Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 13 septembre 2010 à 15h00
Gestion de la dette sociale — Adoption d'un projet de loi organique en procédure accélérée

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste tient à remercier le Gouvernement de nous proposer des dispositions tendant à assurer le financement de la dette sociale. Le texte que nous examinons signe sans doute la fin de l’attentisme qui a prévalu jusqu’à présent.

L’exercice auquel nous nous livrons, les propos du ministre, ceux du rapporteur général de la commission des affaires sociales et du rapporteur pour avis de la commission des finances nous ont parfaitement éclairés sur le caractère aussi grave que pathétique de la situation de nos finances sociales.

Nous assistons en effet à une sorte de montée inexorable des déficits. On avait cru en 1996, lors de la mise en place de la CADES, que ceux-ci étaient liés à la grave crise de 1993 et donc exceptionnels. Or nous sommes aujourd’hui confrontés à une progression qui paraît presque inexorable. À la vérité, il s’agit d’un grave sujet de solidarité intergénérationnelle. Si l’on peut admettre que l’on s’endette pour investir, qui peut prétendre que le déficit social soit finançable par le recours à l’emprunt ?

Puis-je rappeler que la CADES s’est vu transférer, depuis sa création jusqu’à aujourd’hui, un peu plus de 130 milliards d’euros de dettes et qu’elle est parvenue à en rembourser un peu plus du tiers. Aujourd’hui, à titre prévisionnel, pour la période 2011-2018, nous lui affectons de nouveau 130 milliards d’euros, en espérant que les déficits des régimes de retraite réformés n’engendreront, de 2012 à 2018, que 62 milliards d’euros de déficit.

Dès lors, nous voyons se profiler le spectre d’une sorte de dette perpétuelle. Le mécanisme imaginé par le Gouvernement prévoit, d’une part, d’adosser la dette sociale sur le Fonds de réserve pour les retraites, consommant ainsi par anticipation les crédits dont nous aurons besoin à l’échéance 2020, lorsque se produira le choc démographique, et, d’autre part, d’attribuer à la CADES quatre années de vie supplémentaire, afin de prendre le temps d’éponger la dette et, je l’espère, de la faire disparaître.

Je ne reviendrai pas sur les mécanismes qui ont été amplement décrits à cette tribune. Au demeurant, il nous apparaît que ce projet de loi organique n’est pas à la hauteur des enjeux. Je l’ai dit, la consommation anticipée, étalée sur les quinze années qui viennent, du capital accumulé par le Fonds de réserve pour les retraites, lequel, par ailleurs, n’a été financé que par du déficit public, ne permettra pas de faire face au choc démographique qui se profile à l’horizon 2020.

Par ailleurs – première interrogation –, qui peut imaginer que, à compter de 2013, la branche santé et la branche famille seront équilibrées et n’auront pas besoin de recourir de nouveau à l’endettement ?

Deuxième interrogation : que penser de l’annonce de certaines concessions concernant la réforme des retraites, lesquelles devraient se traduire par un supplément de charges de l’ordre de 1 milliard d’euros ? Cette somme viendra par conséquent s’ajouter au déficit prévisionnel du régime des retraites de 2013 à 2018.

La taxation des réserves de capitalisation des sociétés d’assurance n’aura d’effet qu’en 2011, si le Gouvernement décide d’utiliser ce prélèvement intégralement à cette date. Peut-être celui-ci sera-t-il étalé sur 2011 et 2012. Toutefois, il n’y aura rien pour 2013, sauf à accroître ce prélèvement.

De même, les prélèvements sociaux sur les contrats d’assurance-vie multi-supports sont censés engendrer un sursaut de ressources. Convenons que le système est assez complexe, car le terme de « multi-supports » implique une référence à la valeur d’actifs boursiers. Or nous ne sommes pas sûrs que les plus-values soient telles qu’elles entraînent, chaque année, le paiement d’un impôt. Par ailleurs, on le voit bien, si on anticipe la perception de cette ressource, celle qui était en vigueur jusqu’à maintenant ne va pas tarder à s’étioler. Par conséquent se posera immanquablement le problème du financement de l’amortissement de la CADES à compter de 2013.

De même, cela a déjà été dit, on ne peut pas écarter un risque de taux, lequel, s’il venait à se manifester, serait naturellement tout à fait préjudiciable aux capacités d’amortissement de la dette sociale.

Concernant la taxe sur les conventions d’assurance des « contrats santé responsables », il s’agit de corriger une niche fiscale. En effet, un taux de 3, 5 % leur serait institué, alors que le taux du régime commun est de 7 %. Toutefois, il faut espérer que l’institution de cette taxe ne portera pas atteinte aux conventions d’assurance conclues par les mutuelles, faute de quoi l’assiette viendrait à se rétrécir.

J’ai écouté attentivement François Baroin nous rappeler, avant qu’il ne soit contraint de prendre congé du Sénat, les termes de la politique conduite par le Gouvernement. Nous partageons sa volonté de réduire les déficits publics et de résorber progressivement ces niches fiscales qui sont autant d’atteintes au pacte républicain. Nombreuses, non seulement elles coûtent cher – 75 milliards d’euros –, mais encore elles créent de la complexité et suscitent des opérations d’optimisation fiscale qui, parfois, frisent l’abus de droit et le scandale. Si elles atteignent parfois leur objectif, tel n’est pas toujours le cas et, dès lors, elles entraînent un gâchis des fonds publics et créent une sorte d’inégalité des Français devant l’impôt. En outre, j’ai la conviction qu’elles perturbent considérablement la fixation des prix, l’avantage fiscal étant capté par le fournisseur.

Avec le Gouvernement, nous convenons qu’il faut réduire toutes ces niches fiscales, mais je voudrais être bien certain qu’il n’y aura pas de découplage entre l’annonce et les propositions qui seront soumises au Parlement.

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