Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 17 janvier 2013 à 9h30
Élection des conseillers départementaux des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modification du calendrier électoral — Article 2

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Je me tourne à présent vers M. le ministre : je regrette que le débat d’aujourd’hui nous prive d’une véritable réflexion sur ce que vous souhaitez pour l’organisation des collectivités locales pour notre pays.

Il existe en France un lien passionnel entre nos compatriotes et leur territoire, qui oscille entre deux tentations : le centralisme, qui a fait la force de notre pays et qui lui a permis de résister, sous les Capétiens comme sous la République, et la décentralisation, fruit de la formidable passion de nos compatriotes pour leur territoire, qui constitue un puissant ressort. Qu’il s’agisse d’une toute petite commune, d’une agglomération, d’une région ou, naturellement, d’un département, quand ils ont la responsabilité de gérer ces collectivités, nos concitoyens n’hésitent pas à se mobiliser et à déployer une grande énergie.

Nous parlons aujourd’hui du département. Que s’est-il passé ? En vérité, les pouvoirs locaux ont évolué. Vous avez évoqué en termes peu amènes le conseiller territorial. Je trouve cela très injuste, car il était l’aboutissement d’une évolution de bon sens : la constitution d’un bloc communal et intercommunal, que vous ne contestez pas d’ailleurs, puisque vous acceptez le fléchage que nous avons introduit, et au sein duquel nous pourrions d’ailleurs introduire la parité pour la gestion des organismes intercommunaux.

Nous avions imaginé – cela n’a rien de monstrueux, puisque les Alsaciens vont tenter cette expérience – que les conseillers territoriaux s’occupent de la gestion de proximité au sein des départements et qu’ils puissent se retrouver en réunion régionale pour gérer de grands projets.

Que s’est-il passé depuis que la République a institué les départements ?

La commune d’abord, l’intercommunalité ensuite ont renvoyé les conseils généraux et les assemblées départementales vers des fonctions de défense du monde rural, tant il est vrai que, dans l’action territoriale, les kilomètres carrés comptent autant que les hommes qui les peuplent ou, plus exactement, que la façon de vivre sur des territoires compte autant que le nombre de personnes que l’on représente sur ces territoires, en raison des singularités et des spécificités de chacun d’entre eux.

On peut reprocher aux conseils généraux de ne pas avoir su évoluer, et les écarts sont spectaculaires entre les cantons les plus petits et les plus grands, y compris dans les départements ruraux. Toutefois, ce faisant, les conseils généraux ont pris en charge une responsabilité, qu’ils assument avec succès, à savoir la défense des espaces ruraux, à l’heure où les espaces urbains sont progressivement devenus des éléments moteurs grâce aux communautés d’agglomération et aux communautés urbaines.

D’ailleurs, il arrive souvent que les conseils généraux délèguent aux espaces intercommunaux urbains la responsabilité de tel ou tel service, comme la loi le leur permet.

Votre projet de loi, et le mode de désignation que vous envisagez, va définitivement priver les conseils généraux de cette attention pour l’espace rural, qui ne sera plus portée par personne, ou alors par une toute petite minorité, et va introduire une confusion entre les départements et les agglomérations, puisque ces deux entités seront élues sur les mêmes bases, qu’elles auront la même représentativité et qu’elles entreront sans doute en compétition.

Vous ne nous donnez pas la clef de votre vision d’avenir de l’organisation territoriale. Nous en avions une : communes et intercommunalités, d'une part, solidarité entre départements et régions, d'autre part. Vous, vous consolidez les trois étages que sont la commune, le département et la région, vous récusez la coopération des départements et des régions et vous semez les germes d’un conflit entre les départements et les agglomérations. Ces deux entités auront en effet les mêmes élus, et les départements auront vraisemblablement le souci de doubler les agglomérations, tout en n’étant pas nécessairement du même avis qu’elles sur tous les sujets.

Je reviens maintenant sur un aspect qui nous divise en apparence. Il existe deux modes de scrutin républicains.

La représentation proportionnelle a l’immense mérite de permettre, premièrement, à des courants différents de siéger dans une même assemblée – la composition de notre hémicycle en fournit la démonstration – et, deuxièmement, d’organiser une diversité, c’est-à-dire une représentativité, à l’intérieur d’une même équipe ou d’un même courant.

Le scrutin majoritaire, quant à lui, instaure, en quelque sorte, la responsabilité. Il est vrai cependant qu’il ne garantit pas la représentativité. Ainsi, certains élus ne sont pas nécessairement représentatifs du genre – des chiffres ont été cités à ce sujet –, des professions ni même des âges, autant de considérations tout aussi respectables que d’autres. C’est la raison pour laquelle la situation est équivoque et le projet de loi n’est pas satisfaisant.

Je terminerai mon intervention en formulant le vœu que nous puissions approfondir un projet soutenu par le parti socialiste et qu’a rappelé avec pertinence Christophe Béchu : conservons le conseiller général traditionnel responsable et pas nécessairement représentatif dans l’espace rural et organisons dans les agglomérations une représentation proportionnelle qui permette, grâce aux équipes constituées et à la diversité assurée, de renouveler les assemblées départementales.

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