique en Europe, aucun autre État membre n’ayant eu l’absurde idée de fusionner les conseillers régionaux et les conseillers généraux ! §Et tout cela pour diminuer par deux le nombre des élus, comme si celui-ci posait problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Il faut avancer, il faut essayer de bouger.

Tout à l’heure, notre collègue Daniel Dubois a affirmé que deux personnes élues dans le même secteur ne pourront pas travailler ensemble. Mais comment les choses se passent-elles dans les départements ? En Moselle ou à la tête de l’UMP il y a peut-être des difficultés, mais, globalement, dans les départements, les choses se passent bien. D’ailleurs, comment faisons-nous au Sénat ? Même lorsque nous ne sommes pas du même bord politique, nous essayons de travailler ensemble dans l’intérêt des départements et des élus locaux.

Les lois que j’ai évoquées seront présentées. Néanmoins, une chose est sûre : personne ne peut soutenir le statu quo, parce que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État nous le demandent, parce que des cantons, dont la population va d’un à quarante-neuf, ne peuvent plus rester inchangés et parce que, dans deux départements de France, il n’y a aucune femme conseillère générale.

Où devons-nous aller, et quel mode de scrutin devons-nous choisir ? Ce point est complexe ; mais peut-être êtes-vous en difficulté parce que vous n’avez fait aucune proposition !

M. Éric Doligé proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Depuis des mois et même des années, l’Assemblée des départements de France travaille sur ce sujet. Le bureau de l’ADF, unanime –M. Sido était le porte-parole du groupe de la droite, du centre et des indépendants –, s’est prononcé : il ne veut pas de la proportionnelle, parce qu’elle éloignerait l’élu du citoyen et favoriserait le développement des listes de parti plutôt que de terrain.

Il faut donc trouver un mode de scrutin, et celui qui est présenté par le Gouvernement, le scrutin binominal, présente deux avantages, dont celui de permettre la parité, excusez du peu ! En 2013, considérer que la présence de seulement 13 % de femmes dans les conseils généraux ne pose pas problème, c’est vraiment ne pas être progressiste. Il faut aller de l’avant.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ce mode de scrutin permet la parité : 50 % de femmes et 50 % d’hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Mes chers collègues, dans les grands départements, sommes-nous capables de donner rapidement la liste des conseillers régionaux ? Non ! Par contre, tous les élus, tous les chefs d’entreprises, tous les présidents d’associations connaissent leur conseiller général.

Le conseiller territorial nous aurait empêchés de participer aux conseils d’administration des collèges, aux assemblées générales des associations. Sur un grand canton, il y aura deux conseillers départementaux, alors qu’il n’y aurait eu qu’un seul conseiller territorial : deux fois plus d’élus, cela permettra d’accomplir deux fois plus de travail.

Tout à l’heure, mes chers collègues, vous avez applaudi aux propos de M. Mézard, qui vilipendait le scrutin proportionnel. Si nous sommes quasiment tous d’accord pour refuser le scrutin proportionnel, et le statu quo n’étant pas possible pour des raisons évidentes, il faut dès lors trouver un nouveau mode de scrutin. Celui que propose le Gouvernement et que la majorité sénatoriale soutient est sûrement perfectible, et peut-être faudra-t-il prévoir des exceptions dans les zones rurales, dans les zones de montagne. Mais il présente deux grands avantages : la parité et la proximité.

Mes chers collègues, si nous n’acceptons pas ce mode de scrutin qui préserve beaucoup plus la proximité que le système du conseiller territorial, car il y a deux fois plus d’élus par canton, nous n’arriverons pas à progresser dans le sens d’un rapprochement de la politique vers nos concitoyens.

C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de voter cet article qui prévoit un scrutin binominal par canton. En permettant la proximité et la parité, il va dans le bon sens et constitue un progrès pour la République.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey . Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à mon tour, dire combien je trouve le mode de scrutin qui nous est proposé aussi loufoque que baroque.

Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Lorsque, sur le terrain, on explique à un élu ou à nos concitoyens que, au lieu d’avoir, comme c’est le cas aujourd’hui, un conseiller général, on aura, demain, un conseiller départemental et, en prime, une conseillère départementale

Mme Virginie Klès s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je rappelle que la parité, comme cela a été dit ce matin, est un objectif et non un impératif constitutionnel.

M. Didier Guillaume s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

J’ajoute qu’en matière de parité il y a, me semble-t-il, des combats autrement plus importants à mener. Que l’on se batte pour l’égalité salariale, oui ! Trois fois oui ! Mais que l’on se batte pour que, dans une assemblée départementale, il y ait autant d’hommes que de femmes, c’est au mieux du gadget, pour ne pas dire davantage. §

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Beaucoup de femmes risquent de se retrouver en situation de potiches.

Mmes Hélène Lipietz et Cécile Cukierman protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Comme l’a d'ailleurs souligné la présidente de la délégation aux droits des femmes lors de la discussion générale, cette obligation aura même des effets pervers : elle peut conduire à une dévalorisation du rôle des femmes élues, par une répartition des tâches qui serait à leur désavantage. Le conseiller assistera ainsi aux séances du conseil général et au conseil d’administration de tel organisme, tandis que la conseillère participera aux banquets des anciens et fera du social. §

Qui plus est, lorsque le conseiller général sortant, à qui la loi imposera de fonctionner en binôme avec une femme, sera bien implanté – mes chers collègues, vous connaissez tous des conseillers généraux, si vous ne l’êtes pas vous-mêmes, bien implantés dans leur canton –, il faudra à cette conseillère, avant qu’elle réussisse à s’implanter, beaucoup de temps.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. Faites revenir Jean-Pierre Michel !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

J’ai sous les yeux le témoignage d’une conseillère générale de mon département, une femme de gauche, qui m’a écrit pour me dire à quel point elle considérait ce mode de scrutin comme « humiliant » ; c’est bien le mot qu’elle emploie. Être obligé de mettre en place un mode de scrutin aussi absurde, aussi baroque uniquement pour permettre que des femmes soient intégrées dans l’assemblée départementale, c’est, en effet, pour reprendre son expression, totalement humiliant.

J’ajoute, pour reprendre un autre aspect des choses, que cela va en plus empêcher l’émanation de candidatures et l’élection de personnalités en dehors des partis politiques. Jusqu’à présent, dans nos cantons, il arrivait que certaines personnalités apolitiques ou situées en dehors des clivages politiques soient élues parce qu’elles avaient une forte personnalité, une notoriété reconnue. Demain, il faudra prévoir des doubles binômes, donc avoir quatre candidats, ce qui rendra les choses encore plus difficiles et renforcera également le poids des partis politiques.

Enfin, l’inconvénient majeur – mais j’y reviendrai à l’article 3 –, c’est que, évidemment, étant donné que l’on a fixé à deux le nombre d’élus par canton et que l’on ne veut pas augmenter le nombre total d’élus, on va diviser par deux le nombre de cantons. C’est là le problème principal, car, sous couvert d’une idée sympathique, la parité, on va tuer la ruralité.

C’est en cela que ce projet de loi est absolument dramatique, pour ne pas dire criminel : le découpage des cantons se fera sur des bases uniquement démographiques et, dans certains cas, il faudra, pour créer un canton, regrouper quatre, cinq, six ou sept cantons ruraux. Par là même, au sein des assemblées départementales, on aura une représentation beaucoup plus forte des élus urbains, ce qui, par la force des choses, aura pour conséquence que les politiques mises en place en faveur de la ruralité passeront au second rang.

Que vous le vouliez ou non, que vous l’admettiez ou non, c’est bien la mort de la ruralité qui est programmée au travers de ce projet de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Comme nos collègues Jean Louis Masson ou Didier Guillaume l’ont bien expliqué, ce mode de scrutin binominal est incontournable si l’on veut à la fois conserver la proximité sur un territoire et obtenir la parité.

Une large opposition s’exprime, mais personne n’a encore formulé une proposition permettant d’assurer la parité et de maintenir un lien entre les élus et le territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Faites confiance aux électeurs ! C’est à eux de choisir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

On voit bien que, si on n’est pas dans la logique du scrutin binominal, on va, en effet, vers une proportionnelle, avec la parité – c’est la Constitution, c’est le sens de l’Histoire –, mais alors on coupera le lien entre le territoire et le futur conseiller départemental, ce que, me semble-t-il, nous ne voulons pas, sur l’ensemble de ces travées.

La seule solution, c’est donc le scrutin binominal qui est proposé au travers de ce texte. J’attends, de la part de l’opposition, des propositions autres que le conseiller territorial qui, lui, aurait été contraire à la parité et aurait éloigné le citoyen de l’élu. J’attends des propositions concrètes permettant de répondre à ce double objectif.

Le débat a eu lieu depuis longtemps, ici, au Sénat. Le Gouvernement a repris une idée qui avait été portée par la délégation sénatoriale aux droits des femmes et qui a mûri grâce à nos collègues. C’est à mon sens la meilleure réponse et, surtout, la seule possible. Elle n’est pas parfaite, mais, au moins, elle permettra de conserver les cantons et d’assurer la parité.

J’ai tout de même été quelque peu surpris de l’intervention de M. Dubois sur l’impossibilité d’organiser la parité dans les territoires ruraux. Je ne vois pas en quoi les femmes du monde rural ne seraient pas aussi aptes à être élues et à représenter leur territoire que celles des territoires urbains. Il ne faut pas opposer le monde rural au monde urbain et encore moins les femmes de l’un aux femmes de l’autre. La parité peut s’exercer sur l’ensemble du territoire. La Constitution s’applique dans tout le pays, et il y a autant de femmes compétentes que d’hommes compétents dans les territoires ruraux. Ce ne sera donc pas un obstacle.

Je remercie notre collègue Jacques Mézard qui, s’il n’est pas encore complètement convaincu du bien-fondé de ce scrutin binominal, va néanmoins permettre au débat de se poursuivre et au texte d’être enrichi, en retirant son amendement.

Certains élus ont, à propos de ce projet de loi, parlé de « crime contre la ruralité » : je ne voudrais pas que la légitime défense du monde rural – on peut être élu du monde urbain et vouloir défendre le monde rural d'ailleurs, les deux étant indispensables – ne soit un écran de fumée servant à masquer des intérêts politiciens. On le verra sur d’autres articles, un découpage qui permet, avec peu de voix, d’obtenir de nombreux élus n’est pas démocratique. C’est effectivement le problème du scrutin de circonscription : on peut avoir moins de voix et plus d’élus.

Cependant, avec des cantons disproportionnés, l’effet est multiplié, et il ne faudrait pas qu’avec peu de voix on ait beaucoup d’élus ; cela s’appelle le système des bourgs pourris, qui est inacceptable et anti-démocratique. Donc, là aussi, un rééquilibrage est nécessaire. Ce sera fait au travers d’autres articles, mais ne crions pas au crime contre la ruralité pour dissimuler des intérêts politiciens et maintenir des sièges acquis avec peu de voix, qui peuvent, ici ou là, constituer des majorités permettant de conserver des départements.

La démocratie a un prix et il faut assurer une égalité devant le suffrage. Un électeur du monde urbain vaut un électeur du monde rural, et nous sommes tous citoyens de la même République. Plutôt que d’opposer les territoires ruraux aux territoires urbains, essayons donc plutôt de tous les rassembler !

Par conséquent, il ne faut pas, bien sûr, voter la suppression de cet article : il n’y a pas d’autre solution pour préserver la proximité et obtenir la parité ; de plus, cette suppression rendrait impossible le débat sur le reste du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je dirai un mot de feu le conseiller territorial.

Comme pour tous les défunts, tout à coup, beaucoup lui trouvent des qualités qu’ils ne lui reconnaissaient pas naguère.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Pas nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Voilà pour le premier constat.

Chers collègues de la majorité, je reviendrai également sur la comparaison que vous faites entre le conseiller territorial et le conseiller départemental à venir.

Derrière le conseiller territorial, il y avait une véritable réflexion sur l’organisation des pouvoirs publics entre les régions et les départements. On pouvait être pour, on pouvait être contre. Les pro-départements craignaient effectivement que la région ne les absorbe. Certains, au niveau des départements, pensaient que ce serait le contraire. En tout cas, cette création répondait à une logique visant à nous engager dans une vraie réforme institutionnelle de notre millefeuille.

Je constate que, avec votre texte, on ne se situe pas du tout dans cette logique. On ne traite que du problème électoral, celui du redécoupage des cantons qui, effectivement, est une nécessité ; le Conseil constitutionnel a depuis bien longtemps souligné qu’il fallait revoir le découpage de ces cantons. Pour autant, vous commencez par traiter le problème électoral et vous nous annoncez que l’acte III de la décentralisation est pour plus tard. Une nouvelle fois, nous mettons donc la charrue devant les bœufs et procédons de la plus mauvaise manière qui soit.

J’évoquerai maintenant les zones urbaines.

On a beaucoup parlé de la ruralité et de l’éloignement des élus par rapport aux territoires, qui est un véritable problème, mais il ne faudrait pas croire, mes chers collègues, qu’en zone dense, en zone urbaine, ce mode de scrutin ne pose pas non plus de difficultés.

Prenez l’exemple de la première couronne parisienne, dont les trois départements comprennent environ quarante communes chacun : aujourd'hui, les limites cantonales sont complètement invisibles pour nos concitoyens. Lorsque le canton est calqué sur les limites communales, le maire ou le premier adjoint est souvent conseiller général ; il y a une certaine visibilité.

Là, vous nous imposez de doubler la taille des cantons. On va donc forcément aboutir à des cantons qui seront découpés sur deux communes, deux communes et demie. Nous serons obligés de sortir des circonscriptions législatives parce que, si nous y restions, le travail serait impossible en première couronne parisienne.

Nous allons donc créer de facto de nouvelles limites qui ne seront absolument pas identifiables par nos concitoyens, ce qui créera de nouveau un éloignement entre les électeurs et leurs élus ; le système, qui était déjà très peu clair, dans cette première couronne parisienne, le sera encore moins.

Monsieur le ministre, on nous parle du Grand Paris tous les quatre matins. Le Président de la République, hier, dans ses vœux, a encore appelé à la constitution de ce Grand Paris. Il faudra le faire émerger non pas seulement au sens du transport public que représente le Grand Paris Express, mais aussi au sens d’une collectivité locale ou d’un EPCI. Et il faudra bien alors désigner des élus. Selon quel mode, sur quelles limites de circonscription ?

Monsieur le ministre, il aurait fallu, dans votre texte, opérer des distinctions en fonction des territoires ; or votre projet traite de la même manière, du point de vue électoral, les zones rurales, les territoires peu peuplés et les zones très denses, notamment la zone dense de la région d’Île-de-France.

En prenant les choses par ce biais, c’est un très mauvais système que vous nous proposez, qui sera tout aussi illisible en zone dense qu’en zone rurale. Voilà pourquoi je ne puis m’y rallier. §

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

J'ai apprécié les propos de Didier Guillaume. J'aurais pu reprendre la majeure partie d’entre eux, car, au fond, il nous explique dans son intervention que ce texte n'est pas celui qu'attendaient les territoires. Il est dommage que M. Masson ne soit plus là. En effet, je peux vous assurer que le mode de scrutin n'est pas la première préoccupation des élus départementaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Lorsque nous discutons au sein du conseil général ou entre élus départementaux, nous ne débattons pas du mode de scrutin qui pourrait être appliqué à l'avenir. Ce qui nous préoccupe, c’est la façon dont nous pouvons maintenir la cohésion sociale en servant des allocations de solidarité instaurées par l'État, dont les taux et les critères sont aussi fixés par lui, alors que les disparités entre les ressources des collectivités ne cessent de s’accroître.

De ce point de vue, loin de moi l'idée de considérer que tout a commencé le 6 mai dernier. Si tel était le cas, notre situation financière serait moins grave. Toutefois, alors que le candidat à la présidentielle avait clairement dit qu’il était urgent de prendre des mesures, force est de constater que, lors des huit derniers mois, rien n'a été fait et que les quelques promesses auxquelles nous avions eu droit n'ont donné lieu à aucune application concrète.

Ainsi, le fonds d'urgence que l’on nous avait promis et le groupe de travail paritaire entre l’ADF et le Gouvernement qui nous avait été annoncé n'ont pas été mis en place. Ces demandes étaient pourtant somme toute modestes au regard du total des revendications émises par nos collègues socialistes, puis par nous-mêmes.

Je serais tenté de dire, mes chers collègues, que cette absence d'urgence aurait justifié que l'on prenne davantage de temps ou, comme cela a pu être dit, que l’on remette les choses dans l'ordre.

Après cette entrée en matière, je souhaite revenir à l'article qui nous occupe. Je ne souscris absolument pas à l'idée selon laquelle le conseiller territorial était une monstruosité. On peut considérer qu'il n'était pas souhaitable, mais je ferai remarquer qu’il existe d’ores et déjà un conseiller territorial local : c'est l'élu municipal qui siège dans une intercommunalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

On peut, de façon pertinente, reprocher au système du conseiller territorial d’aboutir à un seul niveau de collectivité en transformant les régions en interdépartementalités ou les départements en arrondissements de la région.

Le mode de scrutin retenu aboutissait à une modification de notre organisation institutionnelle qui soulevait un certain nombre d'oppositions, mais on ne pouvait dire qu’il était en lui-même scandaleux ou inique. Il avait, au contraire, le mérite d’être clairement rattaché à un mode d'exercice des compétences à l'échelle de notre pays.

Le premier inconvénient du texte qui nous est soumis aujourd'hui, c’est qu’il ne règle pas la question des compétences, du « pour qui » et du « pour quoi ». Plus largement, mes chers collègues, quelle solution de rechange peut être proposée ?

La piste à laquelle je pense nécessite d’être travaillée et précisée ; elle exige également de considérer la parité comme un objectif et non comme une nécessité absolue, immédiate et totale.

Permettez-moi de développer mon idée. À vrai dire, il existe un réel problème de représentativité des élus départementaux des villes. Les élus des zones urbaines ne sont pas connus ; dans certains cas, leur canton comprend les numéros pairs d’une rue, mais pas les numéros impairs... À cela s’ajoute le fait que le rythme de renouvellement est triennal. De quasi voisins peuvent ainsi être amenés à voter à trois ans d’écart !

À l'inverse, à la campagne, il n'existe pas de réel problème de représentativité ou de visibilité des élus départementaux.

Le seul système qui permette de régler l'ensemble des difficultés est le scrutin mixte. Il consiste à appliquer un mode de scrutin proportionnel avec diversité dans les EPCI à fiscalité propre d'une certaine taille, c'est-à-dire dans les agglomérations, et à conserver le scrutin majoritaire pour les zones rurales.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Un tel dispositif n'est pas illégal. Il repose sur une approche différenciée à l'intérieur du département, comme celle que nous avons ici au Sénat : la taille des départements justifie un mode de scrutin différent en fonction des territoires.

Nous aurions ainsi un scrutin proportionnel dans les grands territoires et un scrutin majoritaire dans les plus petits. L’inconvénient majeur de ce système est qu’il ne permet pas d’assurer une parité totale et absolue. Mais je vous en prie, mes chers collègues, évitons toute obsession sexuelle collective !

Sourires sur les travées de l'UMP . – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

La parité doit-elle absolument être mesurée au pourcentage près ? Certains, dans cet hémicycle, défendent une théorie des genres selon laquelle le sexe qu'on se choisit est plus important que le sexe avec lequel on naît. Un certain nombre de législateurs veulent imposer le mariage pour tous, ce qui revient à dire à l’ensemble de nos concitoyens que le sexe importe peu dans la qualité des décisions qui peuvent être prises au niveau collectif...

Je le répète, évitons toute obsession sexuelle et acceptons un mode de scrutin tendant à la parité, même si ce n’est pas du 50-50, et permettant de concilier réellement les avantages du scrutin proportionnel et ceux du scrutin majoritaire. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Je souhaitais intervenir, car Didier Guillaume m'a fait l'honneur de me citer, ce dont je le remercie.

Le mode d'élection des conseillers généraux n’est certainement pas la préoccupation principale de nos concitoyens ; en revanche, nombre d’intervenants l’ont souligné, le financement de l’action sociale est bien au cœur des problèmes des départements. On aura beau avoir autant de femmes que d'hommes élus départementaux, nous devrons rendre les clefs à l'État si nous ne pouvons plus exercer nos compétences.

Pour autant, force est de constater que c'est bien le nouveau mode de scrutin et son application à l’élection des futurs conseillers départementaux qui figurent à notre ordre du jour. Depuis le début du débat, nous entendons sans cesse parler du conseiller territorial, qui est considéré comme la peste ou le choléra, au choix, par la majorité sénatoriale. Celle-ci, certainement pour resserrer les rangs, nous propose une autre solution, qu’elle estime être la bonne. De notre côté, nous défendons avec bonne foi, pour la plupart d'entre nous en tout cas, le dispositif du conseiller territorial, puisque nous l’avons voté.

À vrai dire, le sujet n'est pas celui-là. De grâce, cessez de parler du conseiller territorial. De profundis… Vous voulez le supprimer, alors faites-le et tournons-nous vers l'avenir !

Il faut trouver une solution, car la suppression du conseiller territorial ne signifie pas le retour au statu quo ante. Je l'ai dit dans mon intervention lors de la discussion générale, les disparités entre cantons rendent le changement nécessaire. Il est anormal qu’il n’y ait que 13 % de femmes dans nos conseils départementaux – toutes tendances politiques confondues, il faut le noter.

Des solutions doivent être trouvées. On nous dit que l’opposition n’a pas fait de propositions, mais permettez-moi de faire remarquer, cela a d’ailleurs déjà été dit, que le président de l’ADF s'est couché devant le Gouvernement et n’a suggéré aucune amélioration du texte, contrairement à nous. Monsieur Guillaume, nous avons essayé de nous défendre et de faire des propositions.

Vous nous soumettez aujourd'hui le binôme. Je ne porterai aucun jugement, car, après tout, pourquoi ne pas essayer ? Depuis que nous avons débuté l’examen de ce texte, l’argument avancé est que ce système permet d’assurer la parité. J’aimerais que vous preniez la peine d'examiner avec pertinence et attention les arguments développés par Philippe Bas, car ils sont importants.

Dans le cadre de la Constitution, on ne peut pas faire n'importe quoi. D’une part, la Constitution n’exige pas une stricte parité ; d’autre part, M. Bas l'a très bien expliqué, certaines dispositions de votre texte pourraient être considérées comme anticonstitutionnelles – je pense à l’obligation d’aboutir à la parité.

Les arguments d’Éric Doligé sont également recevables. Au fond, dans un conseil général, nous faisons peu de politique, mais beaucoup de gestion. Or la gestion nécessite des gestionnaires. Que se passera-t-il lorsque le personnel politique départemental aura été complètement renouvelé ? À l'évidence, l'administration reprendra le pouvoir, comme c’est d’ailleurs le cas dans les régions.

Puisque l’on nous dit que nous ne faisons pas de propositions, je vais en faire une ! Tendre vers la parité est une piste intéressante. On pourrait prévoir que si le Conseil constitutionnel laisse passer le mode de scrutin que vous nous proposez, celui-ci ne soit appliqué que de façon temporaire. Je n'ai pas déposé d'amendement en ce sens, mais je pourrais éventuellement préparer un sous-amendement.

Après les élections, la moitié des élus sera des femmes et l’autre moitié des hommes. Il est tout à fait exact de dire que le dispositif est humiliant pour les femmes, et cet argument est avancé non pas seulement par des femmes de droite, mais aussi par des femmes de gauche. Aux élections suivantes, six ans plus tard, puisque nous serons élus maintenant pour cette durée, on pourrait garder l’idée du binôme, mais sans qu’il soit obligatoirement bisexué. Ce pourrait être un binôme de deux femmes, de deux hommes, ou d’un homme et d’une femme. La stricte parité ne devrait plus être exigée puisque les femmes auront pu faire leurs preuves pendant l’exercice de leur mandat.

Mme Hélène Lipietz s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, c’était bien le sens de la motion tendant au renvoi du texte en commission, même si ce raisonnement n’a pas été développé. Les arguments qui ont été présentés étaient bons, mais il y en avait d’autres. La commission n'a fait que corriger à la marge un texte qui, à l'évidence, cela a été dit, élimine le monde rural, sans faire de véritables propositions.

La discrimination positive, qui est appliquée aux États-Unis, n’est pas du tout dans la tradition française. Nous devrions éviter de transposer cette notion dans notre pays ou, à tout le moins, ne l’appliquer qu’à un seul scrutin et revenir à une situation plus normale six ans après. Voilà ma proposition !

Je le répète, la commission ne s'est pas assez penchée sur cette question. Ma proposition n'est peut-être pas parfaite ou pas assez intéressante. Nous aurions aimé que les brillants juristes qui ont, nous a-t-on dit, travaillé longtemps sur la question nous proposent d’autres pistes intéressantes, de nouveaux systèmes compatibles avec les convictions des uns et des autres. Nous aurions pu nous mettre d’accord sur des dispositifs qui auraient été moins brutaux que celui qui nous est proposé aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Monsieur le président, mon intervention est à la fois un rappel au règlement et une intervention pour justifier mon refus, ainsi que celui de mon groupe, de voter la suppression de l’article 2.

Les propos qui ont été tenus depuis ce matin par des hommes sur les femmes sont inadmissibles et scandaleux. Je m’adresse à mes collègues masculins : accepteriez-vous que l’on parle ainsi de vous ? §

Chers collègues, permettez-moi de vous en donner quelques exemples. Ainsi, l’arrivée des femmes dans les assemblées départementales constituerait une « régression ».

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Ump

Qui a dit cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Relisez le compte rendu de la séance, vous verrez que ce terme a bien été employé !

Il a été dit aussi que le système binominal allait permettre d’avoir un élu et, « en prime », une femme ! Nous sommes en prime, comme les cadeaux dans les paquets Bonux !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Exactement, ma chère collègue !

J’ai aussi entendu dire que le binôme serait « un gadget ». Si les femmes sont des gadgets, je proposerais bien une grève des gadgets à la maison. On verra le résultat !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Un orateur a utilisé l’expression « obsession sexuelle ». Si vous ne voyez en nous qu’une femme, homosexuelle ou hétérosexuelle – là n'est pas le problème, car on peut être femme et homosexuelle ou femme et hétérosexuelle –, la situation est vraiment grave !

Lorsque je suis ici, je ne porte pas ma robe d’avocat, qui, comme on me l’a déjà dit, me permet de ne pas avoir de sexe, mais je suis revêtue de mon mandat de sénatrice, de représentante du peuple français, et ce n’est pas une obsession sexuelle. Les femmes sont majoritaires en France !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L’humour n’est pas possible sur ce sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Monsieur, en la matière, l’humour n’est pas de mise ! Nous en avons ras-le-bol. Vraiment, la coupe est pleine !

Messieurs, relisez tous vos textes, relisez tous vos écrits, et demandez-vous ce que vous ressentiriez si leur contenu vous était destiné !

J’ai également trouvé extraordinaire que, selon vous, ce système ferait émerger de nouveaux élus « qui n’y connaîtraient rien » et que, du coup, l’administration prendrait le pouvoir. Sauf erreur de ma part, c’est d’Aguesseau qui a déclaré que, sur cent textes que l’administration présentait au roi, quatre-vingt-dix-neuf passaient à sa convenance ! Cela fait donc bien longtemps que le pouvoir de l’administration sur l’autorité suprême ou sur les élus existe.

Les femmes mènent une triple vie !

Exclamations sur les travées de l’UMP.

Sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Et qui s’investit en politique ?

Déclarer que l’arrivée de femmes dans une assemblée pourrait entraîner une réduction de la valeur politique de celle-ci est vraiment scandaleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Au contraire, leur arrivée apporte une plus-value, parce qu’elle permet à la société d’être représentée dans sa réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Pourquoi êtes-vous contre le système prévu par le projet de loi ? Tout simplement parce qu’il supprime la moitié des cantons, donc, grosso modo, la moitié des sièges des hommes élus ! Telle est la réalité, messieurs, et c’est bien dommage pour vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Pour ma part, je pense qu’il y a urgence à changer. Que l’on ne nous reproche pas de vouloir tout changer d’un coup. Du reste, vous le savez très bien, nous disons que la parité doit advenir depuis au moins vingt ans. Dès lors, il est assez intéressant de constater que, dans les territoires ruraux, il n’y ait pas encore de femmes qui aient accédé aux responsabilités : messieurs, demandez-vous pourquoi !

Pour terminer, on a beaucoup parlé de la ruralité. J’aurais aimé que l’on parle aussi de l’urbanité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Mme Hélène Lipietz. En voilà un joli terme, qui signifie aussi « politesse », « attention à l’autre » ! Or, depuis des années, les urbains ne sont pas représentés dans les conseils généraux.

M. Henri de Raincourt s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

En effet, puisqu’il faut beaucoup plus de voix pour élire un conseiller général dans un canton urbain que dans un canton rural, les urbains doivent s’exprimer avec beaucoup plus de force. Encore un scandale !

Mon groupe ne votera donc pas la suppression de l’article 2.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Initialement, je n’avais pas prévu d’intervenir à ce stade du débat, d’autant que, pour le moment, on en est toujours à se jeter à la tête les uns des autres des accusations de tripatouillage, d’intentions cachées, de volontés sous-tendues de je ne sais quelles mauvaises intentions…

Cela étant, certains mots font tout de même sursauter. Je ne suis pas une fervente inconditionnelle de la parité stricte, à l’unité près. J’en veux pour preuve que, hier, en commission des lois, examinant une résolution européenne relative à la représentation des femmes dans les conseils d’administration de certaines sociétés, nous avons unanimement considéré qu’une répartition « 40-60 » était sans doute une meilleure idée. Du reste, messieurs, cette solution vous protège, puisque, demain, au moins 40 % des sièges vous seront encore réservés !

Mme Hélène Lipietz approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Il ne faut pas forcément chercher à respecter strictement la parité à l’unité près. À mon sens, tendre vers l’application, partout, d’un ratio 40-60 serait certainement beaucoup plus raisonnable. Cependant, quand je vous vois, messieurs, perdre votre sang-froid, …

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mme Virginie Klès. … prononcer des mots qui, sur le sujet, dépassent votre pensée – du moins est-ce probablement ce que vous allez nous dire… –, j’en viens à considérer que mon collègue Jean Louis Masson, avec lequel je ne suis pourtant pas toujours d’accord, a peut-être raison : dans leur lutte contre ce projet de loi, certains d’entre vous n’ont peut-être pas des intentions aussi pures qu’ils veulent bien le dire ! C’est peut-être bien la défense de vos sièges qui vous anime ; c’est peut-être bien la perspective que, demain, un homme sur deux perde son siège de conseiller départemental qui vous tracasse.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur Maurey, pour vous, la femme est « une prime » ! La conseillère départementale, une autre « prime » ! Et pourquoi pas « la cerise sur le gâteau » ? On a beau être en période de soldes, faites-nous grâce de ces comparaisons. Quant à la parité, elle ne serait qu’un « gadget » ou une « idée sympathique ».

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Bien évidemment, vous allez nous dire que les mots ont dépassé votre pensée ou qu’on les interprète mal…

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mme Virginie Klès. D'ailleurs, vous vous êtes ensuite raccroché aux branches, si j’ose dire, en nous expliquant gentiment que votre intervention visait à nous protéger, à faire en sorte que nous ne nous occupions pas seulement de « sous-dossiers », comme le social ou la famille !

M. Bruno Sido s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Non, monsieur Maurey, il ne s’agit pas là de « sous-dossiers » ! Le social et la famille, ce sont des dossiers tout aussi importants que les autres !

Je vous rappelle que, sur terre, 50 % des hommes sont des femmes et que nous sommes tout autant capables que n’importe quel homme de nous occuper de n’importe quel dossier !

Mme Anne Emery-Dumas applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Non, la parité n’est pas un jouet ; non, la parité n’est pas un gadget ! Je vous en prie, cessons de nous battre sur ce point, d’autant que vos positions ne visent qu’à préserver les postes des conseillers départementaux masculins, et occupons-nous du vrai sujet de fond : une représentation de nos territoires qui tende vers plus de proximité et, oui, vers la parité. Sur ces questions, nous avons également beaucoup à dire !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Christophe Béchu, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 36-3 de notre règlement.

Je serai bref : abstenons-nous de toute mise en cause personnelle et permettons au débat de se dérouler.

On ne saurait traiter d’horrible machiste un sénateur qui considère que tendre vers la parité est tout aussi envisageable que rechercher une parité totale !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

M. Christophe Béchu. Madame Lipietz, ne transformez pas ce sujet en guerre des sexes, notamment lorsque vous défendez votre triple ou votre quadruple vie, en opposant ceux qui feraient tout et ceux qui ne feraient rien ! Je vous prie de croire que, pour ce qui concerne la répartition des tâches domestiques, la diversité est bien plus large que ce que les étiquettes politiques pourraient laisser penser !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Nous poursuivons la discussion de l’article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de faire un peu d’histoire.

En 1982, a eu lieu le premier acte de la décentralisation. Le gouvernement de l’époque et sa majorité innovent : la région devient une collectivité et les conseils régionaux sont désormais élus au suffrage universel. Bref, les lois Deferre donnent à la décentralisation un élan extraordinaire.

Néanmoins, la réforme a préservé un espace : le conseil général. Il faut dire que le président du conseil général de la Nièvre, devenu Président de la République, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

… n’a pas souhaité que l’on revînt sur les modalités de fonctionnement des conseils généraux. À l’époque, nombre des membres de la majorité qui siégeaient à l’Assemblée nationale – pas au Sénat, je dois le dire – ont regretté cette timidité et cette frilosité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Or un certain nombre de propos qui sont tenus aujourd'hui n’auraient pu l’être par les acteurs de l’époque.

L’intervention de notre collègue Didier Guillaume aura marqué la matinée.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Nous sommes nombreux à avoir apprécié les propos qu’il a tenus, selon lesquels le véritable problème des départements, c’est l’asphyxie financière, des charges considérables pesant sur eux.

D'ailleurs, j’ajoute que ces charges ont commencé à peser lorsqu’une majorité, qui n’était pas la nôtre, a mis en place l’allocation personnalisée d’autonomie sans la financer

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

… et a renvoyé aux départements le soin de financer les engagements du gouvernement socialiste de Lionel Jospin. Certes, la situation s’est aggravée et, hélas, les perspectives concernant la prise en charge de la dépendance sont mauvaises pour les finances des départements.

Tel est le véritable problème. Or la réponse du gouvernement et de sa majorité consiste à réformer le système électoral !

M. Didier Guillaume proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Du reste, ce système présente de multiples inconvénients.

Premièrement, sur la forme, il est « croquignolesque ». Dès que l’on nous parle de deux représentants, de sexe différent, dans un territoire remodelé, nous décrochons !

Mes chers collègues, il faut notamment savoir que, sur le bulletin de vote, figureront quatre noms.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

On voit bien la confusion qui résultera de la recherche des équilibres géographiques et politiques, et cela, d'ailleurs, dès l’élection du président du conseil général, car, bien évidemment, rien ne garantit que les deux compères qui se sont mis d’accord, avec deux suppléants, pour figurer sur le même bulletin voteront pour le même président.

D'ailleurs, on sourit en lisant les textes qui nous ont été soumis : on nous dit que la solidarité de ces deux candidats vaut jusqu’au jour de l’élection. Et dès le lendemain, on les en délie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Pardonnez-moi, mais, eu égard au nombre des conseillers municipaux, on ne peut imaginer de fractures semblables à celles qui pourraient se produire à l’occasion de la conduite des affaires du conseil général. Dans les conseils municipaux, les fractures proviennent surtout de désaccords sur les projets.

Deuxièmement, vous foulez aux pieds la notion de ruralité. La ruralité vous gêne. D'ailleurs, elle est décrite d’une façon qui, pour nous, est humiliante.

La ruralité, que François Mitterrand avait respectée, est synonyme de modernité. Chers collègues, consultez les données démographiques qui nous sont fournies aujourd'hui. Tout d'abord, les Français interrogés dans les sondages déclarent préférer se rapprocher des territoires ruraux. Et ils le font !

Aujourd'hui, la population des villes diminue au profit de celle des communes rurales. Et ce phénomène ne touche pas que les grandes villes. Il les concerne toutes, y compris celles de 2 000 habitants. En effet, plus qu’une qualité de vie, les communes rurales apportent aujourd'hui, grâce à l’intercommunalité, des structures d’accueil.

Il y a vingt ou trente ans, on pouvait encore observer un décalage entre les services et les équipements respectivement offerts dans une ville et dans une commune rurale. Aujourd'hui, ce phénomène n’existe plus : la commune rurale est un territoire organisé, un ensemble qui entend offrir exactement le même cadre, la même qualité de vie, les mêmes services, les mêmes équipements que la ville.

Troisièmement, et enfin, votre texte présente l’inconvénient grave de rompre avec la proximité. Vous commettez une grande confusion en affirmant qu’un conseiller général représente des citoyens. Peut-être, mais il représente d'abord des territoires ! Et le territoire, même s’il comporte peu d’habitants, doit être respecté.

J’entendais hier que les problèmes sociaux concerneraient seulement les agglomérations, les villes, et pas les territoires ruraux. Je n’admets pas ce genre de discours, qui méconnaissent la réalité.

D'ailleurs, dans les territoires ruraux, combien de personnes, notamment âgées, bénéficient aujourd'hui de services à domicile, en particulier de l’hospitalisation à domicile ? Or cela relève du social ! Combien de jeunes, entravés dans leur mobilité, ne peuvent accéder à des formations ou à des emplois ? Voilà un autre sujet qui relève du social ! On pourrait énumérer quantité de situations…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

M. Jean-Claude Lenoir. Nous sommes tout à fait opposés à cette réforme. Que ce soit dit clairement. Du reste, nous le répéterons, puisque, apparemment, vous ne voulez pas l’entendre !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

On a beaucoup parlé de proximité et de parité, mais guère de solidarité. J’ai entendu l’expression d’ « intérêt politicien ». Or je pense qu’il n’y a pas d’intérêt politicien quand on se préoccupe de solidarité territoriale.

On divise le nombre de cantons par deux en plaçant le curseur sur la population, si bien qu’on favorise automatiquement les territoires urbains. Vous avez parlé de générosité. En l’occurrence, celle-ci consiste à multiplier par deux, dans chaque canton, les conseillers départementaux. On va donc accentuer le pouvoir des cantons urbains, les ruraux subissant une double peine.

Les conseillers ruraux seront invités à la table des conseillers urbains, ce qui ne respecte pas la géographie française. En effet, s’il est vrai que 80 % des Français habitent en milieu urbain, 80 % des territoires sont ruraux. C’est grâce à cette magie française que notre pays est la première destination touristique mondiale.

Comment faire pour que les départements vivent, pour que les nouveaux conseillers départementaux, qui seront les syndics des départements, évitent la ruine de leurs collectivités ? Telle est la première question que nous devons nous poser.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme Laurence Rossignol . Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a souvent dans notre hémicycle des débats qui, dans nos différences, nos oppositions, nous grandissent et grandissent le Sénat. Hélas, je crains que celui de ce matin ne soit terriblement régressif.

M. Bruno Sido s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Pardon ? Qu’et-ce que j’entends ? Monsieur, pouvez-vous répéter tout haut votre propos, car je souhaite qu’il figure au Journal officiel ? Vous venez de demander, en parlant de moi : « C’est qui, cette nana ? »

Vives exclamations.

Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme Laurence Rossignol. Monsieur Sido, je vous épargnerai le rappel au règlement, puisque je suis actuellement en train d’intervenir, mais je crois que vous avez gagné, ce matin, la palme du misogyne beauf de cette assemblée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste . – Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Un sénateur d u groupe Ump

Vous vous comportez comme une enfant !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Oui, bien sûr, je suis une toute petite fille !...

Je disais donc que certains des propos que nous avons entendus ce matin étaient tout à fait régressifs. Je prévois même une certaine postérité et une certaine notoriété, dans les jours à venir, à MM. Christophe Béchu et Hervé Maurey.

Je crois qu’il est plus intéressant de revenir sur les erreurs juridiques que vous commettez. Ce matin, vous avez répété à l’envi que la Constitution ne fixait un objectif de parité que pour le long terme ; nous ne serions donc pas obligés de le réaliser immédiatement. Or la Constitution précise que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Et c’est bien une loi qui vise à favoriser l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux que nous examinons ce matin !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Dans le concert des critiques qui se sont exprimées ce matin, je n’ai pas entendu une seule proposition s’inscrivant dans cet objectif constitutionnel, à l’exception de celles qui ont été portées par les très rares parlementaires défendant le scrutin proportionnel. Pour tous les autres, j’ai relevé du conservatisme et un fort attachement à un système qui aboutit aujourd’hui à ce que les conseils généraux ne comprennent que 13 % de femmes.

En fait, vous affirmez qu’il n’est pas besoin de faire quoi que ce soit, que la parité se fera toute seule, qu’un grand mouvement, depuis la Révolution française, conduit les femmes à être de plus en plus présentes, et qu’elles finiront donc bien par être élues. Ce mouvement nous a fait gagner 1 % de femmes en deux ans dans les conseils généraux. À ce rythme, il faudra deux cent cinquante à trois cents ans – quelques mathématiciennes ont fait le calcul – pour que la parité s’applique dans les conseils généraux !

Néanmoins, je comprends que cet objectif satisfasse très bien l’UMP. Quand on est l’élu d’un parti qui envoie 27 femmes sur 194 députés à l’Assemblée nationale, quinze ans après la loi sur la parité, je comprends que l’on se contente d’un tel objectif ! Chers collègues de l’opposition, vous payez chaque année 4 millions d’euros de pénalités pour non-respect de la parité... Votre formation politique refuse la parité. (

Que vous la refusiez pour vous-même, après tout, cela vous regarde, vous et les femmes de votre formation politique. Mais vous ne pouvez tout de même pas la refuser au pays ! Les femmes, en France, veulent l’égalité des droits, et l’égalité des droits politiques.

Pour conclure, je suis, moi aussi, l’élue d’un département rural. Vous n’êtes donc pas les seuls dans ce cas, messieurs. Le département que je représente compte 690 communes ; il s’agit donc d’un département rural.

Je suis très choquée par la manière dont vous manipulez la ruralité depuis ce matin. Vous la travestissez et vous l’utilisez, car la ruralité n’est pas ce que vous décrivez. Le monde rural est infiniment moins rétrograde, moins conservateur et moins archaïque que l’image que vous voulez en donner. §

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon la version pour enfants abondamment délivrée depuis le début de nos débats, le mode de scrutin proposé est le seul à pouvoir nous protéger de deux terribles monstres jumeaux : la proportionnelle départementale, qui casse le lien avec le territoire, et le scrutin uninominal qui, tel Barbe-Bleue, enferme les femmes dans ses placards cantonaux. There is no alternative, disait déjà « Maggie » Thatcher…

Dans la version pour adultes, cette alternative existe. C’est celle que je vous proposerai au travers de l’amendement n° 229 rectifié bis. Il s’agit d’un mode de scrutin remplissant les objectifs de celui qu’il remplace, mais sans ses inconvénients, dont le principal est que ce mode d’élection est dénué de sens pour l’électeur – outre la probable nécessité de mettre en place, dans chaque département, une COCOE gestionnaire des conflits intra-binomiaux.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cette alternative, c’est la proportionnelle dans des circonscriptions infra-départementales. Ma proposition, vous le verrez, mes chers collègues, consiste à s’appuyer sur les intercommunalités ou groupes d’intercommunalités existantes ou prévues par les schémas départementaux, en passe d’être achevés.

Un nombre de sièges variable en fonction de la taille de ces circonscriptions permettrait de coller au terrain et, ainsi, de mieux préserver une représentation minimale des territoires ruraux, car le problème se pose. De fait, ce mode de scrutin fonctionne comme un scrutin majoritaire là où il y a un ou deux sièges, et, bien entendu, comme un scrutin proportionnel là où il y en a de nombreux, sans avoir les défauts d’un double mode de scrutin pour un même département.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Bien sûr, on me critiquera, on dénoncera cette proposition – on l’a fait élégamment en commission –, sur laquelle je reviendrai. Mais, là encore, au risque d’écorner la légende, je voudrais rappeler quelle est la véritable origine de ce « scrutin miracle », le scrutin binominal.

Le premier à avoir voulu populariser ce type de scrutin, certains s’en souviennent, c’était notre collègue Charles Gautier, ancien sénateur socialiste de Loire-Atlantique, lorsque nous nous interrogions collectivement sur la façon d’élire cette autre chimère politique qu’est le conseiller territorial. Charles Gautier avait alors un succès limité au sein de son groupe, je m’en souviens, puis, ce fut l’illumination. Eurêka ! Voilà l’ouvre-boîtes de la quadrature du cercle, qui allait sauver la majorité départementale existante, sans écorner le principe de parité…

Sauf que, plus on avance, plus on se prend à craindre que les avantages de ce scrutin miracle ne s’effacent derrière ses inconvénients. Comme l’a souligné Jacques Mézard toute à l’heure, nous pouvons laisser passer cet article pour voir, et peut-être lui apporter quelques améliorations, mais nous n’accepterons certainement d’emblée pas de voter un tel dispositif.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai le sentiment que, avec ce texte, nous avions une merveilleuse occasion, hélas ratée, de rapprocher les électeurs de leurs représentants désormais nommés « conseillers départementaux ».

On le sait, le taux de participation aux élections du conseil général est plutôt faible, rapporté à d’autres scrutins, tout particulièrement en milieu urbain. Je n’ai pas le sentiment que, avec ce système binominal, fût-il paritaire, cumulé avec un redécoupage communal drastique, nous allons ramener les Français vers ces élections.

Je ne reviendrai pas sur les griefs qui étaient avancés encore à l’instant par M. Jean-Claude Lenoir à propos de ce mode de scrutin, mais, à tout le moins, relevons ensemble un manque de lisibilité.

Puisque je suis un sénateur alsacien, permettez-moi de vous parler de ce que nous voulons faire dans notre région. §Comme vous le savez, nous voulons réunir trois collectivités – l’Alsace, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin – au sein d’un même ensemble, qui s’appellerait « collectivité territoriale d’Alsace ».

Cette démarche doit permettre une réforme décisive de ces collectivités, de leur mode de gouvernance, pour mieux répondre aux besoins de la population. Pour nous, les mots clefs sont : unité, efficacité et proximité avec les citoyens. Nous voulons ouvrir la voie, si possible sur le plan national – on peut rêver –, à une démarche innovante de représentation de nos concitoyens. Bien entendu, nous appliquerons pour cela les lois de la République, s’agissant notamment des modes de scrutin.

Or, sur ce point, puisque devrait aussi s’appliquer, dans notre région, le scrutin cantonal binominal paritaire prévu par le présent projet de loi, il y aura, à mon sens, un mauvais signal adressé aux Alsaciens à quelques mois du référendum sur l’institution de cette collectivité, qui est prévu, vous le savez peut-être, mes chers collègues, le 7 avril 2013.

En effet, le redécoupage cantonal qui sera proposé à l’article 3 implique, à tout le moins, une perte de proximité. Ce n’est pas le bon moment, car, précisément du fait de la suppression des conseils généraux, nous voulons rassurer nos concitoyens sur le maintien de ce lien local jugé indispensable par tous. J’ai le sentiment qu’avec ce scrutin binominal, fût-il, je le répète, paritaire, nous allons dans la mauvaise direction. Franchement, ce scrutin est porteur d’un risque pour l’issue de ce référendum en Alsace, me semble-t-il.

Pour conclure, j’ai bien compris que c’était l’obsession de la parité – je crois, au risque, moi aussi, d’être mis au pilori, que j’ai encore le droit d’utiliser cette expression – qui conduit le Gouvernement à proposer ce mode de scrutin à tout le moins original, pour ne pas dire baroque. Permettez-moi de penser que, même si la parité est un souci légitime, elle ne doit pas devenir précisément une obsession.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce n’est pas une obsession, c’est la Constitution ! Vous avez, à l’évidence, un problème avec l’obsession…

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Madame Assassi, pourquoi êtes-vous si agressive ? C’est intolérable !

Je le répète, l’obsession de la parité, même si cette dernière constitue un souci légitime, ne doit pas prévaloir, surtout quand elle est porteuse de difficultés pour le fonctionnement futur de nos institutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis maire d'une commune qui compte 600 salariés et dont l’encadrement est à 70 % féminin, et je m’en réjouis.

Je tiens à souligner l'importance que j'attache à la question de la parité. Vous avez raison de nous obliger à avancer dans cette direction. Il s’agit cependant de savoir comment y arriver et quelles réponses apporter.

Fondamentalement, ce qui est important pour nos électeurs, c'est de pouvoir identifier, d’une part, les projets que nous portons et que nous nous engageons à mener à terme, et, d’autre part, les initiateurs de ces projets pour l’élection desquels ils déposeront leur bulletin.

On le voit, la notion de proximité est au cœur même de notre mission. Si le projet que vous nous présentez est louable au regard de cet enjeu capital qu’est la parité, nous devons néanmoins nous demander s’il répond à cette question : de quels projets parle-t-on et, surtout, qui les porte ?

Malheureusement, la disparité des territoires est telle que le principe du binôme empêchera d’identifier les porteurs de projets. Nous le voyons déjà dans les communautés d’agglomération ou de communes situées en milieu urbain : nos concitoyens n’identifient pas leurs conseillers généraux. Christophe Béchu l’a souligné fort à propos, et ce constat soulève une véritable question.

Le conseiller territorial s’inscrivait dans une logique d’ensemble, qui a déjà une traduction dans la réalité, puisque le conseiller municipal est désormais en même temps délégué communautaire. En revanche, la notion de binôme est totalement unique. C’est la première fois que ce type d'organisation électorale est proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Selon moi, on ne peut pas affirmer que ce dispositif renforcera la proximité. Au contraire ! C'est pourquoi je suis plutôt partisan de la mise en place du scrutin proportionnel en milieu urbain et du maintien du scrutin majoritaire à l'extérieur des structures urbaines. C'est l'une des voies qui auraient pu être envisagées pour avancer sur l'idée de la parité. Sinon, il faudra privilégier la proportionnelle à l’échelon départemental. Tôt ou tard, d’ailleurs, c'est dans cette direction qu'il faudra s’engager, car elle seule permettra de répondre à la préoccupation de nos concitoyens en matière d’identification des projets et des hommes qui les portent.

Toutefois, je ne prolongerai pas cette intervention, car je sais qu’il reste un grand nombre d'amendements à examiner et que plusieurs de mes collègues souhaitent encore s'exprimer !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La séance est reprise.

La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mme Catherine Tasca . Eh oui, mes chers collègues, encore une nana qui prend la parole !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Si je le fais, allongeant ainsi la liste des sénatrices qui s’expriment sur cet article, c'est parce que je considère que la manière dont nous parlons dans cet hémicycle de l'objectif de parité n'est pas acceptable.

Je ne sais pas si le texte du Gouvernement est « loufoque » ; plus exactement, je ne le pense pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

En revanche, ce qui est absolument loufoque, c'est que, en cette deuxième décennie du XXIe siècle, nous en soyons encore là en matière de représentation et de participation des femmes dans la vie politique française. Il s’agit donc d’un sujet sérieux.

J’entends souligner un point. Les arguments qui sont convoqués ce matin contre ce texte et, plus globalement, contre l'objectif de parité, sont ceux que nous entendions voilà des années lors de la première loi sur la parité du gouvernement Jospin. C’étaient déjà les mêmes critiques qui étaient formulées alors.

Mes chers collègues, ce qui est tout à fait loufoque, c'est le temps qu’il a fallu à l’ensemble des formations politiques pour s'ouvrir à ce problème, à la réalité de notre société et au partage des responsabilités. À gauche, cependant, nous nous sommes enfin saisis de ce problème à bras-le-corps !

Pour ma part, je salue le volontarisme du Gouvernement, et en particulier du ministre de l'intérieur. En effet, à l'occasion de ce débat sur le mode de scrutin des élections départementales sont prévus des mécanismes tout à fait concrets pour atteindre cet objectif de parité ; il ne s’agit plus de se contenter de discours lénifiants.

Je puis très bien entendre les critiques qui peuvent être formulées à l’encontre du mode de scrutin proposé, qu’il s’agisse des habitudes qu’il bouscule ou des intérêts qu'il remettra forcément en cause. En revanche, on ne peut tolérer les arguments qui sont avancés sur la prétendue insuffisance des candidates féminines pour entrer dans nos assemblées.

Vos propos sur la vie départementale prouvent qu’appliquer cet objectif de parité à l'échelon d'une assemblée locale, dont on connaît le rôle très important pour la vie de nos concitoyens dans tous les domaines, en particulier sur le plan social ou s'agissant des solidarités, constituera une avancée importante.

C'est bien à l’échelon des assemblées départementales qu'il importe de traduire enfin le principe de parité et d'associer les femmes à la prise de responsabilités.

Vous ne pouvez plus invoquer l’insuffisance des femmes. D’aucuns ont avancé l’idée de mettre en place une mesure transitoire et de voir si, dans quelque temps, elles auront acquis les compétences nécessaires… Mes chers collègues, j’aimerais que l'on soumette tous les élus masculins à des examens de passage pour vérifier s’il en est bien de même pour eux !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Enfin, l'un d'entre vous a fait remarquer que, même à gauche, certaines femmes refusaient la logique du scrutin binominal qui est proposé.

Lorsqu’a été élaborée la première loi sur la parité, j’ai participé à une réunion au sein du groupe socialiste. À cette occasion, plusieurs femmes, y compris des très jeunes, se sont opposées à ce texte, avançant les arguments que vous utilisez aujourd'hui : ce serait humiliant pour les femmes. Eh bien non, messieurs, ce n'est absolument pas humiliant, et je signale qu'il ne suffit pas de naître femme pour être progressiste.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste . – Mmes Nathalie Goulet et Jacqueline Gourault applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'exprime en tant que femme élue. Madame Tasca, j’ai voté contre la loi sur la parité et je l’assume. J’étais alors non pas parlementaire, mais membre du bureau politique de mon parti, tout comme Michèle Alliot-Marie ; nous avons été les deux seules à nous prononcer en ce sens.

Si je puis m'exprimer aujourd'hui dans cet hémicycle, c'est grâce à cette loi. Je le reconnais, et ce n'est pas de l'humilité, fausse ou non, de ma part. Sans ce texte, je ne serais pas ici. Certes, j'aurais sans doute figuré sur la liste des sénatoriales, mais certainement pas en deuxième position, et je n'aurais donc pas été élue.

Nous ne sommes pas face à un clivage gauche-droite. D'ailleurs, qui a fait inscrire dans la Constitution cet objectif de parité ? Jacques Chirac... §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Oui, c'est sous l’impulsion de Jacques Chirac que ce texte a été voté, avec, je le précise, le soutien du gouvernement de Lionel Jospin. Je rappelle que convoquer le Parlement en Congrès pour modifier la Constitution reste une prérogative du Président de la République !

La Constitution prévoit un objectif de parité ; il ne s’agit en aucun cas d’une obligation.

Je formulerai une autre remarque. Des propos malheureux ont été échangés, c'est vrai. Pour autant, nous sommes tous respectueux les uns envers les autres. Pour ma part, je considérerai plutôt ces propos comme des maladresses ; gardons-nous de toute invective outrancière.

Pourquoi parler de compétence, d'incompétence, de ruralité, d'urbanité ? Pour moi, c'est absolument ridicule : quand les femmes s'investissent, elles le font totalement. Il ne s’agit jamais d’un problème de compétences ou d'incompétence. En revanche, et mes propos en choqueront peut-être certains, mais j'ai l'habitude de m'exprimer librement : les femmes manquent quelquefois de disponibilité.

L’une de nos collègues a raconté qu'elle s'occupait de sa belle-mère. Oui, les femmes ont plusieurs vies. Les hommes aussi, me rétorquerez-vous. Certes. Il n'en demeure pas moins que, dans notre pays latin, nous le savons, la femme constitue le pilier de tout ce qui concerne la famille au sens large : elle est mère, épouse, elle travaille, elle en fait beaucoup ! De fait, il n'est pas toujours évident pour elle de s’investir en politique, mais ce n'est en aucun cas un problème de compétences.

Je ne voterai pas cet article. En effet, s’il va de soi que je suis favorable à cet objectif de parité, je ne trouve pas normal que l'on se serve de cet alibi pour imposer un mode de scrutin très compliqué, difficilement lisible pour nos concitoyens et qui pose un problème de représentativité.

Je conclurai en rendant hommage au père de la parité dans la Constitution : je ne souhaite pas que l'on se serve de la parité pour imposer un scrutin à mes yeux « abracadabrantesque ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Je n’avais pas forcément prévu de m’exprimer ce matin, d’autant que j’interviens assez rarement dans les débats ayant, disons, un caractère féministe.

En effet, monsieur Maurey, voilà longtemps que j’ai fait mienne une conviction : pour les femmes, mieux vaut le combat que le quota !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Toutefois, il faut reconnaître que l’on a du mal à faire évoluer les choses, et je n’aime vraiment pas entendre des mots comme « gadgets » ou « potiches » – car j’ai bien entendu ces termes à propos des femmes qui pourraient être élues… Je regrette ces propos. Gardons-nous de toute agressivité !

Il me semble pour ma part que j’ai un certain recul pour apprécier la situation. J’ai en effet été, en 1985, l’une des premières femmes élues dans un conseil général d’un canton rural. Nous n’étions pas nombreuses en France et, dans mon département, je suis restée seule pendant plus de dix ans. Par ailleurs, je suis élue au Sénat depuis 1992.

Ce recul me donne la possibilité d’effectuer un bilan et de formuler un certain nombre d’observations. Rassurez-vous, mes chers collègues, je vous ferai grâce de la plupart d’entre elles.

Je soulignerai simplement que le mot « objectif » n’a guère de sens. Un peu comme dans les westerns, la frontière n’en finit pas de reculer. Voilà trente ans que j’attends qu’un rééquilibrage s’opère. Et il ne vient pas !

C’est le problème de la dualité entre les mœurs, qui évoluent ou n’évoluent pas, et la loi, qui passe ou ne passe pas.

Les mœurs n’évoluent pas dans notre pays, ou, en tout cas, elles le font bien moins vite que dans certains autres. Et, s’il en est ainsi, c’est tout simplement parce que les femmes sont absentes de l’espace politique, celui dans lequel on fait changer les choses. Le problème se pose en ces termes. C’est pour cela qu’il fallait accepter le principe du quota.

Malgré tout, on préfère payer des pénalités. Quelque part, nous sommes tous coupables, et je le regrette profondément. Mais voilà, la loi ne peut pas attendre l’évolution des mœurs ! C’est elle qui va les faire changer.

Oui, je pense que la réforme que nous vous proposons, au travers de cette formule effectivement assez inédite du binôme – félicitations à celles et ceux qui l’ont imaginée ! – a quelque chose de surprenant. Comme tout ce qui est très innovant, cette réforme peut faire peur.

Mes chers collègues, sachez que je respecte ces craintes. Je connais trop les sociétés masculines, voire exclusivement masculines, pour ne pas comprendre ce que les hommes peuvent ressentir et vivre. Cette parité sera nécessairement traumatisante et, à un moment donné, elle changera profondément la nature des choses.

J’ai envie de vous dire : faisons confiance aux femmes ! Et j’ai envie de dire à celles qui seront élues dans des conseils départementaux : ne vous laissez pas enfermer seulement dans la défense de la cause sociale et dans les politiques sociales. Il y a tellement de choses à accomplir dans les domaines économique et industriel, qui sont essentiels !

Il se trouve que j’ai aussi présidé un conseil général. Nous n’étions pas nombreuses à l’époque, et nous ne le sommes guère plus aujourd’hui. Croyez-moi, il y a beaucoup de choses à faire, dans tous les domaines !

Un mot enfin sur la réforme, notamment sur ses objectifs de redécoupage, de proximité et de parité.

Le problème de la parité sera réglé, et c’est heureux.

En ce qui concerne la proximité, je me permettrai tout de même de faire quelques observations. Élue de l’espace rural, je rejoins tous ceux qui pensent que, effectivement, on va s’éloigner des électeurs dès lors que l’on agrandit les cantons. La proximité sera traduite par le scrutin, dont nous avons souhaité qu’il reste uninominal. Le scrutin uninominal est en effet celui de la proximité, de la personnalisation, de la gestion d’un espace.

Toutefois, l’élu, incontestablement, va s’éloigner de son concitoyen dans l’espace rural. Soyons attentifs à cette difficulté, monsieur le ministre ! Vous devrez ainsi être sensible aux exceptions que certains feront valoir, notamment en termes démographiques ou géographiques.

Puisque je ne reprendrai pas la parole, je souhaite aborder en conclusion le problème des petites communes et des seuils : 3 500 habitants, 2 000, 1 500, 1 000, 500, zéro : où est le juste seuil ?

Il me semble que la justice consisterait à supprimer ce seuil, simplement parce que les communes sont, par principe, égales, et que c’est une forme d’inégalité que l’on pérennise. Cette réforme, si elle n’est pas menée jusqu’à son terme, aura un goût d’inachevé.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC . – Mme Nathalie Goulet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Mon propos sera relativement bref, puisque mes collègues viennent d’exprimer la position défendue par les femmes socialistes dans cette assemblée.

Hier, lors de la discussion générale, j’ai dit qu’il y avait encore au moins deux Bastilles à prendre, et nous venons d’en avoir une belle illustration ce matin.

Je déplore les propos qui ont été tenus. Je n’y reviendrai pas, mais, comme Mme Lipietz l’a souligné, certaines choses ne sont pas acceptables.

Je rappelle que cette proposition, qui est devenue projet de loi, a été votée à l’unanimité des membres présents de la délégation aux droits des femmes du Sénat, laquelle est composée proportionnellement à la représentation des différents groupes politiques.

Cette délégation pluraliste a adopté ce mécanisme en 2010 ; Michèle André l’a proposé et présenté lors du débat sur le conseiller territorial. Il me semble donc que certaines personnes doivent se sentir mal à l’aise dans cette assemblée, et qu’il conviendrait de mettre nos votes en cohérence.

Nous voulons instaurer un nouveau mode de scrutin, avec l’obligation d’introduire davantage de justice dans la représentation des populations des cantons, dont nous savons qu’ils sont très inégaux sur le plan démographique.

C’est aussi l’occasion rêvée de favoriser l’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités politiques, conformément aux termes de notre loi fondamentale. Il faut cesser de repousser sans cesse la frontière, comme vient de le souligner Josette Durrieu. Il n’y a pas de frontière ! La frontière, c’est la modernité, une société plus juste, plus équitable, plus respectueuse de ceux qui la composent.

Je me réjouis grandement des propos de Mme Debré sur le parcours de Jacques Chirac. Il se trouve que je connais bien ce dernier. J’ai commencé ma carrière en 1978, en étant candidate suppléante en Haute-Corrèze, une terre que l’on appelait à l’époque la « Chiraquie ». Je me suis engagée au mois de janvier 1978 avec un camarade homme parce que j’avais lu dans un journal, F Magazine, cette phrase de Jacques Chirac : « Les femmes corréziennes sont dures à la tâche ; elles servent les hommes à table, se tiennent debout derrière eux et se taisent. » J’en avais conclu que je ne pouvais pas me taire !

Le combat continue. Il faut, à la décharge de Jacques Chirac, ou peut-être de son épouse, préciser que, l’année suivante, Mme Chirac était candidate aux élections cantonales dans un canton de Corrèze, qu’elle a été élue et qu’elle est toujours conseillère générale de la Corrèze.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Elle a sans doute aidé son mari à progresser, si bien que l’objectif de parité est en effet inclus dans la Constitution parce que le président Chirac a bien voulu réunir le Congrès à cet effet.

Chers collègues de l’opposition, nous pouvons espérer que le combat que vous menez, tout particulièrement ce matin, est d’arrière-garde. Je vous invite plutôt à regarder vers l’avant.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Madame Bourzai, je ne puis résister à la tentation de vous répondre concernant Jacques Chirac et la Corrèze.

Jacques Chirac avait parlé des apparences. Nous qui connaissons la vie provinciale, nous savons bien que, aussi discrètes que soient les femmes de province, ce sont elles qui gèrent les maisons et les budgets et qui donnent les grandes indications à leurs conjoints. Il reste aux hommes quelques satisfactions d’amour-propre bien superficielles, mais, dans notre pays, la réalité du pouvoir a toujours été du côté des femmes. §

J’en parle d’expérience, d’ailleurs : étant marié et père de quatre filles, j’ai quotidiennement l’occasion de vivre leur rayonnante et souriante autorité…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je me tourne à présent vers M. le ministre : je regrette que le débat d’aujourd’hui nous prive d’une véritable réflexion sur ce que vous souhaitez pour l’organisation des collectivités locales pour notre pays.

Il existe en France un lien passionnel entre nos compatriotes et leur territoire, qui oscille entre deux tentations : le centralisme, qui a fait la force de notre pays et qui lui a permis de résister, sous les Capétiens comme sous la République, et la décentralisation, fruit de la formidable passion de nos compatriotes pour leur territoire, qui constitue un puissant ressort. Qu’il s’agisse d’une toute petite commune, d’une agglomération, d’une région ou, naturellement, d’un département, quand ils ont la responsabilité de gérer ces collectivités, nos concitoyens n’hésitent pas à se mobiliser et à déployer une grande énergie.

Nous parlons aujourd’hui du département. Que s’est-il passé ? En vérité, les pouvoirs locaux ont évolué. Vous avez évoqué en termes peu amènes le conseiller territorial. Je trouve cela très injuste, car il était l’aboutissement d’une évolution de bon sens : la constitution d’un bloc communal et intercommunal, que vous ne contestez pas d’ailleurs, puisque vous acceptez le fléchage que nous avons introduit, et au sein duquel nous pourrions d’ailleurs introduire la parité pour la gestion des organismes intercommunaux.

Nous avions imaginé – cela n’a rien de monstrueux, puisque les Alsaciens vont tenter cette expérience – que les conseillers territoriaux s’occupent de la gestion de proximité au sein des départements et qu’ils puissent se retrouver en réunion régionale pour gérer de grands projets.

Que s’est-il passé depuis que la République a institué les départements ?

La commune d’abord, l’intercommunalité ensuite ont renvoyé les conseils généraux et les assemblées départementales vers des fonctions de défense du monde rural, tant il est vrai que, dans l’action territoriale, les kilomètres carrés comptent autant que les hommes qui les peuplent ou, plus exactement, que la façon de vivre sur des territoires compte autant que le nombre de personnes que l’on représente sur ces territoires, en raison des singularités et des spécificités de chacun d’entre eux.

On peut reprocher aux conseils généraux de ne pas avoir su évoluer, et les écarts sont spectaculaires entre les cantons les plus petits et les plus grands, y compris dans les départements ruraux. Toutefois, ce faisant, les conseils généraux ont pris en charge une responsabilité, qu’ils assument avec succès, à savoir la défense des espaces ruraux, à l’heure où les espaces urbains sont progressivement devenus des éléments moteurs grâce aux communautés d’agglomération et aux communautés urbaines.

D’ailleurs, il arrive souvent que les conseils généraux délèguent aux espaces intercommunaux urbains la responsabilité de tel ou tel service, comme la loi le leur permet.

Votre projet de loi, et le mode de désignation que vous envisagez, va définitivement priver les conseils généraux de cette attention pour l’espace rural, qui ne sera plus portée par personne, ou alors par une toute petite minorité, et va introduire une confusion entre les départements et les agglomérations, puisque ces deux entités seront élues sur les mêmes bases, qu’elles auront la même représentativité et qu’elles entreront sans doute en compétition.

Vous ne nous donnez pas la clef de votre vision d’avenir de l’organisation territoriale. Nous en avions une : communes et intercommunalités, d'une part, solidarité entre départements et régions, d'autre part. Vous, vous consolidez les trois étages que sont la commune, le département et la région, vous récusez la coopération des départements et des régions et vous semez les germes d’un conflit entre les départements et les agglomérations. Ces deux entités auront en effet les mêmes élus, et les départements auront vraisemblablement le souci de doubler les agglomérations, tout en n’étant pas nécessairement du même avis qu’elles sur tous les sujets.

Je reviens maintenant sur un aspect qui nous divise en apparence. Il existe deux modes de scrutin républicains.

La représentation proportionnelle a l’immense mérite de permettre, premièrement, à des courants différents de siéger dans une même assemblée – la composition de notre hémicycle en fournit la démonstration – et, deuxièmement, d’organiser une diversité, c’est-à-dire une représentativité, à l’intérieur d’une même équipe ou d’un même courant.

Le scrutin majoritaire, quant à lui, instaure, en quelque sorte, la responsabilité. Il est vrai cependant qu’il ne garantit pas la représentativité. Ainsi, certains élus ne sont pas nécessairement représentatifs du genre – des chiffres ont été cités à ce sujet –, des professions ni même des âges, autant de considérations tout aussi respectables que d’autres. C’est la raison pour laquelle la situation est équivoque et le projet de loi n’est pas satisfaisant.

Je terminerai mon intervention en formulant le vœu que nous puissions approfondir un projet soutenu par le parti socialiste et qu’a rappelé avec pertinence Christophe Béchu : conservons le conseiller général traditionnel responsable et pas nécessairement représentatif dans l’espace rural et organisons dans les agglomérations une représentation proportionnelle qui permette, grâce aux équipes constituées et à la diversité assurée, de renouveler les assemblées départementales.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Le présent débat étant capital pour le président de conseil général et le sénateur d’un département rural que je suis, je souhaite, contrairement à mon intention initiale, apporter quelques précisions.

Comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, j’aurais préféré que ce débat ait lieu après l’examen de l’acte III de la décentralisation, pour que soient définies nos compétences. En effet, le vote émis par le conseiller départemental sera vécu de façon tout à fait différente par la population si le conseil général demeure, au moins dans le monde rural, la collectivité de proximité par excellence ou s’il n’est plus que le bureau décentralisé de la politique sociale de l’État.

Le découpage prévu suscite de ma part quelques inquiétudes, qui ne tiennent cependant pas à des raisons politiciennes. Ainsi, on va procéder au découpage au moment où tous les EPCI vont évoluer du fait de leur regroupement et où l’on parle de l’émergence des grandes métropoles, voire des eurométropoles.

Je m’interroge également, même si ce point ne constitue pas réellement un problème, car, dans les circonscriptions départementales, nous allons devoir désigner de façon solidaire deux élus, un homme et une femme, qui deviendront ensuite tout à fait indépendants quand ils siégeront à l’assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Chères collègues sénatrices qui êtes intervenues précédemment, sachez que tous les membres de la Haute Assemblée respectent la parité. En tout cas, pour ma part, j’agis ainsi. Toutefois, je demande que soit également respectée la représentation territoriale et, par conséquent, la ruralité.

Tel fut le cas sous le précédent gouvernement lorsqu’a été présenté le projet de conseiller territorial. Tel est encore le cas actuellement, je le reconnais, avec le scrutin binominal proposé, qui élimine la proportionnelle intégrale, laquelle signerait la mort des territoires ruraux.

Je ferai simplement remarquer que le vote du présent article 2 reviendrait, en réalité, à adopter une motion du type de celles dont nous avons discuté hier de façon enflammée puisqu’un vent vendéen a même soufflé…

En réalité, doit-on continuer le débat ? Pour la ruralité, l’une des clefs de ce débat est le tunnel des plus ou moins 20 %. J’ai noté certaines ouvertures dans les propos qui ont été précédemment tenus, y compris par M. le ministre, qui a évoqué plus ou moins 40 % ; ainsi, la représentation territoriale pourrait être satisfaite, même si c’est seulement de façon relative.

Cependant, bien qu’étant membre de cette assemblée depuis seulement un an, je ne suis pas un pigeon de l’année…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Un perdreau voulez-vous dire, mon cher collègue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

M. Gérard Roche. J’en conviens, mais j’ai employé le mot « pigeon » car je ne souhaite pas être pigeonné…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

En effet, si le débat a bien lieu, je ne voudrais pas que, une fois le projet de loi adopté par le Sénat, on nous dise que l’article 3 de la Constitution invalide ce vote, au motif que la règle des plus ou moins 20 % est incontournable.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

L’article 2 que nous examinons est important, et j’en veux pour preuve les nombreuses prises de parole qui durent depuis déjà un certain temps. J’espère d’ailleurs que les propos tenus par mes collègues leur serviront d’argumentaire lors de la présentation des amendements, ainsi que d’explication de vote, sinon les discussions risquent de nous occuper encore pendant quelques jours…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

À mes collègues qui seraient tentés de ne pas voter l’article 2, je voudrais faire remarquer que, dans ce cas de figure, c’est l’Assemblée nationale qui déciderait du mode de scrutin applicable aux conseils généraux. Qu’ils réfléchissent donc bien avant de se dessaisir de cette responsabilité.

À ceux qui soutiennent que nous n’avons rien proposé, je rétorquerai que, pour ma part, j’ai suggéré un système qui retienne la proportionnelle en milieu urbain – je propose plus de 100 000 habitants pour ce qui concerne les communautés d’agglomération – et que l’on conserve le système actuel, même remodelé, dans les zones du territoire où la population est moindre. Certains m’ont d’ailleurs rejoint sur ce point.

Selon moi, les reproches adressés au texte qui nous est soumis sont irréalistes ; ils ne sont pas convenables. D’aucuns soutiennent que l’un des deux élus aurait la priorité sur l’autre. Mais pas du tout ! Qu’ils seraient tenus d’exprimer le même vote. Mais pas du tout ! N’importe quel système d’élection nous laisse libre de nos choix, fort heureusement.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Tout à fait. Il n'y a pas de mandat impératif.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Et la plupart du temps, dans les conseils généraux – telle est en tout cas la situation dans le mien –, 95 % des décisions sont votées à l’unanimité, quelle que soit l’appartenance politique des différents élus.

Par conséquent, arrêtons de faire croire que le texte qui nous est soumis est « abracadabrantesque », comme je l’ai entendu dire. Le système proposé dans le présent projet de loi est respectable, même si je préfère, bien évidemment, le dispositif que je vous proposerai tout à l’heure. Si l’amendement que je vais soutenir n’est pas adopté, je voterai le présent article, parce qu’il est meilleur que le texte auquel nous risquons d’aboutir si vous laissez à l’Assemblée nationale le soin de décider à notre place.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je suis une nouvelle sénatrice, puisque j’ai été élue à la Haute Assemblée au mois de septembre 2011. Ce matin, j’ai été atterrée par certains propos bien maladroits, voire inacceptables, qui ont été tenus dans l’hémicycle, mais aussi par certaines réponses apportées par des passionarias qui ne servent peut-être pas le genre féminin.

Ma présente intervention vient en fait appuyer celle de ma collègue Isabelle Debré. Comme elle, j’étais opposée à la loi sur la parité, pour un double motif.

D’une part, je considérais que les femmes avaient l’intelligence, les compétences nécessaires pour arriver aux affaires sans que soit adopté un texte législatif à cette fin. Il faut dire que j’avais comme modèle Nelly Rodi, à qui je rends hommage, l’une des premières femmes politiques en Île-de-France dans les années soixante, élue au Sénat en 1986. À l’époque, et je le regrette, j’avais probablement sous-estimé l’habileté masculine. Force m’est d’ailleurs de reconnaître que je ne serais certainement pas parlementaire aujourd’hui si la loi précitée n’avait pas été adoptée.

D’autre part, je n’aime pas la loi des quotas qui me semble sans fin. Mes chers collègues, sommes-nous représentatifs de la diversité de nos origines, de la pyramide des âges, de nos origines professionnelles, etc. ?

Selon moi, la parité ne peut pas et ne doit pas servir d’alibi à l’adoption d’un projet de loi qui pose moult problèmes en matière tant de représentation des territoires et des populations urbaines et rurales – je souscris bien volontiers aux propositions et remarques très intéressantes formulées par Philippe Dallier et Christophe Béchu – que de proximité. Se pose également la question de l’ordre dans lequel nous adoptons les lois. Quand examinerons-nous l’acte III de la décentralisation ?

Doit-on réformer ? Oui, probablement, puisque le territoire évolue. Néanmoins, comme M. Longuet, je pense qu’il faut avoir une vision globale de l’aménagement du territoire.

Au terme de mon intervention, je le répète avec une grande fermeté : je ne veux pas que les femmes et la parité soient un alibi de surface pour permettre une adhésion presque populiste à un projet de loi qui, en l’état, me semble déstructurant pour la représentativité de nos territoires.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je ne suis absolument pas « fan » du mode de scrutin proposé par le Gouvernement. J’aurais préféré que soit retenu un scrutin de liste par circonscription législative, qui aurait eu l’avantage de l’ancrage local, de la parité et du pluralisme. Cela étant, je dois reconnaître qu’il n’était pas facile de trouver un mode de scrutin offrant des garanties sur ces trois points.

Il reste que le système prévoyant la désignation de deux conseillers pour un même territoire n’a pas de quoi m’enthousiasmer, pas plus que ne m’enthousiasmait la solution consistant à élire un conseiller pour deux collectivités, car, rappelons-nous, mes chers collègues, tel était bien le cas du conseiller territorial.

MM. Béchu et Longuet ont expliqué que le dispositif du conseiller territorial aurait été très constructif si n’avait plus existé qu’une seule collectivité : on aurait conservé le découpage administratif des régions et des départements, mais en ne formant qu’une seule collectivité. Pour ma part, j’aurais voté sans hésitation un tel dispositif, car il aurait permis de réaliser des économies de gestion et de simplifier réellement notre organisation territoriale. Or on est resté au milieu du gué en prévoyant un élu pour deux collectivités.

Je précise au passage, à l’adresse de ceux qui ont effectué des comparaisons, que ce n’est pas la même chose au niveau de la commune et de l’intercommunalité, celle-ci étant non pas une collectivité territoriale, mais un établissement public de coopération intercommunale.

Je dois signaler, tout en le regrettant et au risque de me faire des ennemis, que, dans cette enceinte même, l’évolution vers une collectivité unique – l’Alsace s’apprête à le faire, comme on l’a rappelé tout à l’heure – s’est heurtée à l’hostilité de présidents de conseils généraux, siégeant d’ailleurs sur différentes travées.

Cela étant, face au tableau merveilleux du monde des conseillers territoriaux, je voudrais me livrer à trois rappels.

Tout d’abord, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître, la diminution du nombre de cantons alors envisagée était à peu près égale à ce que prévoit le présent projet de loi.

Par ailleurs, ainsi que Mme Goulet m’a demandé de le rappeler, on ne connaissait pas plus qu’aujourd’hui les frontières des futurs cantons.

Enfin, je veux rappeler que, si nous examinons aujourd'hui un mode de scrutin, sous l’ancienne majorité, alors que la discussion du texte en cause, qui portait sur l’organisation territoriale, avait commencé au Sénat, comme le prévoit la Constitution, c’est subrepticement que le mode de scrutin avait ensuite été soumis à l’Assemblée nationale : autrement dit, nous avions été mis devant le fait accompli. Si je me souviens bien, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le dispositif avait été annulé par le Conseil constitutionnel.

Aussi, lorsque j’entends certains propos tenus par des collègues de l’UMP, je me dis qu’ils n’ont pas beaucoup de mémoire !

C’est pourquoi, tout comme mon collègue Gérard Roche, je préfère que le mode de scrutin soit étudié en premier par le Sénat, c'est-à-dire avant que l’Assemblée nationale ne s’empare du sujet. On sait en effet que, à l’Assemblée nationale, quelle que soit la majorité, la décision est en quelque sorte monolithique.

J’espère d’ailleurs que le Président de la République va tenir son engagement d’introduire une dose de proportionnelle pour les élections législatives.

En parlant de proportionnelle, j’ai presque l’impression de prononcer un gros mot, mais j’irai jusqu’au bout de ma pensée : je suis pour une proportionnelle corrective, c'est-à-dire un système qui permet à la fois de dégager une majorité et d’assurer la représentation de tous les courants politiques présents en France. Je crois que ce serait une manière d’apaiser la vie politique. J’en conviens, ce n’est pas le sujet qui nous occupe en cet instant, mais je tenais à affirmer cette conviction, même si je me doute que mes propos vont susciter des commentaires…

Initialement, je ne voulais pas intervenir sur la parité. Je n’ai jamais appartenu à des associations féministes ni même à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Mais il se trouve que des propos vraiment choquants ont été tenus ici, ce matin, sur les femmes. Du reste, plusieurs collaboratrices parlementaires, qui sont actuellement dans leur bureau en train de suivre la séance sur le canal interne de télévision, m’ont envoyé des SMS pour me dire que je ne pouvais pas ne pas intervenir. Je pense qu’elles ont raison.

Madame Bourzai, vous avez parlé tout à l'heure des sénatrices socialistes. Je crois qu’il ne faut pas s’exprimer ainsi : il faut parler de l’ensemble des sénatrices, parce que, sur toutes les travées, nous avons toutes été choquées. §

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Nous vivons en quelque sorte une nouvelle discussion générale, mais ce n’est pas un mal, car la démocratie demande du temps.

Par-delà les caricatures et les excès, au moins trois enjeux fondamentaux ressortent de nos débats depuis ce matin.

Le premier est celui de la pérennité de l’action publique départementale. Je voudrais rappeler que M. Copé a annoncé, dans une déclaration programmatique, qu’il souhaitait supprimer les départements et que M. Fillon a exprimé, dans des termes différents, un objectif qui n’est guère éloigné de leur suppression. Le mode de scrutin proposé par la majorité traduit au contraire une volonté de pérenniser l’échelon départemental comme échelon d’action publique pour garantir les solidarités territoriales, les solidarités humaines et l’innovation. Il fallait le rappeler, car c’est l’enjeu essentiel du débat.

Le deuxième enjeu est celui de la ruralité. Personne, sur aucune travée, n’a l’exclusivité de la défense de la ruralité. Je suis socialiste et j’en suis fier §; je suis élu d’un département rural et j’en suis non moins fier. Mon action au quotidien est inspirée par le souci de faire des territoires ruraux des territoires d’avenir dans notre pays.

L’article 23 est souvent évoqué, mais des ouvertures ont été proposées tant par le rapporteur que par le ministre ; il faudra y travailler au cours du débat.

Je voudrais faire remarquer que, dans le département de l’Aisne, département rural s’il en est, les territoires ruraux seront mieux représentés si le projet de loi est adopté puisque les 21 nouveaux cantons éliront deux conseillers généraux chacun, alors que, si nous avions maintenu le système adopté par la précédente majorité, 35 cantons auraient élu un seul conseiller territorial chacun. Il n’y a pas de vérité plus évidente ! Il faut bien regarder quel sera le découpage ; nous avons tous le souci de faire en sorte que, même si un rééquilibrage entre le rural et l’urbain est à l’évidence nécessaire, le rural doit conserver une forte représentation.

J’en viens au troisième enjeu. J’ai discuté il y a quelques instants avec Claudy Lebreton, président de l’ADF, l’Assemblée des départements de France. Sa position est claire, nette et précise : il soutient le scrutin binominal proposé par le Gouvernement.

Pour répondre aux propos de M. Longuet, je lui dirai que nous avons en commun une vision de notre organisation institutionnelle telle que celle-ci comporte deux éléments : un élément de proximité, qui irait de la commune jusqu’au département, et un élément de stratégie, qui irait de la région jusqu’à l’Europe. On voit que, dans ce système, la coupure se situe entre le département et la région. C'est la raison pour laquelle nous étions fortement opposés à la création du conseiller territorial.

En conclusion, puisque je viens de l’Aisne, qui fut le berceau de nombreux révolutionnaires, en particulier Saint-Just, je vous dirai ceci, mes chers collègues : osons ! Osons la modernité, osons la parité parfaite pour les départements, osons inscrire le département dans l’avenir en soutenant le projet du Gouvernement ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-François Husson, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

J’aimerais soulever quelques interrogations et apporter quelques éclairages, avant de terminer par une petite note d’humour.

Je partage la volonté, qui a été exprimée aussi bien sous la majorité précédente que sous la majorité actuelle, de réduire les inégalités de représentation entre les territoires et entre les populations.

Tout d’abord, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous livriez une information qui nous manque encore.

Aujourd'hui, le nombre de conseillers généraux diffère selon les départements, et le nombre d’habitants par canton varie à peu près, à l’échelle nationale, de 1 à 50. Le projet de loi prévoyant de figer le nombre de conseillers généraux, nous allons obtenir de nouvelles moyennes. J’attends toujours que vous nous indiquiez quel sera, toujours à l’échelle nationale, le nombre minimal et le nombre maximal d’habitants pour un canton. Mais j’ai bien compris que, de toute façon, il allait y avoir une réduction de l’écart.

Par ailleurs, je fais partie de celles et ceux qui ne veulent pas opposer les territoires entre eux ni les habitants entre eux. En effet, il me semble que cette approche est complètement dépassée, d’autant que nos concitoyens, nos chefs d’entreprise et l’ensemble des acteurs de la vie publique font souvent fi des frontières administratives, qu’elles soient cantonales, communales ou intercommunales.

Nous avons d'ailleurs mis en place de beaux outils pour répondre à cette situation : les schémas de cohérence territoriale, les SCOT. J’ai la chance de présider à la mise en œuvre d’un SCOT qui réunit quelques centaines de communes : nous devons dépasser certaines querelles afin d’éviter que les villes, tels des prédateurs, ne dévorent les territoires ruraux et pour que les territoires ruraux ne souffrent pas d’un développement ou d’un niveau de services insuffisants.

Pas plus que je ne veux opposer les territoires et les habitants entre eux, je ne veux opposer les femmes et les hommes. Il y a beaucoup d’efforts à faire à cet égard et, quelle que soit la solution retenue, nous ne sommes jamais arrivés jusqu’à présent à obtenir des résultats satisfaisants. Ce n’est pas en imposant des règles plus contraignantes et plus sévères aux partis politiques que nous résoudrons le problème puisque de nombreux conseillers généraux – il en ira de même des conseillers départementaux – ne sont pas « encartés », et c’est du reste une bonne chose.

Je m’interroge aussi sur le rôle que joueront demain les départements. Leur rôle, aujourd'hui, n’a déjà plus rien à voir avec ce qu’il était voilà quelques décennies ou même quelques années. Pour ma part, je persiste à considérer – sans doute ne sommes-nous plus guère nombreux à penser ainsi – que le transfert de la gestion des allocations de solidarité aux départements est une erreur majeure et que nous devrions avoir le courage de la réparer. C’est le rôle de l’État d’assurer la redistribution par le biais des grandes allocations de solidarité. Nous n’obtiendrons jamais d'accord dans le système actuel. Je vous souhaite bonne chance si vous comptez essayer, car vous n’arriverez jamais à compenser le décalage sociétal et financier qui existe aujourd'hui.

Nous sommes actuellement dans la dernière année de discussion et de négociation des schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI. Si je les évoque, c’est parce que la préparation des SDCI vient percuter les réflexions sur la réforme territoriale et sur l’acte III de la décentralisation, et donc aussi sur la représentation des territoires. J’ai bien compris que la représentation prévue, qui tient largement compte – et c’est tant mieux – du nombre d’habitants, ne fixe aucune contrainte.

Tiendra-t-on compte de la nature du territoire, ce qui impliquerait de faire la distinction entre les agglomérations et les territoires ruraux ?

Je rejoins les propos de Philippe Adnot et de quelques autres de nos collègues : je pense que le mieux serait d’instaurer un système mixte prévoyant, à côté du scrutin majoritaire pour les territoires ruraux, une représentation proportionnelle pour les territoires urbains. En effet, je peux dire, ayant été conseiller général d’un gros canton urbain, que nous ne sommes pas identifiés par la population, nous n’existons en tant qu’individus qu’une fois tous les six ans, lors des élections. La situation est différente dans les territoires ruraux. Je ne pense pas qu’un tel système mixte soit inconstitutionnel. En tout cas, il aurait l’avantage de permettre une meilleure prise en compte des uns et des autres.

Je ferai une dernière remarque, car je ne veux pas qu’il y ait de mauvaise interprétation. La place des femmes dans notre société et dans chacune de nos communes est extrêmement importante, éminente. En témoigne le symbole même de la République, qui est une femme, cette Marianne qui se trouve dans toutes les communes de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je concède qu’il faut aujourd'hui aller plus loin, car les Marianne sont figées. Mesdames, comme beaucoup d’autres, ici ou ailleurs, je souhaite que nous profitions de vos talents et de vos compétences, je souhaite que vous preniez toute votre part dans la vie publique comme vous le faites si bien dans la vie quotidienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Si nous faisons dans la vie publique comme dans la vie privée, nous ferons tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Beaucoup de nos collègues s’interrogent sur les conditions d’élection du binôme de conseillers départementaux. On peut être pour ou contre. Personnellement, je ne suis pas opposé à la parité.

Je voudrais rappeler à ceux qui ont fait l’éloge du conseiller territorial que, lorsque le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi le créant – pour ma part, je ne l’ai pas voté –, nous n’en connaissions ni les compétences, ni le mode d’élection, ni la circonscription électorale. Cela avait suscité de nombreux débats, et le texte n’avait été adopté qu’à une très courte majorité.

Nous avons aujourd'hui l’occasion de débattre des conditions d’élection des conseillers départementaux. Nous avons aussi l’occasion de débattre des moyens de mieux représenter nos territoires. Monsieur le ministre, nous attendons d'ailleurs des réponses claires sur ce point, qui conditionnera le vote de beaucoup d’entre nous.

Ne faisons pas ce que nous avons fait pour le dernier projet de loi de finances : ne laissons pas à l’Assemblée nationale le soin de débattre pour nous. C’est aussi l’image du Sénat qui est en jeu. Il faut veiller à ce que nous puissions accomplir notre travail. Je conserve un souvenir assez cuisant de ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale en matière de péréquation, avec l’adoption de dispositions défavorables à tous les territoires ruraux. Ne faisons pas la même erreur et débattons ! Je souhaite donc que tous les amendements qui ont été déposés sur l’article 2 puissent être discutés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le ministre, trois questions se posent.

Tout d'abord, on l’a dit, on l’a répété, c’est la survie même des départements qui se joue aujourd'hui. Vous êtes le ministre des collectivités : pouvez-vous nous donner une perspective, y compris financière, sur l’avenir des départements ?

Je n’avais pas voté la réforme territoriale ; je parle donc en toute liberté. Les débats du mois de décembre nous ont énormément inquiétés. Ils ont aussi inquiété le président de l’ADF, je vous l’ai dit hier. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des indications sur cette question de la survie des départements ? C’est en effet l’enjeu le plus important.

La deuxième question concerne le mode de scrutin. Celui que vous proposez nous paraît bancal. Si votre système est mis en œuvre, des problèmes très concrets, des problèmes territoriaux, se poseront. Je pense, par exemple, aux spécificités des territoires insulaires. La Bretagne, la Vendée ou encore la Charente-Maritime sont concernées. Certaines îles vont-elles constituer à elles seules une circonscription territoriale ? Y aura-t-il deux conseillers départementaux pour représenter une même île ? Nous aimerions vous entendre sur cette question.

Par ailleurs, un bon mode de scrutin doit concilier un certain nombre d’objectifs : la parité en est un ; c’est même un objectif à valeur constitutionnelle. La représentation des territoires est un autre objectif puisque, je le rappelle, il s’agit d’élire des assemblées territoriales. On ne peut pas comparer les scrutins nationaux et les scrutins territoriaux. Outre ces deux objectifs de parité et de représentation territoriale – et notamment de prise en compte de la ruralité –, il y a l’objectif de pluralité. Or la pluralité sera moindre si votre système est retenu : alors que deux cantons peuvent avoir, l’un, un conseiller général de droite, l’autre, un conseiller général de gauche, deux conseillers ayant la même étiquette seront élus dans la circonscription qui réunira ces deux cantons.

Vous voyez bien qu’avec ce mode de scrutin on ne parvient pas à concilier ces trois objectifs que sont la parité, la territorialité et la pluralité.

S’agissant de la parité, je dirai que nous sommes tous d’accord sur le constat : 13, 5 % de femmes dans les assemblées départementales, c’est notoirement insuffisant. Simplement, je tiens à préciser que notre modèle républicain – j’y suis attaché, même si certains, hier soir, me contestaient la possibilité de parler de la République ! –, ne reconnaît que des citoyens.

Par ses décisions de 1982 et de 1999, le Conseil constitutionnel nous a dit que notre République s’opposait à la catégorisation des individus, électeurs comme éligibles. Or ce que vous nous proposez ressemble terriblement à une mesure de discrimination positive, car vous introduisez une obligation de résultat extrêmement contraignante, alors que d’autres modes de scrutin auraient plus facilement permis d’atteindre l’objectif.

Pour ma part, j’étais favorable à un scrutin mixte, proportionnel en milieu urbain et majoritaire uninominal en zone rurale. À mes yeux, il est possible, sans condamner tel ou tel sexe, de dire que la discrimination positive – curieux oxymore, d’ailleurs, révélateur d’ambiguïtés – ne convient pas à notre modèle républicain, lequel reconnaît non pas des citoyennes et des citoyens, mais seulement des citoyens, au-delà de toute considération de sexe, de religion, etc. Je pense qu’il est nécessaire de le réaffirmer.

Enfin, l’argument, entendu ici ou là, consistant à dire qu’il ne faut surtout pas laisser l’Assemblée nationale décider à notre place ne tient pas puisque ce texte n’est pas présenté en procédure accélérée et qu’il reviendra donc devant notre assemblée. Mes chers collègues, saisissons-nous de nos pleins pouvoirs et exerçons-les en pleine liberté ! §

Debut de section - Permalien
Manuel Valls

Je serai bref, car nous nous approchons de l’heure de suspension du déjeuner et nous nous retrouverons pour ce débat à seize heures : nous aurons donc le temps d’aborder toutes les questions qui ont été soulevées.

D’abord, puisqu’il a été fait allusion à l’attachement du président Mitterrand au département, je tiens à rappeler que François Hollande a lui-même été président du conseil général de la Corrèze, qui n’est pas connu pour être un département urbain, et qu’il est, lui aussi, profondément attaché au département.

Cet attachement trouve sa traduction dans le mode de scrutin que nous proposons. Nous étions nombreux à considérer, sans que cela relève d’une quelconque obsession politicienne, que le conseiller territorial, en ce qu’il était appelé à siéger dans des assemblées représentant deux types de collectivités, mettait au contraire en cause l’avenir du département.

C’est le mode même de scrutin que nous avons retenu pour la désignation des conseillers départementaux qui me permet de réaffirmer notre attachement au département et à ses compétences.

Pour ce qui est de la parité, celle-ci peut être imposée soit par le scrutin de liste, soit par la sanction financière, comme c’est le cas pour les élections législatives.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Laurence Rossignol a justement rappelé le coût qu’un tel système peut représenter pour une formation politique qui ne respecte pas le principe posé. Il est clair que la sanction financière n’est pas envisageable pour les élections cantonales.

Il nous faut néanmoins être conscients de l’effort qu’il nous reste à accomplir s’agissant de la présence des femmes dans les assemblées départementales. N’oublions pas que, aujourd'hui, deux conseils généraux ne comptent aucune femme…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

… et qu’on ne dénombre que 13, 5 % de conseillères générales.

Cela montre bien qu’il y a un effort à faire, et cela, effectivement, quelles que soient les formations politiques.

Au demeurant, ainsi que Laurence Rossignol l’a également rappelé, ce constat vaut plus pour les assemblées départementales que pour l’Assemblée nationale. Cela signifie que, si nous n’imposons pas la parité au niveau du département, nous n’y arriverons pas ! Cela ne revient pas à imposer un quota, et je réfute l’idée selon laquelle il s’agirait de discrimination positive.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Mais il suffit d’observer les exécutifs, notamment ceux des intercommunalités : dès lors que la parité n’est pas imposée, elle n’est pas appliquée naturellement ! On le voit aussi très bien dans les conseils municipaux qui ne sont pas soumis au scrutin de liste proportionnel : les femmes y sont nettement minoritaires ! Dans ces conditions, nos collectivités ne sont donc pas représentatives de la société.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Les principes de la pérennité du département et de la parité étant posés, nous avons considéré – c’est un point qui fait débat au sein de la majorité – que, comme nous souhaitions garder le lien avec l’électeur, le scrutin majoritaire à deux tours s’imposait, à l’exclusion de tout autre. En effet, le scrutin de liste départemental éloignerait l’élu de l’électeur et transformerait la nature du conseil général.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Un scrutin mixte, c’est-à-dire proportionnel pour certains départements et majoritaire pour d’autres, existe certes : pour le Sénat. Le juge constitutionnel n’a pas eu à se prononcer sur sa conformité à la Constitution. Mais je peux vous affirmer que, si nous l’adoptions pour les départements, au-delà des inévitables conséquences politiques, il risquerait d’être considéré comme inconstitutionnel.

Au reste, pourquoi priver les cantons urbains de la possibilité d’élire leur conseiller général ? Je sais bien que l’élu d’un canton rural de 1 000, 2 000 ou 3 000 habitants est mieux connu de ses électeurs que celui d’un canton urbain. Toutefois, même dans ce dernier cas, il y a des élus qui sont connus, qui travaillent et qui ne se font pas uniquement élire sur une étiquette politique ; je pourrais vous citer des exemples très précis dans mon propre département, l’Essonne. N’opposons pas territoires urbains et territoires ruraux !

Parité, lien avec l’électeur, scrutin majoritaire constituent les principaux axes de ce texte.

Quant à des solutions s’appuyant sur la proportionnelle dans l’arrondissement ou dans l’intercommunalité, il est clair qu’elles ne marcheront pas…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

… parce que la circonscription bouge en permanence, que ce soit l’arrondissement, aujourd’hui complètement dépassé, ou l’intercommunalité, institution très jeune qui n’est pas encore figée.

À partir de ces principes, nous avons proposé un nouveau mode de scrutin, le binominal majoritaire, issu d’un travail effectué, notamment, au Sénat.

À ceux qui s’opposent à cette proposition ou s’interrogent à son sujet je dis : prenons le temps de discuter ! Je reste très ouvert à la discussion pour permettre d’élargir la règle des 20 %, que vous appelez le « tunnel », mais qui nous a été rappelée par le Conseil d’État. Moi, je me borne à mettre en avant les règles posées par le Conseil d’État et par le Conseil constitutionnel.

L’un d’entre vous l’a rappelé à juste titre : il y aura une navette puisque nous ne sommes pas en procédure accélérée. Alors, regardons de près comment, les uns et les autres, nous pouvons faire en sorte que ce scrutin qui permet la parité, préserve le lien avec l’électeur et assure la représentativité des conseils généraux puisse être accepté du plus grand nombre. Moi, je suis très soucieux d’entendre ce que vous avez à dire sur la représentation des territoires ruraux, des territoires de montagne, du littoral…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

… bref, de la diversité des territoires de notre beau pays, avec ses paysages si variés.

Même si je pense qu’un élu représente d’abord des électeurs, je suis conscient qu’il peut aussi se sentir le représentant de son territoire.

Je vous demande donc de permettre que le débat sur ce sujet-là puisse se poursuivre, car je souhaite trouver un accord avec le Sénat, qui représente les territoires. À mon avis, la Haute Assemblée en sortirait renforcée face à l’Assemblée nationale. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Monsieur le président, pourrions-nous avoir des précisions sur le déroulement de la suite du débat, pour nous permettre de nous organiser ?

La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.