Intervention de Yvon Collin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 23 janvier 2013 : 3ème réunion
Fiscalité numérique neutre et équitable — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Yvon CollinYvon Collin, rapporteur :

La fiscalité de l'économie numérique est au coeur de la construction des nouveaux modèles économiques de croissance. Les distorsions de concurrence et les stratégies d'optimisation fiscale des grands groupes de l'Internet, le danger que représente la concurrence déloyale des acteurs basés dans les pays à fiscalité réduite sont une préoccupation majeure des acteurs de l'économie numérique.

Philippe Marini a été à l'initiative du travail d'information engagé par notre commission depuis 2009, il l'a porté dans la durée et l'a enrichi par plusieurs rapports successifs pour aboutir à la présente proposition de loi. Avoir inscrit cette problématique au coeur du débat public et institutionnel est un premier succès, pour lui et pour le Sénat.

De son côté, le Gouvernement a lancé, en juillet dernier, une mission d'expertise sur la fiscalité de l'économie numérique chargée de faire des propositions en matière de localisation et d'imposition des bénéfices, du chiffre d'affaires ou, éventuellement, sur d'autres assiettes taxables. Nous en avons auditionné hier les auteurs.

Sur le plan international et européen, le Gouvernement s'est associé à la saisine de l'OCDE, en novembre dernier, sur la question de la territorialité des bénéfices et de l'érosion des bases fiscales, et de la Commission européenne afin de définir une approche européenne de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales dans le domaine de l'économie numérique. Très techniques, les questions soulevées s'insèrent dans un environnement juridique national, européen et international complexe.

Pour M. Marini, « la neutralité est la taxation, quelle que soit la technologie employée pour une même fonction et l'équité est le traitement selon des règles du jeu communes des agents économiques lorsqu'ils interviennent sur un même secteur ». La question fondamentale n'est pas celle du financement de tel ou tel secteur - culture, réseaux numériques ou collectivités territoriales - même si la proposition de loi ne ferme pas pour autant la réflexion sur l'affectation de ces recettes fiscales.

La taxation de la publicité est une pratique de droit commun qui s'applique déjà aux médias télévisuels ou radiophoniques. Pour Philippe Marini, rien ne justifie que la publicité sur Internet échappe à un prélèvement supporté par les médias traditionnels. De même, les services de commerce en ligne ne sont pas soumis à la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom). S'agissant de l'équité fiscale, les acteurs de l'économie numérique font remarquer qu'ils sont concurrencés par des sites Internet basés à l'étranger qui n'acquittent ni les mêmes charges en matière de TVA et d'impôt sur les sociétés, ni les taxations spécifiques destinées à financer l'industrie cinématographique, l'audiovisuel public, les réseaux et les collectivités locales. Aussi la proposition de loi étend-elle aux acteurs basés à l'étranger, au moyen d'une obligation déclarative, des dispositifs fiscaux applicables jusqu'ici aux seules entreprises françaises.

Le texte institue une obligation de déclaration d'activité par les acteurs de services en ligne basés à l'étranger au-delà de certains seuils, l'entreprise pouvant opter pour la désignation d'un représentant fiscal, sur le modèle des sites de jeux en ligne, ou pour le régime spécial de déclaration des services fournis par voie électronique.

Le texte prévoit également une série de taxations : taxe sur la publicité en ligne, taxe sur les services de commerce électronique (Tascoé) et taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public.

La taxe sur la publicité en ligne s'appliquerait dorénavant aux régies, et non aux annonceurs comme dans la version votée en 2010, afin que les acteurs étrangers soient redevables au même titre que les régies françaises. Son taux serait de 0,5 % sur la fraction comprise entre 20 et 250 millions d'euros, et de 1 % au-delà. Il ne s'agit pas d'une mesure de rendement : le gain fiscal escompté serait inférieur ou égal à 20 millions.

La Tascoé concerne la vente aux particuliers. Elle ne s'applique pas lorsque le chiffre d'affaires annuel du prestataire du service de commerce électronique est inférieur à 460 000 euros ; son taux est de 0,25 %, assis sur le montant hors taxe du prix acquitté. Pour épargner les commerçants opérant à la fois dans la grande distribution et en ligne, le montant acquitté serait déductible de la Tascom dans la limite de 50 %. Le rendement de la Tascoé pourrait atteindre 100 millions d'euros dès 2013 et 175 millions d'euros en 2015. Son produit serait affecté au bloc communal pour compenser le préjudice causé aux territoires par l'érosion du commerce physique.

Pour rétablir l'équité fiscale entre acteurs français et étrangers, la proposition de loi étend aux acteurs du Net établis hors de France la taxe sur la fourniture de vidéogrammes à la demande (VOD). Le rendement actuel de cette taxe est limité : 32 millions d'euros. Les professionnels auditionnés sont dans l'ensemble favorables à ce dispositif, qui n'implique aucune charge supplémentaire pour les entreprises établies en France.

Enfin, la proposition de loi prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement évaluant l'impact sur les finances publiques des pratiques d'optimisation fiscale de certains acteurs de l'économie numérique basés à l'étranger. Le rapport de la mission confiée à MM. Collin et Colin satisfait largement cette demande.

L'auteur de la proposition de loi défend « l'idée de jeter les bases de la fiscalité numérique d'abord sur le plan national car, même incomplète, elle préfigurerait l'adoption d'une taxation plus globale au niveau européen ». Le Gouvernement et la mission d'expertise de MM. Collin et Colin poursuivent clairement le même objectif.

Dès lors, quel dispositif adopter ? La mission d'expertise dresse un état des lieux de l'inadaptation de la fiscalité directe et indirecte. L'érosion des bases d'imposition justifie l'urgence d'agir aux niveaux européen et international.

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