Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 28 janvier 2013 à 15h00
Création d'une haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, le flot des critiques dénonçant les conséquences de la prolifération normative et de l’insécurité juridique qui en résulte s’accentue. À cet égard, les états généraux de la démocratie territoriale ont donné l’occasion aux élus locaux d’affirmer leurs exacerbations sur ce point.

Les critiques, certes rudes, sont néanmoins en partie justifiées. Ainsi, aujourd’hui, pas moins de 400 000 normes résultant des législations nationale et communautaire s’imposent à nos collectivités.

Ces législations infligent toujours plus d’obligations aux collectivités territoriales, obligations qui se traduisent souvent par autant de coûts supplémentaires ou d’allongements des délais de procédure auxquels ces collectivités peuvent de plus en plus difficilement faire face.

Les difficultés rencontrées quotidiennement par les élus locaux sont réelles, mais, mes chers collègues, ne nous méprenons pas et gardons à l’esprit que cette exacerbation est en grande partie liée à l’insuffisance des moyens financiers dont sont dotées les collectivités ainsi qu’au retrait de l’État et à son absence de soutien technique dans nombre de nos départements.

En effet, si les collectivités sont en difficulté, c’est en raison non pas tant de la prolifération législative, pourtant certaine, que du désengagement des gouvernements précédents, qui ont peu à peu restreint les soutiens de l’État : suppression des dotations et subventions, allégements fiscaux bénéficiant aux entreprises, transferts de compétences et nouvelles attributions confiées aux collectivités sans les compensations financières exigées.

Permettez-moi de souligner également une autre raison : l’explosion de certains devis dès lors que le payeur est la collectivité publique…

C’est donc en redonnant aux collectivités les moyens de faire face aux exigences législatives nécessaires que nous ferons disparaître la principale source du problème – la principale mais non la seule, j’y insiste. Nous en sommes conscients, la prolifération législative est réelle et, en la matière, la concertation et l’alerte sont les meilleurs remèdes.

La révision générale des politiques publiques et ses conséquences désastreuses sur la présence des services de l’État au plus près des territoires ont contribué à l’exacerbation qui s’est exprimée lors des états généraux.

De nombreuses communes sont confrontées à la complexité technique de nombre de projets, et, alors que les fonctionnaires d’État pouvaient conseiller, contrôler, orienter, les communes se sont retrouvées seules. Réduire drastiquement la présence de l’État n’a pas diminué de la même manière le besoin d’accompagnement et de conseil des maires. De fait, le transfert s’est fait au bénéfice de consultants ou autres agences qui prolifèrent et facturent chaque service, augmentant ainsi le coût des projets tant en investissement qu’en fonctionnement.

Enfin, pour achever cette contextualisation partielle de notre débat, lors des travaux de la commission, notre collègue Alain Richard nous a invités à nous interroger sur les raisons de la prolifération des normes.

À chaque instant, pour chaque incident de la vie, la demande de sécurité – sécurité dans l’action publique, dans la réalisation publique – est renforcée, ce qui incite à aller toujours plus loin sans jamais « revisiter » l’existant. Dans ce domaine, la judiciarisation de plus en plus importante a créé un paradoxe : la demande de norme explose, mais l’application de tant de nouvelles règles n’est plus possible. Il nous faut donc trouver les moyens financiers et techniques de remédier à cette difficulté.

Parallèlement, nous devons mieux anticiper les conséquences des normes désormais adoptées – en quelque sorte, quel service rendront-elles et à qui ? – et aussi revoir celles qui sont devenues désuètes.

Enfin, en tant non seulement qu’élu mais aussi que citoyen, ne perdons jamais de vue que si, immédiatement, la norme peut être contraignante à l’égard de certains, à plus long terme, elle en protège d’autres.

C’est ce difficile équilibre qu’il nous faut systématiquement chercher à atteindre.

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