Intervention de Fleur Pellerin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 23 janvier 2013 : 3ème réunion
Fiscalité numérique neutre et équitable — Examen du rapport et du texte de la commission

Fleur Pellerin, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique :

Des pressions s'exercent de plusieurs côtés sur certaines grandes entreprises du Net - sur une en particulier. Nous avons engagé une médiation entre les acteurs de la presse et Google à la suite du projet de loi déposé en Allemagne pour établir un nouveau droit voisin sur l'utilisation des contenus des articles de presse par les moteurs de recherches. Cette médiation se conclura à la fin du mois. Le président de la République a annoncé qu'en cas d'échec, nous pourrions légiférer.

Je suis réticente à aborder la question de la répartition de la valeur ajoutée sous le seul angle des contenus culturels et intellectuels. Le sujet est bien plus vaste. Google vient de publier son bénéfice annuel net : 10 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires mondial de 100 milliards de dollars. Sur ces montants considérables, Google ne paye même pas 5 % d'impôt sur les sociétés.

Indépendamment des questions fiscales, se pose celle de la concurrence. Ces entreprises ont en effet une stratégie de déploiement latéral : à partir d'un monopole sur les services de recherche, elles développent peu à peu des activités de commerce en ligne, d'agence de voyage, etc. En modifiant son algorithme de recherche le 15 août dernier, Google a littéralement balayé des sites français du marché. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle une procédure européenne pour abus de position dominante a été enclenchée : des acteurs ont disparu dans les deux ou trois heures suivant la mise en place de ce nouvel algorithme. Et demain, d'autres industries seront touchées : Google produit des google cars, va sur le marché de l'électricité, déploie de la fibre optique dans le Kansas... Ces entreprises remontent petit à petit la chaîne des valeurs, pour capter l'ensemble de la valeur ajoutée, depuis la production des contenus jusqu'aux consommateurs.

L'urgence à agir est grande et je partage vos préoccupations pour des raisons fiscales mais également de concurrence : comment nos acteurs locaux peuvent-ils développer des modèles alternatifs ? Aborder ces questions sous un angle particulier, que ce soit celui des droits d'auteur ou du droit de la presse, me semble risqué : après la presse, nous aurons les jeux vidéo, la bande dessinée, la photographie... Nous n'avons pas intérêt à morceler le débat, même si des solutions temporaires peuvent être envisagées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion