Intervention de Laurence Rossignol

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 23 janvier 2013 : 3ème réunion
Grenelle de l'environnement — Examen du rapport d'information

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol, rapporteure :

Merci cher collègue. Je tiens à saluer la forte présence des membres de la commission du développement durable ce soir, ainsi que les membres de la commission pour le contrôle de l'application des lois.

La deuxième partie de notre travail a en effet consisté à mettre en évidence les apports et les limites des lois Grenelle I et II sur ces trois sujets.

Sur la gouvernance à cinq, les dispositions des lois Grenelle I et II concernent essentiellement l'intégration des acteurs environnementaux dans les instances de décision environnementale. Cela s'est traduit par la transformation du Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental dans le cadre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Le CESE a intégré trente-trois nouveaux membres, représentant des ONG ainsi que des personnalités qualifiées au titre de la protection de l'environnement. Le Grenelle a entraîné la réforme, sur le même modèle, des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.

Je tiens d'ailleurs à ce propos à saluer la qualité du travail du CESE, qui produit de nombreux rapports dans les domaines sur lesquels nous travaillons, et à souligner que nous aurions aimé pouvoir étudier plus en détail la conversion des conseils économiques et sociaux régionaux en conseils économiques, sociaux et environnementaux. L'appropriation de ces nouvelles aptitudes me paraît être liée à un autre sujet que nous avons abordé au cours de ce rapport, à savoir le hiatus existant entre la forte représentativité des acteurs associatifs nationaux et la difficulté à trouver des acteurs locaux représentatifs. Ces acteurs sont en effet souvent très spécialisés dans un des champs de la protection de l'environnement. Il y a peu d'acteurs environnementaux locaux capables de porter la dimension généraliste des questions environnementales, ce qui peut constituer un frein à la prise en charge par les CESER de ces sujets.

Autre point positif en matière de gouvernance à cinq : la création du Conseil National du Développement Durable et du Grenelle de l'Environnement, qui a permis de pérenniser la logique consultative et participative du Grenelle. Ce comité était en charge d'assurer le suivi de la mise en oeuvre opérationnelle des engagements du Grenelle. L'existence de ce type de structures en gouvernance à cinq apparaît effectivement nécessaire pour assurer, à la fois, l'information du public et la recherche d'un consensus entre l'ensemble des parties prenantes. L'intégration des parties prenantes aux différentes instances de concertation est donc désormais la règle et il faut certainement s'en féliciter.

Néanmoins, la participation des parties prenantes à l'élaboration des décisions concernant l'environnement pose la question de la représentativité des acteurs conviés à la concertation. Cette absence de représentativité locale, que j'évoquais à l'instant, peut conduire à des débats infructueux, voire à la possibilité pour des acteurs très minoritaires de paralyser le processus de décision.

L'article 249 de la loi Grenelle II a prévu que les associations environnementales pouvant être désignées pour prendre part à un débat dans les instances consultatives existantes devront remplir certains critères de représentativité. Ceux-ci ont été définis par décret du 12 juillet 2011. Premièrement, l'association doit comporter un certain nombre de membres, en fonction du ressort géographique de son activité : au niveau national, il faut à une association agréée deux mille cotisants répartis dans au moins six régions, et à une fondation cinq mille donateurs tout en exerçant son activité dans au moins la moitié des régions, pour prétendre participer aux travaux des instances de concertation. Deuxième critère, l'association doit justifier d'une expérience reconnue dans le domaine de la protection de l'environnement. Enfin, elle doit disposer de statuts et de financements qui ne limitent pas son indépendance.

La parution du décret a suscité de vives critiques. Les seuils quantitatifs définis excluent en effet bon nombre d'associations, et notamment des associations d'experts ayant joué un rôle de lanceur d'alertes environnementales, comme par exemple Générations futures, ou encore le Réseau environnement santé. Selon eux, la légitimité d'une association ne se mesure pas uniquement par son nombre de membres mais par sa présence dans le débat public. Le décret favoriserait l'absorption des petites associations par quelques grands acteurs et menacerait la diversité du monde associatif. Il a aussi été avancé que la notion de représentativité retenue est trop imprécise, et laisse une trop grande marge d'appréciation à l'autorité administrative. A l'inverse, d'autres ont salué cette réforme de l'agrément qui doit permettre de valoriser les associations ou fédérations qui oeuvrent réellement pour l'environnement et d'écarter les associations constituées uniquement dans des buts politiques ou financiers, ou visant seulement à paralyser les travaux de concertation. Vous l'aurez compris, les petites associations se sont plaintes, les grosses associations ont approuvé le décret, c'est là un exercice assez fréquent...

La conférence environnementale des 14 et 15 septembre derniers a été l'occasion de revenir sur cette problématique de la représentativité des acteurs environnementaux. Un groupe de travail va être constitué sur le sujet, et ses conclusions devront être remises au Gouvernement au printemps 2013, dans l'optique d'une mise en oeuvre en septembre 2013.

Je me permets ici une incise : vous pourriez vous étonner que nous ayons été aussi longs à vous présenter ce rapport pour lequel nous avons été désignés il y a un an. Le changement de Gouvernement a entrainé une période de latence. Nous avons tout de suite compris que certaines choses allaient changer. Nous avons donc préféré attendre de voir quelles étaient les pistes ouvertes par le nouveau Gouvernement, afin de ne pas faire un rapport invalidé immédiatement par des annonces gouvernementales.

A l'issue de notre travail sur ce rapport, nous sommes convaincus de la nécessité de remise en plat de la représentativité, que le Gouvernement engage avec ce groupe de travail. Le système actuel n'est pas satisfaisant, en particulier au niveau local. Les politiques environnementales touchent une multitude de sujets, ce qui rend parfois difficile de trouver des experts généralistes. La spécialisation des experts ou des associations ne pose pas de problème au niveau national. En revanche, au niveau des territoires, il est parfois compliqué de trouver des intervenants représentatifs. Il conviendra donc de suivre avec attention les travaux du groupe de travail lancé par la conférence environnementale.

Deuxième point sur lequel nous avons choisi d'axer nos travaux : la question de la participation du public à l'élaboration des décisions en matière d'environnement et de développement durable.

La participation du public est un principe défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement dans le préambule de la Constitution. L'article 244 de la loi Grenelle II met en oeuvre ce principe, et organise la participation du public à l'élaboration des décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics quand ces décisions ont une influence directe et significative sur l'environnement. Ce dispositif a été codifié à l'article L. 120-1 du code de l'environnement.

J'ai eu l'occasion d'être rapporteure sur le récent projet de loi visant à remettre à plat cette mesure. L'article L. 120-1 du code de l'environnement a en effet été censuré par le Conseil constitutionnel. Le champ d'application de l'article, actuellement limité aux seules décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics, est désormais étendu à l'ensemble de leurs décisions autres qu'individuelles. Une procédure permettant de recueillir directement les observations du public devra être suivie en toutes circonstances, avec la publication par l'administration d'une synthèse des observations reçues. À titre expérimental, une plateforme informatique permettra de rendre publiques et accessibles par tous, les observations déposées par les contributeurs sur certains projets de décrets ou arrêtés.

Cet aménagement du dispositif initialement créé par la loi Grenelle II doit permettre sa pleine et entière mise en application, dans le respect des exigences constitutionnelles.

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