Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 24 janvier 2013 à 15h00
Débat sur l'avenir du service public ferroviaire

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur l’avenir du service public des transports ferroviaires est important, et je remercie ma collègue Mireille Schurch d’avoir présenté les enjeux liés à cette question.

J’attends, comme l’ensemble des sénateurs – je constate toutefois que les travées de l’UMP sont vides –, avec impatience les éléments de réponse que vous formulerez, monsieur le ministre.

Pour ma part, je souhaite revenir sur deux points, que j’estime particulièrement importants dans le cadre de la réforme annoncée. Le premier conditionne très concrètement les conditions d’exercice du futur pôle public ; je veux parler de la libéralisation des transports de voyageurs dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire. Le second, qui risque de ne pas faire l’objet de la réforme en cours, mérite pourtant que le Gouvernement agisse ; je pense à l’avenir du fret ferroviaire, et notamment du fret de proximité.

Vous m’opposerez peut-être que le fret n’est pas un service public, au sens européen du terme. Je forme le vœu que nous ayons une vision partagée sur ce sujet.

D’abord, concernant la poursuite de la libéralisation se préparant actuellement à Bruxelles, il semblerait, selon les dernières informations, que celle-ci s’enlise dans un calendrier de plus en plus incertain. Nous souhaiterions que le Gouvernement porte très fortement l’idée d’une réorientation de la politique des transports au niveau européen, en proposant un moratoire sur les trois paquets ferroviaires, la réalisation d’un bilan contradictoire et indépendant sur l’impact en termes d’emplois, d’aménagement du territoire et de qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire, ainsi que la réalisation d’un bilan carbone de ces politiques. C’est à l’aune de ces éléments que des décisions pourront être prises. Il est en effet urgent de rompre avec la fuite en avant libérale.

Ainsi, nous considérons que le secteur ferroviaire est en déclin, non pas parce que la libéralisation ne serait pas assez poussée et les acteurs publics trop présents, mais, bien au contraire, du fait des conditions mêmes de cette libéralisation, qui a conduit tous les acteurs du ferroviaire à se placer dans une logique de rentabilité, en lieu et place d’une logique de service public.

Nous pensons ainsi que le Gouvernement peut œuvrer, comme le fait le gouvernement allemand, pour défendre ses intérêts spécifiques et porter la vision de la France que vous avez défendue, monsieur le ministre : celle d’un système de transport unifié et sous contrôle public.

Nous serons dans ce cadre à vos côtés pour porter cette vision, incompatible à nos yeux avec la marche forcée que souhaiterait imposer Bruxelles.

Ensuite, permettez-moi de vous exposez la situation, aujourd’hui dramatique, du fret ferroviaire, en raison de la stratégie adoptée par la SNCF, avec la complicité du gouvernement précédent. À Sotteville-lès-Rouen, notamment, mais aussi dans les gares de triage de Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne, de Miramas, dans les Bouches-du-Rhône, ou de Saint-Pierre-des-Corps, le volume de travail et des marchandises transportées décroît chaque jour. L’outil de travail est laminé.

Alors que l’objectif annoncé lors du Grenelle de l’environnement était de porter à 25 %, d’ici à 2022, le volume des marchandises transportées en mode fluvial ou ferroviaire, le fret décline et les camions sont de plus en plus nombreux sur les routes.

À Sotteville-lès-Rouen, qui fut pendant des années l’une des gares de triage les plus modernes d’Europe, l’activité est exsangue. En mars 2011, 332 machines étaient à l’arrêt, dont 164 étaient considérées comme neuves. Elles occupaient 12 voies de stockage. Pourtant, dans les années quatre-vingt, ce sont quelque 2 000 wagons qui, chaque jour, transitaient par cette zone. Aujourd’hui, il n’en passe qu’une dizaine. Conformément à l’adage « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », on peut dire sans exagérer que tout a été bon pour se débarrasser du fret ferroviaire !

En préférant une politique de rentabilité à une politique de massification, le déclin du fret ferroviaire et du transport combiné a été organisé sciemment, au nom de la rentabilité. Pourtant, comme l’a très bien exposé Mireille Schurch, le fret ferroviaire, et plus particulièrement l’activité de wagon isolé, est essentiel non seulement au titre des engagements pris par la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique, mais également en termes d’aménagement du territoire, de l’ensemble des territoires.

Nous avons tiré la sonnette d’alarme de nombreuses fois, nous fondant sur les inquiétudes exprimées non seulement par les élus, mais aussi par les entreprises. Là où l’économie repose sur le dynamisme des petites et moyennes entreprises, notamment en province, la « casse » de l’outil industriel est insupportable. Avant d’avoir à déplorer la désindustrialisation de nos régions, il serait bon de préserver les principales dessertes ferroviaires. C’est aussi cela le redressement productif et l’égalité des territoires !

Je pense donc, monsieur le ministre, qu’il est urgent de retravailler avec la SNCF pour qu’une décision véritablement adaptée aux besoins des entreprises soit enfin prise. C’est la seule solution pour que l’économie locale de nos régions puisse se développer en respectant des critères sociaux, économiques et écologiques.

Notre pays a une longue histoire ferroviaire, et il semblerait incongru aujourd’hui, pour ce qui concerne tant les voyageurs que les marchandises, de confirmer que l’offre ferroviaire se limitera désormais aux seuls axes dont la pertinence économique serait assurée, en particulier alors que la France est dirigée par un gouvernement de gauche. Nous estimons au contraire que les deux activités, importantes en termes d’aménagement du territoire, que sont les trains d’équilibre du territoire et le fret ferroviaire de proximité doivent être considérées comme des services publics, déclarées d’intérêt général et bénéficier, s’il le faut, de financements publics.

Les élus de terrain que nous sommes sont régulièrement sollicités dans le cadre de l’aménagement de zones d’activité. La présence ou non d’infrastructures ferroviaires peut être déterminante pour l’implantation d’entreprises. Votre réponse en la matière ne peut se fonder sur l’absence de moyens de l’État et la nécessité de réduire le déficit de la France par le respect de la fameuse règle d’or. Des ressources nouvelles peuvent exister dans le cadre du budget de l’État, et nous avons fait des propositions en ce sens lors de l’examen du dernier projet de loi de finances. Nous regrettons profondément que toute action publique soit placée sous le signe de l’austérité, qui ne peut aucunement permettre une nécessaire sortie de crise.

Il est à ce titre particulièrement urgent d’inverser la tendance en matière de transport combiné, dont les financements ont fondu ces dernières années comme neige au soleil. Quels engagements pouvez-vous prendre devant nous, monsieur le ministre, concernant ces activités ?

Pour finir, et dans la perspective annoncée de la réunification de la famille ferroviaire, je souhaite vous indiquer les pistes de réflexion retenues par les élus communistes dans le cadre de la proposition de loi que nous avons déposée.

Nous sommes favorables à la réunification du système ferroviaire, dans le cadre d’un pôle public, en plaçant le gestionnaire d’infrastructure à l’intérieur de la SNCF et en maintenant son statut juridique d’établissement public à celle-ci.

Afin de contribuer à mettre en œuvre une politique multimodale et complémentaire de transports privilégiant le service public ferroviaire, nous estimons également que seul l’État doit disposer de la compétence pour le développement du réseau ferré national et la définition du niveau des péages. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où vous en êtes dans vos réflexions à ce sujet ?

Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire au nom du groupe CRC. J’insiste, pour conclure, sur le fait que nous serons extrêmement vigilants à l’égard des réformes à venir et je rappelle que nous souhaitons y être associés bien en amont afin que celles-ci répondent concrètement aux missions d’intérêt général qui incombent au système de transport ferroviaire, en donnant un sens affirmé et un contenu ambitieux au futur pôle public ferroviaire.

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