Nous devrions aussi supprimer une bonne partie des 400 000 normes actuellement applicables, à tout le moins les refondre ou les recycler selon leur consistance.
Ce travail gargantuesque, cyclopéen, pharaonique est une nécessité si nous voulons permettre au plus grand nombre, que ce soit de simples citoyens, des fonctionnaires, des responsables d’entreprises privées ou publiques, de comprendre, de respecter et de faire leur le droit que nous produisons.
Car, aujourd’hui, il est de plus en plus complexe pour un acteur de la vie publique, économique, sociale, de savoir à quelles normes il est assujetti et quelle norme il doit appliquer. C’est surtout vrai pour les bénévoles, non juristes, que sont nos élus locaux, puisque c’est en pensant à eux que cette proposition de loi a été rédigée.
Il ne faut de surcroît pas oublier, ainsi que nous le rappelle régulièrement M. Pélissard, président de l’Association des maires de France, que toutes ces normes ont un coût pour les collectivités, les surcoûts engendrés ayant représenté une enveloppe de 783 millions d’euros en 2011. Et encore, j’imagine qu’il a fait son calcul « à la louche » !
Certes, le montant a baissé de 50 millions d’euros par rapport à l’exercice précédent, mais il reste important, c’est un doux euphémisme !
Le dernier problème que nous aurons à affronter est celui de la stabilité de notre ordonnancement juridique.
Nous ne pouvons mettre les citoyens dans une incertitude permanente concernant l’application des normes dans le temps et leur évolution.
Il ne s’agit pas de figer le droit, lequel doit évoluer pour suivre l’évolution de la société, selon un cheminement normal.
Mais lorsque le code général des collectivités territoriales est renouvelé à 80 % tous les dix ans, nous tombons dans l’excès de réforme et nous mettons les acteurs dans une situation très inconfortable.
De même, lorsqu’un fait divers conduit à un durcissement de la loi, ou plus exactement à un prétendu durcissement de celle-ci, sans que la précédente réforme ait été évaluée, pouvons-nous considérer qu’il s’agit d’une bonne politique, d’une bonne organisation de la cité ?
Il nous faut des lois relativement stables dans le temps, qui puissent s’appliquer pendant de nombreuses années sans devenir obsolètes.
Faut-il rappeler que l’article 1384 du code civil, voulu notamment par Portalis et d’Angély, longtemps en sommeil, a été « réveillé » par l’arrivée des accidents de voitures, plus d’un siècle après ?
La méthode, pour parvenir à une réflexion sur le sujet, choisie dans cette proposition de loi, est évidente : il s’agit de la concertation, dont cette proposition de loi est, d’ailleurs, elle-même issue, puisqu’elle est le premier résultat, comme il a été rappelé, des états généraux de la démocratie territoriale.
C’est le même type de démarche qui préside à la réforme des collectivités territoriales et qui guide l’acte III de la décentralisation. Les instances de concertation qui existent formellement, et celles qui se développent en dehors du formalisme légal, sont en passe de trouver une forme de consécration grâce à votre réforme, madame la ministre, au travers du concept de conférence territoriale.
Pour la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, il s’agit de créer un conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales. Il aurait compétence pour évaluer les normes nouvelles et leur pertinence ; ses avis seraient publiés au Journal officiel ; sa composition permettrait de respecter les différents échelons du territoire et de tenir compte des visions différenciées que peuvent développer les services de l’État, les parlementaires ou les collectivités territoriales.
Ce service, d’ailleurs, est assez complémentaire, mesdames les ministres, de celui que vous venez de mettre en place avec la mission de lutte contre l’inflation normative et, notamment, son site internet http://missionnormes.fr.
Espérons que certaines normes disparaîtront bientôt, à l’image de cet arrêté du 30 septembre 2011, sur lequel seraient intervenus quinze ministres de la République, qui régit minutieusement la place respective des merguez, des chipolatas, des saucisses de Francfort, de Strasbourg, de Toulouse dans les cantines scolaires ! Cette disposition, parmi beaucoup d’autres, complique l’action des mairies et des collectivités. Pour nous, écologistes, elle a de surcroît un véritable défaut : elle ne prévoit rien pour les saucisses bio ! §