Intervention de Frédéric Cuvillier

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 29 janvier 2013 : 1ère réunion
Infrastructures et services de transports — Audition de M. Frédéric Cuvillier ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie chargé des transports de la mer et de la pêche

Frédéric Cuvillier, ministre délégué :

Le fait que le mécanisme que nous proposons n'existe qu'en France s'explique par la spécificité de notre tissu industriel : 80 % des entreprises du secteur comptent moins de 10 salariés. Leur marge moyenne est inférieure à 1,5 % : un rien peut les fragiliser. Elles sont rarement en situation de négocier librement leurs prix, comme on l'a vu pour le gasoil. C'est donc par prudence économique que nous avons privilégié ce système. Le prix de la prestation fait l'objet d'une majoration, qui devra figurer sur la facture, sera soumis au paiement de la TVA, comptabilisée en recettes, équilibrée par les dépenses, de sorte qu'il n'y ait pas de charge nouvelle. Le transport représente 2 % du prix acquitté par le consommateur de marchandises. La majoration introduite par ce projet de loi est donc de 3,7 % sur 2 % : c'est dire qu'elle sera peu perceptible par le consommateur.

L'objet de l'écotaxe poids-lourds n'est pas tant de sanctionner un mode de transport considéré comme polluant - beaucoup d'efforts ont été réalisés dans ce domaine, et dans quelques mois, les flottes devront respecter la norme Euro 6 - que de le faire participer au financement des infrastructures de transport et soutenir des politiques innovantes, notamment sur le plan environnemental.

L'expérimentation alsacienne était, à l'époque de sa création, une revendication des professionnels, destinée à atténuer le report de trafic engendré par l'existence d'une écotaxe en Allemagne. Nous verrons comment les choses évoluent mais à ce stade, cette expérimentation est maintenue. Nous vérifierons à l'occasion du prochain comité de pilotage que nous aurons avec Ecomouv' l'état d'avancement du système opérationnel. Certaines sources autorisées font état de réserves sur ce point. Il est dommage de n'avoir pas saisi plus tôt l'opportunité d'instaurer une écotaxe poids-lourds compatible avec les dispositifs de nos voisins, comme la réglementation européenne nous y encourage pourtant. Il existe du coup deux, trois, solutions techniques différentes en Europe, peut-être davantage. L'Allemagne s'apprête à renouveler son système, peut-être pourra-t-elle s'inspirer du nôtre... Je confirme que la date de lancement opérationnel de la taxe est bien celle du 20 juillet : si report il y a, c'est que je ne prendrai pas la responsabilité de lancer un système non sécurisé techniquement. Dans cette hypothèse encore, nous examinerons la possibilité d'élargir l'expérimentation. En l'absence de report toutefois, une expérimentation « à blanc » pourra être menée sur deux mois plutôt que trois. Je conduis ce dossier avec pragmatisme et prudence, car je ne souhaite pas handicaper les professionnels.

Le dispositif n'est pas sans conséquences sur le budget de l'AFITF : les sommes en jeu avoisinent les 80 millions d'euros par mois. Nous verrons au fur et à mesure.

Les concessionnaires d'autoroutes bénéficieront, je le crains, d'un effet d'aubaine. Nous sommes en discussion avec eux pour leur faire accepter le principe d'une hausse de la redevance domaniale, trop peu souvent actualisée. Notre entente n'est pas parfaite, je ne vous le cache pas. Je connais leurs contraintes financières. Ils doivent comprendre les nôtres. Il ne s'agit aucunement de les mettre en difficulté. Les concessionnaires d'autoroutes sont certes endettés, mais dégagent une marge de plus d'un milliard d'euros par an. Nous avons assez discuté de la privatisation des autoroutes sans qu'il soit besoin d'y revenir. La pédagogie n'a pas encore éloigné le risque de contentieux avec ces sociétés. Je garde toutefois une position ouverte au dialogue, d'autant que j'appelle de mes voeux un plan de relance sur le réseau autoroutier, qui serait utile pour l'emploi, la croissance, les travaux publics, sous réserve de l'ouverture des marchés aux entreprises afin de partager la commande publique. Il serait dommage que la hausse de la redevance domaniale bloque la conclusion d'un accord, comme c'est le cas dans le financement du tunnel de Toulon, alors que l'État est prêt à signer.

Le déclassement d'office de 250 km de routes est très ponctuel. Il s'agit de sections délaissées qui seront remises aux collectivités territoriales moyennant soit indemnisation soit remise en l'état, comme c'est la règle traditionnellement. Il s'agit uniquement de tronçons qui ne répondent plus aux critères de classement en routes nationales ; le plus long d'entre eux fait 8 km.

Je préfère que l'on m'oppose une euro-compatibilité sur la base de faits avérés, plutôt que de pratiquer l'autocensure en amont. Evitons de faire dire à l'Europe ce qu'elle n'a pas dit, et ce qu'elle ne dira peut-être jamais. Au contraire, faisons une interprétation des règles européennes respectueuse de celles-ci, mais constructive sur le plan social. C'est le cas de ce texte, que je défendrai, s'il le faut, au regard des engagements internationaux et européens qui guident notre action.

L'écotaxe poids-lourds ne concerne que la prestation de services de transports. Dès lors, les déménageurs et grossistes devront isoler dans leur bilan leur activité de transport si cela leur est possible. D'une manière générale, c'est l'usage des infrastructures, et non le type d'activité, qui permet d'identifier le champ d'application du dispositif.

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